Quand le sénateur et maire de Cahors devait composer avec une drôle de voisine
Où il est question du #Lot et des #Lotois sur les réseaux sociaux.
– Un bref retour en images pour débuter : elles sont issues du compte Meteo Express et nous montrent à quel point l’épisode orageux fut violent jeudi à Gourdon. Avec « en début d’après-midi, un orage diluvien, de la grêle et plus de 40 mm de pluie en 20 minutes… ». C’est, effectivement (hélas!), très spectaculaire.
– Tout autre sujet avec nos confrères de Télérama. Qui nous ont rappelé que le week-end dernier n’était pas seulement consacré au second tour des législatives. Se déroulaient également les Journées européennes de l’archéologie. Et de consacrer un focus sur notre région ainsi titré :
« Dolmens et tumulus : un patrimoine en péril dans le Quercy ? ». En effet, nous n’avons rien à envier, dans ce domaine, à la Bretagne : notre territoire est celui qui « abrite le plus grand nombre de mégalithes en Europe ». Ainsi débute le reportage signé Charlotte Fauve : « Village du Gréalou, dans le Lot. Dans le champ de Marc Pinquié, carrossier de son état, les archéologues se sont reculés de deux pas, pour admirer. « Qu’il est beau… » Le bolet rondouillard repéré dans l’herbe ? Non, le dolmen qui sous son monticule verdoyant semble ouvrir, face aux visiteurs, une brèche sombre vers le néolithique, il y a 5 000 ans. Mireille Leduc, du Service régional de l’archéologie Occitanie, n’a pas résisté : elle s’est faufilée sous la table rocheuse du vénérable mégalithe pour lui ausculter les « orthostates », les piliers de pierre. Quant à son confrère, le chercheur au CNRS Vincent Ard, il scrute avec intérêt le bout de la pâture, où s’arrondit une butte surmontée d’un bosquet d’arbres. « Je suis prêt à parier que vous avez là un second tumulus », s’enthousiasme- t-il. Pour l’archéologue, qui en 2016 a lancé l’association MégaNéo, la préservation et la redécouverte de ce patrimoine ancestral représentent un enjeu européen, notamment dans la région. »
– Cette formidable reprise de volée postée sur le tout aussi formidable compte « Anthologie de la répartie », qui met à l’honneur un célèbre enfant du pays : « Fils d’aubergistes, Joachim Murat devint roi de Naples. Un jour, un aristocrate lui rappelle ses modestes origines :
– Souvenez-vous que vous avez débuté comme garçon d’écurie.
(Réponse de l’intéressé 🙂
– La différence entre nous deux, c’est que si vous aviez été garçon d’écurie, vous le seriez resté. »
– Un coup de gueule au passage. C’est Jean-Philippe Henry (social manager de profession) qui interpelle « liO Train SNCF Occitanie » :
« Nouveaux horaires au 1er juillet mais toujours pas de retour du train de 17 h 52 en semaine à Gramat vers Brive qui permettait d’avoir la correspondance vers Paris. A quoi sert celui d’après ? » Un journaliste parisien lui répond : « A découvrir Brive by night, pardi ! » Quant à l’opérateur ferroviaire, il suggère d’utiliser un formulaire adéquat pour suggérer une modification. C’est beau, la communication sur les réseaux…
– Notre plongée dominicale dans les archives nous ramène plus d’un siècle en arrière. Avec cette histoire à peine croyable, à fois drôle et pleine d’enseignements. Comme si, au fond, sur certains points, notre société n’avait que peu changé. Quotidien spécialisé dans l’information culturelle (beaux-arts et spectacles), Comœdia publie en une le 15 avril 1921 un article titré « Le cruel Bib et la pauvre Cécile Sorel ». Bib est alors un caricaturiste à la mode et la seconde, Cécile Sorel, une actrice en vue (1873-1966) réputée pour ses outrances. Le surtitre donne le ton : « Un incident bien parisien ». Et le style est évidemment sarcastique. « Le peintre Maurice Neumont, secrétaire général de l’Association des dessinateurs humoristes, arrive la blague aux lèvres et un papier, à la main : – Vous ne devineriez jamais ce que c’est, ce papier, c’est une assignation. Il paraît que Bib a fait une victime. Sa cruauté, si l’on peut dire, s’est exercée sur la personne de Mlle Cécile Sorel, sociétaire de la Comédie-Française. Et cette dame, fort mécontente d’une caricature, somme toute fort honnête, nous a assignés, Bib, le directeur et les administrateurs de l’Association des dessinateurs humoristes en dix mille francs de dommages et intérêts. On va pouvoir s’amuser un petit
moment. »
– C’est que l’œuvre est précisément exposée au Salon des Humoristes. Et dans le libellé de l’assignation, la plaignante demande tout simplement sa destruction ! L’article donne ensuite la parole à l’auteur de la caricature, ravi d’avoir visé juste, puis à Cécile Sorel, qui explique pourquoi elle a saisi la justice. « C’est par hygiène que je poursuis ce caricaturiste. Mais si vous saviez comme tout cela peut me laisser indifférente ! Je comprends parfaitement l’art de la caricature en général Mais je ne puis admettre celle de ce Monsieur Bib. Quand on se veut caricaturiste, il convient que l’on ait un tout petit peu d’esprit. Et M. Bib manque terriblement de cet esprit français et de cette exquise politesse de notre race que nous avons eu tant de mal à sauver au cours d’années cruelles. Ce M. Bib n’est pas un gentleman, voilà tout ce que je puis vous dire. Autrement, il n’aurait pas essayé ainsi d’enlaidir systématiquement une femme. Que l’on moque un homme, cela peut passer. Un homme n’a pas besoin d’être beau (…). Mais la femme, Monsieur, est la parure et la grâce de la vie. Comment jauger ceux qui ne le comprennent pas ? Il est criminel de tenter quoi que ce soit contre la Beauté. Or, je suis belle, je sais que je suis belle. Lorsque je ne serai plus belle, j’abandonnerai la scène. Mais d’ici là, je me défendrai contre ces injurieuses attaques… »
– Sur ce, nos confrères concluent en évoquant qu’un tiers est susceptible d’être partie prenante. Il s’agit d’une personnalité connue qui a déjà acheté l’œuvre : Monsieur de Monzie, sénateur du Lot, ancien ministre. Et qui, hasard ou pas, demeure dans le même immeuble que Mlle Cécile Sorel, quai Voltaire, dans le 7e arrondissement… Difficile d’imaginer qu’il va accepter de restituer la caricature déjà achetée et qui plus est de la détruire… Le feuilleton continue et dans les éditions des jours qui suivent, aucun détail n’est oublié. Il faut dire que l’affaire est tout sauf banale. Le 16 avril, Comœdia se contente de publier des réactions. Mais dès le 17, le scandale se corse. On apprend que la veille, Cécile Sorel a fait irruption au Salon et a brisé la glace qui protégeait la caricature de Bib. Les artistes organisateurs n’en demandaient pas tant, et annoncent à leur tour déposer plainte.
– Nouveau coup de théâtre le lendemain. Mêlé malgré lui au scandale, le sénateur-maire de Cahors sort un lapin de son chapeau et propose une solution permettant à toutes les parties de sortir par le haut de cette pièce tragi-comique. Dans l’édition du 18 avril, alors que les Humoristes continuent de se féliciter de cette publicité inattendue _ « Le chiffre des entrées au salon a sextuplé » glisse l’un d’eux _ , le journal reproduit un courrier de M. de Monzie adressé par porteur : « Monsieur le Directeur. Je suis résolu à n’acheter jamais plus de caricature parisienne que sous un faux nom ou par personne interposée. Cette résolution m’est inspirée par l’embarras que j’éprouve à figurer dans l’aimable film organisé par Mlle Cécile Sorel et M. Bib. Vous’ m’obligerez en m’aidant à sortir de cette aventure avec un profit de bienfaisance. D’ordinaire, la bienfaisance est un prétexte pour nos amusements : ici elle peut en être l’heureuse conclusion. Voici donc ce que je vous propose. L’œuvre de Bib ayant pris une importante plus-value à la faveur d’incidents prolongés et des articles de Comœdia, je vous demande de bien vouloir procéder à la vente aux enchères de ce dessin devenu un document de notre petite histoire, le produit de cette adjudication devant être versé aux pauvres de la ville de Cahors, dont je suis maire. Ainsi la galéjade parisienne finira- t-elle par bénéficier à quelques miséreux de province. Je souhaite pareil sort à toutes les galéjades. Si ma suggestion vous agrée, disposez de mon achat, faites au mieux et envoyez le produit de la vente à M. Tassart, premier adjoint au maire de Cahors, qui veut bien me remplacer pendant que je vous écris. Veuillez croire, Monsieur le Directeur, à ma parfaite considération. »
– Ouf. Dès le lendemain, on apprend que la sourcilleuse actrice a donné son accord à la médiation inattendue de l’élu lotois, et lui-même accepte de livrer ses sentiments à un reporter : « J’ai la plus profonde horreur du parisianisme et des histoires « bien parisiennes », et je commence à être agacé de tout ce bruit fait autour de ma personne. Je serais navré d’avoir causé du désagrément à Mlle Cécile Sorel, que je vois très rarement, mais avec qui j’ai de forts bons rapports de voisinage. C’est une femme charmante et dont la bonté et la générosité sont bien connues dans le quartier. (…) Tout ce bruit n’aura pas été inutile, malgré tout puisque c’est ma chère ville de Cahors qui en profitera, cette admirable ville malheureusement si pauvre. Que vous dire de plus ? Ceci seulement : Comme maire de Cahors, je souhaite que la caricature de M. Bib se vende très cher. »
– Entretemps la comédienne confirme qu’elle retire son assignation. Durant quelques jours, la rédaction de Comœdia publie les propositions d’enchères. Et le 24 avril, on connaît enfin la conclusion de l’affaire : c’est le directeur de l’Olympia, Robert Franck, qui a remporté le gros lot la veille à midi en offrant sur le fil un chèque de 3000 francs. Tout le monde est ravi. Même Cécile Sorel, qui devant des cameramen travaillant pour une firme américaine, est retournée au salon pour mimer son geste (le bris de la glace) : une bonne promotion avant sa prochaine tournée aux Etats-Unis…