Sibelle et la si belle chanson de Nino
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
– C’est notre confrère Le Monde qui l’écrit, cette semaine, dans un dossier consacré aux vins du Sud-Ouest : à 76 ans, « Alain-Dominique Perrin conserve la carrure du rugbyman qu’il fut et arbore une belle – et grande – gueule. » De fait, dans une interview sans langue de bois, l’ex-patron de Cartier qui a repris en 1980 le château Lagrézette et relancé l’appellation Cahors avec le succès que l’on sait annonce la couleur : « Je n’ai jamais gagné un rond avec Lagrézette. Donc, maintenant, je veux un vin aussi bon mais avec moins de frais. C’est simple, je fais 5 millions de chiffre d’affaires et 120 000 euros de pertes par an. Ça suffit. J’ai une nièce qui est une terreur et qui va trouver 450 000 euros d’économies. Pour la première fois de notre histoire, on va gagner de l’argent à la fin 2019. » Dans le monde des affaires, on appelle cela faire appel à un(e) « cost killer ». Littéralement « un tueur de coûts ». Je rassure aussitôt ma chère Sibelle. Pas question pour l’instant d’engager un « cost killer » à la maison. Mais sa réponse me stupéfie. « C’est dommage. Avec tous tes bouquins que tu n’ouvres jamais, tes pulls et pantalons qui dorment dans les tiroirs, et je passe sur les colifichets qui prennent la poussière sur les étagères, y’aurait de quoi se faire quelques billets lors d’une prochaine brocante. » J’ai failli ouvrir un Lagrézette pour me remettre…
– La musique n’adoucissant pas toujours les mœurs, contrairement à ce que prétend l’adage, j’avais quelque crainte ce vendredi quant aux choix de ma petite féline. J’avais tort. Pour fêter la musique, Sibelle s’est contentée de surfer sur Internet et de visionner quelques vidéos. Calée sur le sofa, elle a débuté par un classique de Bob Marley, puis elle a enchaîné sur un tube tout aussi classique de Jerry Lee Lewis. Ont défilé ensuite des extraits de concerts de Christophe, des Clash ou encore de David Bowie, c’est dire si l’éclectisme était de règle. Et soudain, je l’ai vu se figer. Je crois même qu’une larme a coulé le long de sa petite tête. Une fois remise, elle m’a tendu la tablette. Au gré de ses pérégrinations, elle était tombée sur la magnifique chanson de Nino Ferrer, « Le Sud ». Comme 45 millions de personnes avant moi (c’est incroyable mais vrai, le nombre de vues étant indiqué sur le célèbre site dont le nom commence par « You » et finit par « Tube »), j’ai alors réécouté. Pas besoin d’être lotois pour être saisi par la beauté de la voix, la justesse de la mélodie et la douce mélancolie des paroles qui s’achèvent d’ailleurs cruellement. Cela m’a un peu voire beaucoup assombri la soirée mais au bout du compte, sans démagogie, je me suis demandé avec Sibelle si des trois (Ferré, Ferrat, Ferrer), le vrai poète n’était pas celui qui aimait tant se mettre à la peinture, l’été venu, dans son repaire du Quercy blanc…
– Puisqu’on parle poésie, il paraît que des lycéens pétitionnent, estimant avoir été piégés lors des épreuves du bac. Ils ont découvert une fois sortis de la salle qu’Andrée (avec un « e ») Chedid était une femme ! Cela m’évoque le sketch d’Albert Dupontel où, passant l’oral du bac philo, il apprend navré la mort de Jean-Paul Sartre. Et un souvenir plus personnel. Une anecdote qu’aimait livrer un de mes profs d’anglais, dans les Ardennes. Michel Doury, par ailleurs romancier et traducteur, avait été mandaté dans les années 60 pour un oral de rattrapage dans la Vallée de la Meuse. Il disait être rentré consterné, ayant eu affaire à « des jeunes indigènes débarqués d’un autre temps » et au patois étrange : « Je ne comprenais même pas ce qu’ils disaient en français. Alors en anglais… Je leur ai mis la moyenne, au bénéfice du doute. »