Libération de Cahors : « C’est l’oubli des vivants qui fait mourir les morts »
Cérémonie du 79ème anniversaire de la Libération de la ville.
Ce jeudi 17 août 2023, la cérémonie du 79ème anniversaire de la Libération de Cahors s’est déroulée sur le parvis de l’hôtel de ville en présence des autorités civiles et militaires. « C’est toujours un moment émouvant de se retrouver ici, chaque 17 août, sur ce parvis, pour commémorer le souvenir de la Libération de la ville et, par là même la Libération du département. Commémorer mais aussi rendre hommage à tous les combattants de l’ombre, femmes ou hommes, victimes civiles décédées pendant cette sombre période de notre Histoire que fut la Seconde Guerre mondiale. Pour notre département, ce furent 420 morts au combat, 319 morts en déportation, 165 civils lâchement abattus et 41 victimes inconnues, car non identifiées. Associons à cet hommage aux 945 disparus, les oubliés des commémorations générales qui surent accueillir, aider, protéger, cacher, au péril de leur vie, d’autres êtres humains victimes des crimes racistes, xénophobes et antisémites d’un Etat français très collaborateur » a déclaré Renée Soulié, la présidente du musée de la Résistance, de la Déportation et de la Libération du Lot, avant de conclure : « Demeurons vigilants aux sirènes d’un populisme trompeur. Rassemblons-nous autour de notre devise commune emblématique : Liberté, Egalité, Fraternité. Demeurons exigeants dans les rappels de mémoire : musée, médiations cérémonies. Pour conclure ce propos, j’emprunterai cette maxime lue au cimetière de Touzac sur la tombe de Marguerite Moreno : « C’est l’oubli des vivants qui fait mourir les morts ». N’oublions pas, n’oublions jamais. » Jean-Marc Vayssouze, maire de Cahors, n’a pas manqué de faire le lien avec l’actualité : « Aujourd’hui nous commémorons la libération de Cahors et essayons d’imaginer ce qu’a représenté ce soulagement, cet intermède d’euphorie, ces instants d’allégresse permis par la liberté si chèrement recouvrée. Aujourd’hui, en ce lieu emblématique, nous rendons hommage aux Français d’alors, et à leurs alliés, sans qui notre vie serait toute autre. Aujourd’hui, ensemble, nous les remercions avec sincérité pour les sacrifices consentis et le courage dont ils ont fait preuve, au péril de leur vie. Mais aujourd’hui plus que jamais, alors que nous vivons le retour de temps troublés, je pense qu’un devoir nouveau nous incombe dans une étape de notre histoire où tout semble remis en cause, jusqu’à nos idéaux, nos principes et nos valeurs, que nous croyions à tort définitivement acquis. « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. ». Cette phrase appartient à Albert Camus, prononcée au cours de l’un de ses célèbres discours. Elle résume ce devoir nouveau, ce défi immense qui se présente à nous : « empêcher que le monde ne se défasse ». De ces années de combats, de destructions massives, de privation de liberté, des traces sont longtemps restées ancrées dans notre mémoire collective et au cœur du souvenir des acteurs de cette période sacrifiée. De ces années de tueries, de massacres et de crimes contre l’humanité, des stigmates ont persisté et longtemps pesé sur les sociétés européennes, laissant une grande place aux incertitudes. Mais de ces mêmes blessures est né le dessein d’une union salvatrice, politique, économique et sociale, qui allait durablement former le socle de notre unité et de nos destinées communes. Aujourd’hui, avec effroi, ces souffrances ressurgissent dans notre actualité avec une cruelle réalité. Ce retour de la guerre sur le sol européen nous effraie et nous menace, directement. Ces combats, ces bombardements, ces convois de chars sont un terrifiant retour en arrière pour notre continent. Aux portes de l’Europe, celle vue en tant qu’institution, les armes font de nouveaux retentir leur effroyable fracas. Elles détruisent, terrorisent, replongent dans l’horreur tout un peuple, toute une population dans le but de la mettre au pas. Elles blessent, elles massacrent. Aveuglément, indistinctement, odieusement. Elles tuent au hasard enfants, femmes, hommes, qu’ils soient civils ou combattants. A tout jamais, ces armes anéantissent les vies tout comme les esprits de ceux qui les brandissent et en font usage, quel que soit leur camp. Une nouvelle page est en train de s’écrire, jour après jour, sous notre regard stupéfié. Les faits, comme les lettres qui emplissent les pages d’un cahier, s’enchaînent sous nos yeux et noircissent notre actualité. Nous semblons avoir perdu la main et restons démunis face à cette escalade. Comment se prémunir de cette menace ? Quelles armes devons-nous prendre à notre tour pour préserver nos valeurs et défendre la paix ? Les diplomates, les chefs d’Etat, les hautes institutions ne sont pas seuls à pouvoir y contribuer. Chacun d’entre nous, dans notre quotidien, doit y veiller. Nous le devons pour la survie de notre société. Nous le devons à celles et ceux que nous honorons, ici même, chaque année.En nous remémorant ce moment clé de notre histoire locale, qui fait écho à celle de l’ensemble de notre pays, en pensant à tous ceux qui ont alors disparu, et à ceux qui luttent en ce moment même, nous contribuons, fraternellement, à consolider cette paix entre les peuples. En luttant sans relâche contre les réflexes de divisions et de stigmatisations qui entachent notre société. En résistant, comme celles et ceux qui se sont engagés dans cette voie dans les années 40, et en faisant le bon choix, celui de l’unité et de la solidarité, au sein de notre société bien sûr, mais également entre les nations. Parce que « Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent » comme le disait Lucie Aubrac, figure combattante de la première heure lors de ces évènements, résistons à notre tour pour rester libre. Et pour être digne de ce précieux héritage transmis par les acteurs de ce temps. » Après le Chant des Partisans et les dépôts de gerbes devant le monument aux morts de la mairie, la Marseillaise a retenti en conclusion de cette cérémonie.