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Les ordonnances très politiques du bon docteur Foissac 


Natif d’Albas, ce pionnier de la médecine hygiéniste dénonça avec véhémence l’insalubrité des logements en ville. 

Côté face, une carrière très classique, voire confortable. Né à Albas en 1801, le docteur Pierre Foissac s’est établi à Paris, y tâta un peu de politique (il fut adjoint au maire du Ier arrondissement), avant d’être nommé médecin-chef de la Maison d’éducation la Légion d’honneur à Saint-Denis. Il y donna satisfaction, et fut d’ailleurs chevalier (1849) puis officier (1872) de cet ordre. Un échec toutefois l’a contrarié : il fut battu quand il candidata pour siéger à l’Académie française. 

Côté pile, en revanche, on découvre un auteur prolixe. Et on se réjouit que le progrès aidant, une partie de son œuvre soit désormais accessible en ligne. Ce qui permet de comprendre que les nombreuses études et recherches du docteur font de lui sinon un visionnaire, en tout cas un pionnier ayant très tôt pointé, par exemple, l’influence des climats sur l’homme (sa santé, son évolution), et donc aussi celle de la météorologie. Ainsi convaincu, en bon natif du Quercy, de la relation évidente entre bon air et bonne qualité de vie (et de santé), il se fit dès lors par ailleurs un ardent militant de l’hygiène. D’où une violente dénonciation de l’insalubrité des logements dévolus aux ouvriers dans les grandes métropoles. A l’heure de la révolution haussmannienne, il y avait urgence, pour lui, à ce que toute les couches de la population bénéficient d’habitations saines, aérées… 

Remarqué par Nietzsche 

Certains de ses essais semblent plus étonnants : ses œuvres les plus marquantes sont bien « De l’influence des climats sur l’homme » et « Hygiène des saisons ». Mais le Dr Foissac signa aussi un mémoire au titre évocateur, « De l’influence du moral sur le physique » (où il aborde ce que l’on nomme aujourd’hui la somatisation) et encore cet ouvrage, « La Chance ou la destinée » dans lequel il s’inquiète de l’éventuelle influence de facteurs aléatoires (y compris leur nom) sur l’espérance de vie des individus… 

Décédé à Paris en 1886, Pierre Foissac connut quelque gloire aussi à l’étranger. Un certain Friedrich Nietzsche fait ainsi état de ses travaux dans sa correspondance ! Le philosophe demande dans une carte postale envoyée de Gênes à un ami de lui adresser l’étude du médecin français sur l’influence des climats, étant lui-même très affecté par les effets électriques de l’atmosphère dans certaines contrées… 

Les extraits qui suivent figurent justement dans « Hygiène des saisons », paru en 1884. Où l’on comprend que la quête d’une saine hygiène doit se traduire par une politique ambitieuse. D’ailleurs le Lotois cite Blanqui. S’il ne partageait peut-être pas toutes ses opinions, il le rejoignait sur un constat : la classe ouvrière ne peut être ainsi abandonnée à survivre dans des logements indignes. C’était il y a 140 ans. C’était hier… 

« Tous les auteurs qui se sont occupés de statistique ont signalé ce fait important : l’habitation des villes où cependant sont réunis la richesse, le luxe, la propreté, de grandes maisons, de beaux palais, est infiniment moins salubre que celle des campagnes où tout fait défaut. Dans l’échelle de la longévité, les théologiens figurent au premier rang, les agriculteurs au second ; cela est vrai pour Londres comme pour Paris et les autres capitales. Par exemple, dans la période quinquennale de 1846 à 1850, on trouve 1 décès sur 4,197 habitants pour la France entière, 1 décès sur 3,732 pour les villes, 1 décès sur 3,235 pour Paris. » 

Densité de population = surmortalité 

« Lorsque la transformation de la capitale en faisant ouvrir de grands boulevards et abattre un grand nombre de maisons, habitées surtout par la classe ouvrière, força celle-ci à chercher un refuge dans les campagnes voisines, on fut surpris de voir tout à coup la mortalité diminuer dans les familles d’ouvriers. Le nombre des décès est donc en raison de l’agglomération, c’est une des lois les plus générales de la mortalité. Elle ressort de tous les faits que l’on recueille dans les divers pays. La proportion de la mortalité est d’autant plus considérable que la population est plus dense ; les villes sont moins salubres que les villages, les villages que les habitations isolées, de sorte qu’il est permis de répéter avec l’auteur des Géorgiques : « 0 fortunatos nimium, sua si bona norint Âgricolas ! » (Trop heureux les hommes des champs, s’ils connaissent leur bonheur). » 

« La France compte vingt millions d’agriculteurs sur une population d’environ trente-sept millions. Mais d’année en année, les campagnes se dépeuplent au grand détriment de la morale publique et de la véritable force d’un pays, la population des villes s’accroît quand il serait si facile aux gouvernements de remédier à ce mal et à ce péril. (…) Nous n’entrerons pas dans les détails techniques que nécessite toute habitation, et même la forme la plus modeste ; nous ne saurions cependant assez insister sur le précepte de la séparer des écuries et des étables des animaux. Les propriétaires trop avides ne veillent pas assez sur cette séparation ; la question des latrines est à l’étude ; on sait les travaux exécutés à Londres, à Venise et dans quelques autres villes situées sur la mer et sur de grands fleuves. Les mesures entreprises à Londres n’empêchent pas l’infection de la Tamise, à certaines époques, l’invasion des maladies épidémiques et une mortalité exceptionnelle notamment pour la scarlatine et les fièvres typhiques, résultats évidents d’émanations putrides, venant des égouts non ventilés. On se rappelle les ravages du choléra de 1832, dans cette grande ville. » 

Garder la Seine saine 

« Les membres très éminents de l’Académie des sciences, les ingénieurs très habiles qui se sont occupés avec zèle de cette question d’hygiène publique, ne sont pas encore parvenus à proposer un système qui garantisse la salubrité des populations. Toutefois ce serait avec une douleur profonde, que nous verrions adopté le système barbare consistant à conduire à la Seine toutes les immondices d’une ville de deux millions d’habitants. Le nom du fleuve parisien ne provient-il pas de la salubrité même de son eau? Que doit-on penser du projet de l’infecter d’une manière irrémédiable, quand on devrait veiller à l’assainir encore ? » 

« On ne saurait assez applaudir à la création et aux travaux de la commission des logements insalubres. Il est plus facile en effet d’élever des monuments splendides, que d’assurer, comme on le doit, la santé du peuple, du pauvre, du travailleur. Cette commission poursuit ses investigations, et nous paraît bien loin d’avoir signalé l’intensité du mal. Il est dans notre conviction qu’il n’y a pas à Paris un dixième des loges de concierges, des chambres de domestiques et d’appartements d’ouvriers qui réunissent les conditions de salubrité nécessaires, et surtout celle d’une aération suffisante, consistant non seulement dans l’espace, mais encore dans deux ouvertures assez grandes pour assurer le renouvellement de l’air. (…) On rencontre à Paris et dans la plupart des grandes villes en Europe, le même entassement de créatures vivantes dans des logements malsains, sans feu, sans pain, des haillons pour vêtement. Dernièrement un médecin rapportait avoir vu une femme accoucher dans la petite chambre, où son mari venait de rendre le dernier soupir. Les savants qui ont fait la peinture de ces bouges infects, de ces misères poignantes ont-ils exagéré la vérité? Je n’ai dit que la moitié de ce que j’aurais pu dire, s’écriait le célèbre Blanqui aîné. » 

Le constat implacable de Blanqui 

« Un certain nombre d’économistes, Ricardo, Stuart-Mill sont des esprits faux, des sophistes dangereux. Mais Blanqui, ardent apôtre des pauvres et des ouvriers, avait le jugement le plus droit et le cœur le plus honnête qu’on puisse imaginer. Lorsque le gouvernement, issu de la révolution de février, justement préoccupé de la crise qui en fut la suite, réclama le concours de l’Institut pour sonder la profondeur du mal, l’Académie des sciences morales et politiques chargea Blanqui de visiter les principaux centres manufacturiers, Lille surtout, et de retracer fidèlement les tableaux dont il serait témoin. L’honnête économiste sait se garantir de toute exagération, et ne veut pas qu’on généralise des observations toutes locales et spéciales à une ville ou même à certains quartiers de la ville, et qu’on puisse en conclure que les populations ouvrières de la France entière n’habitent que des caves insalubres, comme celles de Lille, ou des greniers immondes comme ceux de Rouen. » 

« La misère du quartier Saint-Sauveur à Lille et du quartier Martainville à Rouen est navrante. Voici une citation exacte et tristement significative du travail du docteur Gosselet, médecin des hôpitaux de Lille, sur la mortalité des enfants dans les mauvais quartiers de cette ville, notamment dans la rue des Etaques, la plus effrayante de toutes par son insalubrité : « Il meurt, dit cet honorable médecin, avant la cinquième année, un enfant sur trois naissances dans la rue royale (le beau « quartier »), 7 sur 10 dans les rues réunies, et, dans la rue des Etaques, considérée seule, c’est sur 48 naissances, 46 décès avant trois ans que nous trouvons! A ce fléau, il faut une barrière ; il faut qu’en France on ne puisse pas dire un jour comme à Manchester, que sur 21 000 enfants, il en est mort 20 700 avant l’âge de 5 ans ! En attendant, nous ne cesserons de répéter : là, à deux pas de vous, dans la demeure de l’ouvrier, sur 25 enfants, un seul peut atteindre la cinquième année! » 

Le devoir de protéger l’indigent et le faible 

« Accompagné du préfet du Nord, M. Durand Saint-Amand, notre ancien collègue, et de plusieurs membres de la chambre de commerce, Blanqui visita la plupart de ces caves, une à une, en interrogeant les spectres qui les habitent, en inventoriant le mobilier indescriptible qui s’y trouve, quand ce mobilier n’était pas, comme presque toujours, une affreuse litière d’ordures. En descendant dans l’une de ces caves, le préfet fut tellement suffoqué par l’odeur méphytique qui s’en exhalait qu’il dut remonter précipitamment au grand air, il faillit s’évanouir. Les membres du conseil municipal et de la chambre de commerce voyaient, en frémissant, ces horribles lieux pour la première fois : Ah ! si je publiais, ajoute Blanqui, ces sinistres inventaires, rue par rue, cave par cave, d’après mes notes écrites sur place, au crayon, personne ne voudrait y croire! Je n’en croyais pas mes propres yeux, presque mouillés de larmes en écrivant. » 

« C’est un devoir pour la société, pour les gouvernements de remédier aux conditions inhumaines et immorales du logement des ouvriers et des classes pauvres. Mais il ne suffit pas de créer des cités ouvrières, telles qu’on en bâtit à Varsovie, à Londres et à Paris; on ne peut détruire la misère d’un trait de plume ou par une loi. Il faut qu’un gouvernement se persuade qu’il a pour devoir sacré de protéger l’indigent et le faible, plus encore que le riche et le fort. Il faut qu’il ouvre des écoles non moins que des hôpitaux pour les malades et des asiles pour la vieillesse ; il faut enfin que les charges sociales soient proportionnellement égales pour tous, et que les récompenses, honneurs et richesses, soient l’apanage du mérite et des services rendus. » 

Ph.M. 

Sources : site Gallica BNF. Illustration : « La Lingère », de Léon Delachaux, collections du Musée d’Orsay. 

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