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Sibelle, des miracles de Calvignac et de Douelle aux dangers du vote électronique


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Une fois n’est pas coutume, ouvrons ce rendez-vous par un conte de Noël en plein dernier week-end de juin, ce qui ne semble pas plus incongru après tout que ces trombes d’eau qui nous ont accompagnés ces derniers jours, dignes des orages d’ordinaire attendus après le 15 août. C’est ma petite protégée féline qui m’a alerté sur ce fait divers de début d’été. Sibelle en était littéralement bouleversée. Le week-end dernier, à Calvignac, voilà que des pêcheurs installés sur les bords du Lot aperçoivent un chaton (en très bas âge) en fâcheuse posture sur les falaises qui bordent la rivière. La brigade de gendarmerie de Cajarc est prévenue et récupère bientôt le petit animal. Puis les militaires s’activent pour trouver un foyer au petit être qui venait d’être sauvé après une escapade bien trop hardie. Quelques coups de téléphone et c’est chose faite. Le chaton est adopté. Car c’est connu, les gendarmes ont le bas long. Mais ils peuvent aussi le cas échéant avoir le bras tendre. Car entre-temps, l’un d’eux a relevé ses lunettes et a calé l’infortuné petit félin pour lui donner le biberon. L’image illustre le récit de cette intervention pas comme les autres sur le compte Facebook de la gendarmerie du Lot. « Cette photo est magnifique » a glissé Sibelle en sanglotant d’émotion. Je ne saurais dire autre chose.

Quand bien même peut-on parfois râler après avoir été sanctionné d’un PV pour excès de vitesse sur une portion de route nous semblant a priori tout sauf dangereuse et donc penser avoir été piégé, quand bien même nous arriverait-il de juger une intervention inutilement musclée, un déploiement de moyens disproportionné, des propos éventuellement excessifs, avec Sibelle, nous ne sommes pas de ceux qui dénigrent les gendarmes. Et les forces de l’ordre en général. Et au zèle de certains, comme dans toutes les professions d’ailleurs, il faut opposer le courage des autres.

En voici un exemple, il date des heures sombres. Cela se passe à Douelle, fin 1942, début 1943. Alfred B. est un jeune médecin, réfugié et juif (considéré comme tel en tout cas par le régime de Vichy). Il ne peut exercer comme médecin en raison des scélérates lois antisémites. Il a déjà été arrêté à la frontière espagnole et miraculeusement relâché. Un soir, on frappe à la porte de la maison où il demeure avec les siens. C’est un gendarme. « Alfred B. ? » demande l’homme en uniforme. « Oui » répond sans sourciller ce Parisien qui se cache sans se cacher vraiment dans le village lotois. Le gendarme prononce alors cette phrase extraordinaire. « Je suis passé vous dire que je reviendrai demain, avec des collègues… » Il n’en faut pas davantage. Alfred a compris. Il a le temps de remplir une petite valise, puis dans la nuit, il prend la fuite. Il parvient à quitter le Lot et quelques jours plus tard, il rejoint un maquis dans le Limousin. Plus tard encore, il s’engage dans l’armée de Libération, et combattra notamment en Alsace. J’ignore le nom de ce gendarme. Et je ne sais combien d’autres Alfred a-t-il pu prévenir et sauver. Peut-être est-il resté silencieux sur ses interventions. Tous les héros n’ont pas leur nom gravé sur une plaque ou un monument. En ces temps-là, quelques mots suffisaient parfois pour sauver une vie. Ou parfois, il suffisait de détourner la tête pour faire semblant de ne pas voir… Voilà.

Retour en l’an de grâce 2021 et au second tour des élections départementales et régionales. Qui s’annoncent d’ailleurs sans grand suspense par chez nous. Reste la question de la participation, puisque majoritairement, les électeurs ont boudé dimanche dernier les bureaux de vote. Comme si le mal n’était pas plus profond, voilà que certains proposent d’instaurer la possibilité de voter par internet. Même si le procédé devait être sécurisé (ce qui n’est pas rien quand il y a peu encore un ministre expliquait les dysfonctionnements des cours à la maison via le web par des attaques de hackers), cela me fait peur.

Moi, mon hacker s’appelle Sibelle. Je n’imagine pas un instant qu’elle ne tenterait pas d’abord d’influencer mon choix (elle le fait déjà) puis, si elle avait échoué à me faire voter pour je ne sais quel candidat du parti animaliste ou autre cause lui semblant primordiale, qu’elle ne bloquerait pas mon petit ordinateur pour voter à ma place. Alors, si on peut attendre un peu, ce sera tant mieux. Je ne vais quand même acheter un coffre-fort en guise d’isoloir ?

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