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Serge Joncour, romancier du confinement « made in Lot »


Avec « Chaleur humaine », l’écrivain continue d’épier notre monde qui s’emballe à travers l’histoire d’une famille d’ici.

On l’avait laissé couronné par le prix Femina 2020 pour « Nature humaine ». Une saga de paysans lotois confrontés tout à la fois aux tragédies collectives du dernier quart du XXème siècle (de la sécheresse de 1976 à la tempête de 1999 en passant par la catastrophe de Tchernobyl), à la mutation de tout un modèle agricole et, accessoirement, à l’aménagement de l’autoroute A20… On avait refermé le livre de Serge Joncour en espérant qu’Alexandre, qui reprenait la ferme familiale, puisse relever tous ces défis.

Attaché au Lot où il a déjà situé plusieurs ouvrages et qu’il connaît bien pour y séjourner fréquemment auprès de sa belle-famille, Serge Joncour nous revient en cette rentrée littéraire avec « Chaleur humaine ». La ferme est toujours là, et le paysage n’a guère changé. Sauf trois éoliennes qu’Alexandre, qui est resté « vivre et travailler au pays » selon un slogan jadis en vogue, a baptisées des prénoms de ses sœurs qui, elles, ont préféré s’établir en ville : Vanessa, Caroline et Agathe. Ils ne se voient plus guère que lors de réunions de famille. Quant à sa compagne, Constanze, elle est responsable d’une zone forestière que les vents de 1999 avaient terrassée et qui est devenue une zone sensible, où des scientifiques viennent observer comment la nature reprend ses droits. Et puis. Et puis la pandémie est arrivée. Pour le romancier qui cherchait un « truc » pour faire revenir ses personnages et écrire le tome II de sa saga, ce fut presque une bénédiction. On insiste sur le « presque ». « Il s’est vraiment passé un truc. Un mouvement de fond. On s’est mis à reconsidérer le vert, les arbres. Il y a eu un surgissement… Jusqu’alors, profiter du temps qui s’arrête, on en rêvait pour un week-end, une semaine… Mais un mois et demi, cela semblait inimaginable… » explique l’écrivain à propos de la genèse du roman. A l’occasion du confinement, toute la famille s’est retrouvée, donc, à la ferme, aux Bertranges…

> Un roman qui porte bien son titre

Serge Joncour évoque cette parenthèse inattendue sans oublier qu’en toile de fond, outre les virus (auxquels les éleveurs sont du reste habitués, quand ils frappent leurs animaux), une autre tragédie prend tout le monde de court. C’est le dérèglement climatique. « A la campagne, dans le Lot notamment, on mettait les vaches à l’abri en hiver parce qu’il faisait trop froid. Maintenant on les met à l’abri en juillet et août parce qu’il fait trop chaud et qu’il n’y a plus d’herbages… » glisse le romancier lors de la présentation de son livre chez son éditeur.

C’est ainsi, avec Serge Joncour. Le monde est concentrique. Il décrit la panique mondiale à travers une famille du Quercy qui resserre ses liens l’espace d’un confinement à la campagne. Mais le vertige demeure. Comme le style : à la fois sans chichi, fluide, et reflet d’une mécanique fictionnelle désormais bien rodée. « Entrelaçant l’histoire du monde et une histoire de famille, il embrasse notre présent et nos fautes passées » lit-on justement dans la présentation de « Chaleur humaine ». Et cette conclusion qui résume bien l’intention de l’auteur : « Tandis que, du dérèglement climatique aux règlements de compte, des épidémies aux amours retrouvées, la nature reprend ses droits, ces hommes et ces femmes vont vivre un huis clos d’une rare intensité. Avec « Chaleur humaine », Serge Joncour nous tend un miroir vertigineux et, ce faisant, il ajoute une pierre essentielle à son œuvre. »

Le confinement a été l’occasion pour nombre d’écrivains de faire une pause ou de livrer des journaux, des chroniques parfois très en décalage avec le quotidien de millions de Français soudain obligés d’adopter un chien pour avoir le droit de faire un tour dehors… Mais privés de boulot, de bistrot, de ce qui fait le sel du quotidien. Prisonniers d’un huis clos qui semblait n’en plus finir.

Serge Joncour, lui, a choisi de prendre le large. D’en revenir aux fondamentaux et donc, dans le Lot, de nous redire nos quatre vérités. Avec quelques raisons d’espérer. Quand même. Et c’est pourquoi « Chaleur humaine » porte bien son titre. Et pour nous, simples Lotois de toujours ou d’adoption, il faut bien reconnaître qu’au terme de la lecture, nous revient cette formule dont nous avons fait le gimmick de notre rubrique du samedi, cette citation de Maurice Faure qui ponctuait naguère les congrès des maires qu’il présidait avec bonhommie : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux. »

Ph.M.

Albin Michel, 352 pages, 21,90 euros.

Photo d’illustration archives

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