Sibelle et l’art du soupir
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
– « J’étais son ombre, il était la mienne. » Cela fait plus de 48 heures avec Sibelle que cette phrase ne nous quitte plus. Elle est de Jean-Paul Belmondo, effondré à l’annonce de la mort de son ami de toujours ou presque, Jean-Pierre Marielle. « Quand on compte dans ses intimes des Belmondo, Noiret, Rochefort, cela doit quand même sacrément embellir la vie » commente ma tigresse. Et le choc est d’autant plus rude quand soudain le lien se rompt. Cette formule de Belmondo m’évoque l’hommage du poète André Breton à l’adresse de son ami Benjamin Péret, qui vint souvent le visiter l’été, à Saint-Cirq (les deux hommes n’aimaient rien tant que partir chasser les papillons sur le causse ou quérir quelque agate dans le lit du Lot) : «J’en parle de trop près comme d’une lumière qui jour après jour m’a embelli la vie.» Marielle, donc, s’en est allé. On a tout dit de son immense talent. De sa prestance, de sa voix. Mais je voudrais insister sur un point : cet acteur hors norme avait un don inouï et singulier. Il maîtrisait avec génie l’art du soupir. Je n’en connais qu’une qui le cultive avec une même grâce. C’est Sibelle.
– Nous n’avons pas encore choisi l’endroit précis où nous nous posterons, avec Sibelle, mais nous y serons. Je parle évidemment de la procession, ce samedi après-midi, de la Sainte Coiffe, dans les rues jouxtant la cathédrale où la précieuse relique est habituellement conservée. Il va sans dire que je surveillerai ma chère protégée de près. De très près même. Au dernier moment, elle serait capable de bondir pour aller parader devant la foule. « Le 900ème anniversaire de la cathédrale de Cahors », dois-je lui répéter sans cesse, « ce n’est pas la Foire du Trône ». Pour celui qui croit au ciel comme pour celui qui n’y croit pas (pour reprendre en l’adaptant la formule d’Aragon), c’est un moment de communion, religieuse ou laïque, autour d’un patrimoine commun. Un pan d’histoire, un repère, un élément fondateur. Comment ne pas y voir un symbole fort après le terrible incendie de Notre-Dame ? Et dès l’an prochain, la mémoire non sélective des Lotois sera de nouveau en éveil. On annonce une « année Gambetta » à l’occasion du 150e anniversaire de la fondation de la IIIème république. En guise de coiffe, Sibelle devra-t-elle arborer un bonnet phrygien ?
– Le député Pradié n’a pas goûté la conférence de presse présidentielle. Rien de surprenant certes de la part d’un opposant, mais la formule postée sur Twitter par le parlementaire lotois a intrigué Sibelle : « Mauvaise nouvelle de la soirée : la moquette toute neuve de la salle des fêtes de l’Elysée devra être changée. Elle est copieusement tachée du narcissisme ruisselant d’Emmanuel Macron. » Je consulte Internet et tombe sur cette définition formulée par Santé Magazine que je transmets à ma tigresse : « Le trouble de la personnalité narcissique se remarque par un fort besoin d’attention et d’admiration, ainsi qu’un manque d’empathie. » Sibelle qui a un sens de la psychologie très particulier réfléchit quelques instants et finit par conclure que « tout élu est toujours un peu narcissique ». Mais « l’essentiel est que la moquette soit épaisse pour que, même tachée ou mouillée, on puisse y acérer ses griffes. » Fermez le ban.
