Mort de Ladjel : Le forain qui l’avait poignardé a été condamné à 10 ans de prison
Le procès a duré deux jours, mais n’a pas permis d’éclaircir tous les faits. Pourtant l’accusé a toujours reconnu sa culpabilité.
A Cahors, sur la place Charles-de-Gaulle, les premiers manèges de la fête foraine sont en train d’éclore. Un rituel joyeux qui revient d’année en année. Mais, désormais, pour la famille de Ladjel, l’évènement est surtout synonyme de douleur. Le 29 octobre 2021, ce jeune homme de 18 ans a été mortellement poignardé par un forain au cours d’une rixe. Ce dernier, David C. , un père de famille de 35 ans, était jugé devant la cour criminelle départementale du Lot. Lundi 14 octobre, il a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Il encourait le double.
Qui a, le premier, lancé les hostilités ? La question restera sans réponse. De chaque côté, on accuse les autres. Lors de la première journée de procès, vendredi 11 octobre, six témoins et proches de Ladjel ont raconté leur version des faits. Plusieurs incohérences émaillaient déjà leurs récits. Un dernier témoin était attendu ce lundi. Il s’agissait de John*, le meilleur ami de David C., qui l’accompagnait le soir des faits. Tout aurait commencé lorsque les deux forains auraient aperçu une silhouette furtive entre les manèges. Avisant un groupe de jeunes, ils les auraient informés que la fête foraine était fermée. Selon les témoignages, le ton est décrit comme plus ou moins véhément. D’après John, c’est à ce moment qu’il aurait reçu les premiers coups de pied. « Je tombe une première fois, je reçois plusieurs coups à la tête. J’essaie de me relever et de m’enfuir mais ces gens me rattrapent. Je tombe à nouveau. J’étais roulé en boule en sol et roué de coups. Ils étaient vraiment déchainés. Je ne savais plus quoi faire pour m’en sortir », raconte-t-il en affirmant être encore traumatisé de cette soirée. En janvier 2023, le frère de Ladjel a d’ailleurs été condamné à huit mois d’emprisonnement pour ces violences en réunion.
L’accusé livre un témoignage similaire. Lui aussi assure avoir été victime des premiers coups, être tombé, s’être relevé et être retombé. « On me maintenait au sol en me mettant des coups de pieds, encore et encore. J’ai vu John se faire écraser la tête à plusieurs reprises, les yeux révulsés. Ensuite, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, le geste est parti. J’ai saisi mon couteau de poche et j’ai piqué en avant au hasard », soutient-il. Pour son avocat, Me Christian Blazy, cette version est même une question de bon sens : « C’est quelqu’un qui n’a jamais eu maille à partir avec la justice concernant des faits de violence. Pourquoi deux personnes qui ne sont pas violentes, comme le montrent leur casier, seraient aller s’attaquer à un groupe de six jeunes plus robustes qu’eux ? »
Du côté de la famille de Ladjel, la pilule ne passe pas. « Il se fait passer pour la victime plutôt que pour l’accusé. C’est un meurtrier. Il a pris notre frère, il a pris notre moitié. On demande une vraie justice », lance la grande sœur de la victime, estimant que Ladjel a été « tué sauvagement ». A la barre du tribunal, la mère de Ladjel se souvient entre ses larmes de la nuit où elle a appris la mort de son fils. « Ce n’est pas juste. Maintenant, je dois vivre avec ça. Tous les matins, je vais sur la tombe de mon fils. Je ne pourrai jamais pardonner ce qu’il s’est passé », assène-t-elle.
Pour les parties civiles et le parquet, qui requiert 13 ans de détention, une des raisons pouvant expliquer ce geste fatal est l’alcool. Le soir des faits, l’accusé avait 1,5 g d’alcool par litre de sang. « L’alcool empêche d’avoir de bons réflexes et favorise les comportements violents. 30 à 40 % des condamnations résultent de faits commis sous l’emprise d’un état alcoolique », rappelle Me Véronique Mas, qui défend la famille de Ladjel. Pour l’avocate, il y a disproportion entre le début de la rixe, quelle qu’en soit la raison, et le coup de couteau : « David C. était le seul armé. Rien ne peut justifier d’avoir sorti ce couteau alors qu’on se battait à mains nues. Ce couteau est la seule cause directe de la mort de Ladjel ».
Me Christian Blazy le sait, rien ne sert de plaider la légitime défense. Son client, David C. a d’ailleurs toujours assumé ses actes et exprimé ses regrets. « Ce n’est pas un monstre. Si la rixe s’était arrêtée au moment où John détalait comme un lapin, il n’y aurait pas eu de couteau. Mais ils l’ont poursuivi. Ce n’est pas possible que ceux qui ont fait cela ne se remettent pas aussi en cause aujourd’hui », s’insurge-t-il. « Il a donné un coup de couteau, sans viser. Le drame c’est que ce couteau s’est fiché dans le cœur. »