Sibelle court après le « temps long »
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
En une période où, nous dit-on assez justement, le fossé semble se creuser toujours davantage entre les citoyens et leurs représentants (il n’est qu’à observer les chiffres de la participation lors des scrutins), il faut saluer l’abnégation des élus locaux. Confrontés à la lutte contre la pandémie et à ses conséquences, ils sont par ailleurs, pour la très grande majorité d’entre-eux, soucieux d’assumer leurs obligations de toujours dans le cadre de leurs compétences définies par la loi. Sans oublier leurs promesses électorales !
Dans ce contexte, il faut saluer la détermination affichée par la ville de Cahors et son exécutif : en début de semaine, conformément aux engagements pris durant la campagne par Jean-Marc Vayssouze-Faure et son équipe, a été lancé un « appel à candidatures pour participer à la commission extra-municipale du temps long ». Sibelle a été prise de court, pardon pour le jeu de mots. Et m’a tout de go interrogé : « Le temps long, c’est quoi ? » Il suffisait de lire la suite de l’article publié sur Medialot : « Opérationnelle dès le printemps prochain, cette instance participative (…) sera garante de la prise en compte des questions écologiques, sociales et climatiques dans les projets de la commune. Elle sera aussi un appui pour aider la collectivité à organiser la transition à plus long terme et faire face aux défis environnementaux et sociétaux qui s’annoncent. »
Que le premier magistrat de notre auguste ville-préfecture soit rassuré : Sibelle n’habite pas Cahors et elle ne candidatera donc pas. Pour moi, en revanche, c’est fichu. Ma protégée féline que la démocratie participative a le don d’exciter a d’ores et déjà été convaincue que nous ne pouvions rester les bras croisés : dans notre maison, sur les hauteurs du village, ma chère Sibelle a donc instauré dès mercredi une commission du « temps long », et puisqu’il n’y avait plus de temps à perdre, elle s’est autoproclamée présidente de ladite instance. Nous étions deux, Sibelle et moi, pour la réunion inaugurale. J’ai timidement demandé quel était l’ordre du jour et quel était le périmètre, notamment géographique, des compétences de la commission. Ma tigresse domestique a cru déceler une forme de mauvais esprit dans mon intervention et a réagi vertement.
« Primo, une boîte à idées sera installée dans la cuisine où tout un chacun aura la possibilité de déposer ses propositions. Secundo, toute opération susceptible d’affecter le foyer et le périmètre immédiat de notre habitation (hors l’entretien habituel) devra être validée par la commission. Et donc par moi-même. Cela va de l’aménagement intérieur, de l’achat de meubles ou décorations aux contraintes liées au chauffage et aux énergies en général en passant par les questions liées au transport (usage de l’automobile versus les mobilités douces) et aux nuisances sonores et visuelles (en clair, le choix des programmes télé). » Fermez le ban.
Pour le reste, faut-il noter que la notion de temps long fait irruption dans notre vocabulaire politique lotois en pleine pandémie ? Précisément à un moment de notre histoire, collective ou personnelle, où ce qui participe à notre angoisse est justement de ne plus pouvoir avoir de projet à court ou moyen terme ? Sibelle n’a cure de ces questionnements. Elle sait que les chats ont neuf vies, mais que ce miracle se paie cher : un an de vie de chat est grosso modo équivalent à sept années de vie humaine entend-on souvent… Sur ce, un autre temps nous préoccupe. Le temps qu’il fait. Dans les Ardennes où j’ai passé près d’un demi-siècle de ma vie, on a relevé plus de 10 centimètres de neige par endroits cette semaine. Dans le Lot, en revanche, les flocons du début de semaine n’ont pas vraiment tenu. Juste le temps (décidément, ce mot revient souvent sans qu’on s’en rende compte d’ordinaire) de faire quelques photos. Ou de glisser en faisant le tour du quartier, les mains dans les poches, les yeux fixés sur la vallée et les parcelles de vignes, se répétant in petto, comme le poète Pablo Neruda, cité jeudi par la ministre Roselyne Bachelot, que « le printemps est inexorable ».
Le temps, encore, de méditer sur cette info partagée cette semaine par France Bleu Champagne : « Disparue au cours d’un déménagement il y a onze ans, une chatte aujourd’hui âgée de quatorze ans a retrouvé ses propriétaires, à Saint- Brice-Courcelles, dans la Marne. » Dénommée Boulette, elle aurait été recueillie par des riverains vivant à moins d’un kilomètre. Voilà qui me laisse perplexe. En est-il de même pour ma petite Abysse, comme volatilisée depuis quatre ans ? Sibelle devine mon vague à l’âme. Elle vient se lover sur le sofa. Elle réclame un câlin. Je lui offre. A défaut de bien saisir ce qu’est le temps long, je ne cours pas seul après le temps qui file…