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Les mois de mai de jadis


Où comment de 1891 à 1940 en passant par 1936, les premiers jours de mai furent vécus (ou ressentis) dans le département.

Mai n’est peut-être pas un mois comme les autres. Et ce n’est pas seulement dû à l’adage qui suggère qu’en mai, on fait ce qu’il nous plaît… L’histoire contemporaine enseigne qu’en moult occasions, ce fut en mai que l’actualité fut décisive.

En voici quelques exemples tels que la presse lotoise les rapporta. Commençons par 1891. Deux ans auparavant, la IIe Internationale socialiste réunie à Paris a décidé de faire du 1er mai une journée de manifestations. Elle est célébrée pour la première fois en 1890. Sans incidents majeurs. Il en va tout autrement l’année suivante. Mais il faut d’abord que l’information parvienne jusqu’à Cahors. Le 2 mai 1891, Le Journal du Lot publie en effet cette simple brève : « La journée du 1er Mai si redoutée, n’a donné lieu, nulle part, à aucun incident grave. » Or, ce n’est pas vraiment le cas, hélas. Et dans son édition suivante, le 5 mai, le drame de Fourmies (Nord) est évoqué. « TROUBLES GRAVES A FOURMIES._ Dans la journée, un certain nombre de grévistes ayant voulu empêcher leurs camarades de travailler avaient été arrêtés. Vers 5 heures, douze cents manifestants armés de gourdins et de revolvers assiégèrent la place en criant : « Ce sont les prisonniers, nos frères, qu’il nous faut ! A bas les patrons ! A mort ! » L’hôtel de ville et le bureau de police furent envahis. Des coups de revolver furent tirés en l’air par les agents et les gendarmes, mais la foule ne recula pas. La troupe chargea alors à la baïonnette, refoula les assaillants, qui se défendaient en lançant des briques et des pierres. Vers six heures, les grévistes se retirent, puis reviennent à l’improviste. Une lutte très violente a lieu derrière l’église. Plusieurs agents sont blessés à la tête par des corps durs. La troupe arrive en force. Un combat au corps à corps s’engage. Le commandant de la troupe fait les sommations d’usage. Les assaillants ne reculent pas. Les soldats font alors des feux d’escouade qui tuent sept ouvriers et en blessent une trentaine. Les assaillants finissent par se disperser, et, à 8 heures, le calme se rétablit relativement. Les morts ont été portés au presbytère, les blessés dans les pharmacies. Plusieurs amputations ont dû être opérées. On a réclamé de nouvelles forces. La poste est occupée par un fort piquet. »

Précisions : le bilan de cette sanglante répression fut au total 9 morts et de 35 blessés. D’autres journaux ont du reste relaté les faits de manière moins caricaturale. Tel le Petit Parisien qui y consacra plusieurs articles et fit même réaliser des illustrations, en date du 17 mai, avec ce texte…

« On sait comment les soldats furent amenés à faire usage de leurs armes. Un premier feu de peloton avait été exécuté en l’air. Les manifestants, ne supposant pas qu’on tirerait sur eux, n’avaient point bougé. Un second feu fut alors commandé, mais cette fois les soldats avaient abaissé leurs fusils et les balles avaient fait des victimes. Ce fut un affolement général. La foule se sauva par toutes les issues ; un grand nombre de personnes se précipitèrent dans les maisons environnantes. Et, sur la place où la fusillade avait eu lieu, on entendait les cris de douleur des blessés. La scène avait été rapide, instantanée ; un drame terrible en quelques secondes… (…) Il n’est pas nécessaire non plus d’insister sur l’horreur du drame. Dans toute la France, la consternation a été profonde, le deuil a été général, et il y a eu unanimité pour déplorer les événements de Fourmies. »

> En 1936, les Lotois disent non au Front Pop’

Effectuons un bond dans le temps. Nous voilà en 1936. C’est le 3 mai qu’a lieu le second tour des élections législatives. Le Journal du Lot ne peut cacher son désarroi quand il rend compte des résultats dans son édition du 6. Au niveau national, le Front Populaire l’emporte. D’où la conclusion de l’éditorial : « Dans son dernier discours, M. Albert Sarraut essayait de définir le rôle du futur gouvernement. Il le résumait en disant que son oeuvre devrait être de « redressement ». Allez-y, messieurs de la nouvelle majorité, allez-y, redressez ! A présent, l’heure des critiques est passée pour les gens du Front populaire ! Ils vont être jugés à leur tour ! S’il ne s’agissait pas des intérêts de la France, nous serions disposés à nous féliciter de voir à l’oeuvre ces gens qui furent si férocement injustes pour les autres ! L’expérience commencera bientôt ! Ils vont nous montrer de quoi ils sont capables. » Cependant, donc, dans les trois circonscriptions lotoises, les électeurs ont voté différemment. Le Journal s’en réjouit : « Dans le Lot, dans ce département si profondément républicain, la politique démagogique du Front populaire a subi un échec complet. La magnifique victoire remportée dimanche par M. de Monzie dans l’arrondissement de Figeac complète et confirme celle que M. René Besse et J.-L. Malvy avaient obtenue dès le premier tour dans les arrondissements de Cahors et de Gourdon. Ainsi s’affirme parmi nos compatriotes lotois une solidarité d’opinions et de sentiments que nous constatons avec une profondesatisfaction. Dans le superbe discours que M. de Monzie a prononcé devant le Conseil général en réponse à la manifestation dont il était l’objet, il a exposé avec une éloquence émouvante le sens et la portée de ces succès. Nous voulons, aujourd’hui, nous borner à féliciter les électeurs de l’arrondissement de Figeac de la preuve de sagesse et de raison qu’ils viennent de donner. Quelques-uns avaient cédé à un mouvement de mauvaise humeur, ils sont su se reprendre aussitôt pour réparer et effacer complètement l’impression que leur premier vote avait donnée. » Note : en 1936, René Besse était député « indépendant de gauche » au sein du groupe centriste de l’Alliance démocratique ; Louis-Jean Malvy était radical socialiste ; Anatole de Monzie était membre de l’Union socialiste républicaine. Tous se revendiquaient donc d’une gauche modérée voire très modérée, en tout cas pas décidée à faire alliance avec la SFIO et le PCF.

> En mai 1940, l’afflux des réfugiés belges

Nouveau bond dans le temps, mais moins conséquent. Nous voici en mai 1940. La Drôle de Guerre s’est achevée avec l’attaque allemande, dont l’armée a contourné la Ligne Maginot et a envahi la Belgique avant de s’attaquer à la France. Mais en date du 19 mai, le Journal du Lot demeure encore optimiste. Il s’en remet certes aux informations officielles et aux communiqués de l’État Major. On lit ainsi : « N° 512. – La bataille continue dans son ensemble avec la même ampleur. Des engagements très vifs ont eu lieu sur certains points. Notre aviation de bombardement, protégée par la chasse, a effectué avec succès des attaques vigoureuses menées sur des colonnes ennemies d’engins blindés signalées par notre aviation de reconnaissance. N° 513.- La bataille a continué hier et au cours de la nuit entre la Sambre et la région au nord de Rethel, ainsi qu’au sud de Sedan. Les combats ont été moins violents en Belgique.. Rien à signaler en Lorraine et en Alsace. » Cela étant, à Cahors même, les réfugiés affluent, déjà. D’où ce reportage saisissant, dans cette même édition. « Avec les réfugiés Belges en gare de Cahors._ Depuis lundi les trains de réfugiés se succèdent, espacés seulement de quelques heures, et s’arrêtent en gare de Cahors qui est une des nombreuses haltes où ces malheureuses victimes de la barbarie nazie, sont un peu réconfortées, en attendant d’arriver au département-refuge qui leur est assigné. Les abords de la gare sont sévèrement gardés. Il n’y a pas de place, sur le quai, pour les curieux, qu’il s’agisse de Français qui viennent manifester leurdouloureuse sympathie envers eux, ou peut-être d’éventuels suspects qui pourraient recueillir là des renseignements utiles en vue de quelque funeste besogne. Seuls les Scouts qui sont en uniforme, les dévouées dames et jeunes filles dont le front est ceint du voile d’infirmières de la Croix-Rouge, franchissent le barrage. Grâce à la bienveillante autorisation du Commissaire de gare nous avons pu nous mêler à eux, au moment où un train allait venir se ranger, avec son long cortège de souffrances, que ces lamentables victimes s’efforcent de dominer, mais que l’on perçoit cependant… »

« Il s’agit des souffrances morales et pas seulement des souffrances physiques endurées par ces malheureuses gens qui ont tout laissé derrière eux pour échapper aux hordes allemandes. « Hommes 40, chevaux 8 », telle est l’inscription laconique de ces wagons qui ont roulé près de 1.000 kilomètres avant d’arriver jusqu’ici. Pourtant ce ne sont pour la plupart que des femmes et des enfants qui sont entassés depuis plus de quarante-huit heures dans ces wagons. Les lourdes portes entrebâillées laissent voir la paille hâtivement étalée et qui, à force d’être piétinée, est devenue noire. Des femmes épuisées se relèvent avec peine, les membres brisés et moulus, heureuses encore lorsqu’à cet harassement ne s’est pas ajoutée la douleur de quelque blessure reçue au cours de leur fuite navrante, alors qu’elles étaient harcelées par les balles de mitrailleuses des avions ennemis. Les dames de la Croix-Rouge qui n’ont guère pris de repos depuis le début de ce douloureux exode, se hâtent avec leurs brocs de lait, de bouillon, de vin, de café, que des soldats les aident à porter le long de l’interminable convoi. Les gamelles, les quarts, des fioles de toutes sortes sont remplis hâtivement, et tendus aux réfugiés dont les pauvres figures s’illuminent quelque peu. De wagon en wagon, un scout passe en courant : « Avez-vous des blessés ? » Il n’y en a guère – les blessés les plus graves ont été hospitalisés en cours de route- les autres ont été pansés. Pourtant des brancardiers s’affairent et emmènent au Centre Médical un ouvrier blessé d’un éclat d’obus à la jambe et dont le pansement doit être refait. Un vieillard qui mord nerveusement une pipe éteinte me dit : – A Limoges on a descendu un pauvre homme qui est mort des suites de ses blessures. Peu après une femme a accouché. Quelle terrible épreuve pour cette malheureuse maman !… Un soldat pousse un charriot chargé de dizaines et de dizaines dé pains qui sont aussitôt distribués et partagés par ces gens que la guerre a rendu solidaires. »

> Du train s’élèvent les cris de « Vive la France ! »

« Mais j’aborde un jeune homme qui porte la traditionnelle casquette des étudiants belges. Il me raconte comment ils ont quitté Verviers sous les bombes, comment ils ont pu gagner la gare où se formaient les trains qui devaient les emmener et comment ils ont été poursuivis par les avions. – Les avions allemands, me dit-il, nous ont harcelés inlassablement et tiré sur nous ! Les. salauds ! Et il continue : J’ai fait 110 kilomètres à pied pour leur échapper. J’ai vu les aviateurs comme je vous vois, dans leurs avions. Et aussi, étendu au bord de la route, passer à vive allure, dans leurs autos blindées, les allemands qui ont essayé de prendre à revers nos troupes. Il me montre son pied bandé. – J’ai été légèrement atteint par un éclat de bombe. Ce n’était pas très grave, mais j’ai dû faire presque la moitié de la route ainsi blessé. J’ai dû abandonner ma valise. Je n’ai rien. Mes parents se trouvaient, fort heureusement absents mais ils ne savent pas où je suis. Je n’ai pu encore les prévenir… » « Sans doute, mon visage laisse voir combien je suis bouleversé par tant de souffrances et tant de misères, car il reprend, avec son âpre accent du Nord : – Mais nous avons un très bon moral. Puis hochant la tête : – Pourtant, nous payons très cher notre naïve confiance en l’Allemagne. Nous autres étudiants avons manifesté à plusieurs reprises contre la neutralité. Nous ne pouvions pas rester neutres. Vous aviez raison. Mais inutile de songer au passé, maintenant nous nous battrons et nous les battrons. Je le quitte après une chaude poignée de main et continue à errer. Un médecin me dit : – Encore ceux-là sont moins à plaindre que les premiers. Si vous les aviez vus… L’un des trains qui nous est arrivé hier avait été pourchassé par les avions allemands et de nombreux wagons portaient la trace de balles et d’éclats de bombes. Il y a bientôt une heure que le train est en gare. Les infirmières, les scouts continuent de distribuer des boissons chaudes et du chocolat. Au guichet où l’on change l’argent belge et où, tout à l’heure, il y avait peut-être cent réfugiés, il n’y a plus personne. De wagon en wagon, on entend répondre au « Vous n’avez besoin de rien ? » – Non merci ! Merci beaucoup !… Emus, sur le quai de la gare, les dames de la Croix-Rouge, les médecins, les infirmiers, les scouts, une cinquantaine de personnes, échangent avec ces pauvres gens qui vont continuer leur exode, les dernières paroles d’encouragement. Ceux-ci remercient, expriment leur reconnaissance en termes touchants. Lorsque le convoi se met en branle et que, tout le long du train s’élèvent les cris de « Vive la France ! » tous ceux qui viennent de les assister reçoivent leur meilleure récompense, car ce « Vive la France » des réfugiés belges est mieux qu’un remercie-ment. C’est une manière de dire leur confiance dans l’issue de ce terrible drame et leur certitude dans le triomphe final. Et ceux qui savent que ces réfugiés viennent de la Wallonie, cette province de Belgique, où les sentiments d’affection pour la France sont plus forts que nulle part ailleurs, n’en sont pas les moins remués. » 

On l’ignore encore, mais d’autres milliers de réfugiés vont affluer, cette fois majoritairement français. A la mi-juin, un mois plus tard, on recensera 70 000 réfugiés sur Cahors ! Et à partir de 1942, d’autres trains au départ de Drancy emporteront vers la mort des milliers de Juifs… Ce sera le temps de la Shoah.

Et ensuite encore, d’autres mois de mai historiques se succéderont. En 1945, en 1958, 1968, 1981…

Ph.M.

Sources : site Gallica-BNF ; photo DR (train de réfugiés belges mais pas en gare de Cahors).

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