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Le procès des ferrailleurs : Trois hommes jugés pour avoir volé 560 tonnes de rails à la SNCF


L’équivalent de 124 000 euros ont été dérobés. La SNCF et une autre entreprise étaient parties civiles.

Voler des rails de 18 m de long sous le nez de la SNCF : le pari semble impossible et pourtant c’est bien ce qu’il s’est passé en août 2023 à Cahors. Deux ferrailleurs et un cheminot étaient jugés par le tribunal correctionnel ce jeudi pour usage et complicité de faux, participation à une association de malfaiteurs et escroquerie.

Tout part d’une plainte de la SNCF le 23 août 2023 qui dénonce le vol de 560 tonnes de rails. Démontés et stockés sur leur terrain à Cahors, ceux-ci ont tout simplement disparu. Sur place les enquêteurs découvrent des bouteilles d’oxygène qui ont vraisemblablement servi à découper au chalumeau les rails. Le lendemain, un camion se présente sur les lieux pour récupérer ces bouteilles. Le chauffeur est alors interpellé. Celui-ci travaille pour une entreprise de recyclage bien connue de la SNCF puisque c’est un de leurs principaux partenaires. Cette société a racheté les rails à une autre entreprise, la société Walter. Le chauffeur remet alors aux policiers un document comportant l’en-tête de la SNCF et autorisant l’enlèvement des métaux. Sur ce papier est aussi inscrit le nom et la signature d’un employé de la SNCF. Interrogé, celui-ci conteste avoir eu ce document entre les mains. Tout au long de sa carrière, il n’a signé qu’un seul document similaire : en 2022, au profit de l’entreprise d’Antoine*. Ce document est donc un faux et l’enquête se resserre autour d’un agent de la SNCF, Matthias*.

Questionné à la fois par la SNCF et par la police, celui-ci admet tout de suite avoir « merdé ». C’est un collègue de Toulouse qui a mis Matthias et Antoine en contact. Bien que son poste ne l’autorise pas à prendre de telles décisions, Matthias prend tout de même l’initiative de faire venir l’homme et de lui vendre des rails. « Quand ils sont arrivés, j’ai fait le tour du site avec eux. Je leur ai dit de prendre un petit tas de vieux rails qui devait faire 10 à 15 tonnes. Je voulais faire de la place pour qu’on puisse décharger des traverses neuves et donner l’argent à la brigade », raconte-t-il. C’est là qu’est la véritable épine dans le pied de la SNCF. Car à en croire les employés, cette pratique, qui consiste à revendre des petites quantités de rails et utiliser ensuite la recette pour des repas pour les brigades ou les anciens, serait courante dans l’entreprise publique et la hiérarchie aurait l’habitude de fermer les yeux dessus. Sauf que, cette fois, la quantité de rails enlevée est gigantesque : 560 tonnes de métal se sont volatilisées, soit l’équivalent de 124 000 euros. « Cet usage est totalement interdit. Les normes pour le recyclage et les méthodes de vente sont précises. Il y a des procédures d’offre d’appel strictement encadrées », souligne Me Faibresse, l’avocate de la SNCF.

L’autre hic, c’est ce document falsifié. Là encore Matthias reconnaît sa culpabilité, mais ne cache pas celle des autres : « Quand ils sont venus la première fois, ils m’ont demandé si je pouvais faire un document d’autorisation en me tendant ce papier. Je lui ai dit que je n’étais pas habilité mais Antoine m’a demandé de le modifier. C’est ce que j’ai fait. Je n’aurais jamais dû ». Convoqué en conseil disciplinaire, ce père de famille est licencié le 26 décembre 2023, après 20 ans de service au sein de la SNCF. De leur côté, Antoine et son gendre Robin*, qui a aussi participé à l’opération, nient tout travail crapuleux et assurent que Matthias leur a directement remis le document. À les entendre, ce sont eux les victimes de l’affaire. Pourtant, le parquet n’y croit pas. « Leurs réponses ont été évolutives à chaque audition », assène le substitut du procureur qui requiert 10 mois d’emprisonnement avec un sursis probatoire pour Matthias et douze mois assortis de sursis simple pour les ferrailleurs. D’ailleurs, devant le tribunal aussi, leur attitude est changeante. Alors qu’Antoine se montrait coopératif au début de l’audience, il affiche un air de plus en plus irrité au fur et à mesure des questions, au point de se faire reprendre par son avocat et le président du tribunal.

Enfin, le dernier bémol, est l’argent de la vente. Qui a touché le pactole ? Qui a subi un préjudice ? A la barre, ce jeudi, Antoine et Robin assurent qu’ils ont donné 6 000 euros à Matthias le jour de leur rencontre, chose qu’il n’avait jamais dit dans leurs déclarations précédentes. Suite à la vente des rails à l’entreprise Walter, ils se sont partagés la recette. Antoine a immédiatement « tout dépensé dans les femmes et le casino ». Quant à Robin, interdit bancaire, il a reversé l’argent sur les comptes de ses enfants et de sa sœur, avant d’en retoucher une partie en liquide. De grosses sommes ont été retrouvées chez lui, ainsi que la clé d’une BMW. Celui qui se dit sans le sou assume d’en avoir acheté une à 36 000 € suite à la vente de la « ferraille ». Par ailleurs, les rails vendus à la troisième entreprise ont été rendus à la SNCF, et l’entreprise en question est la seule à ne pas s’être portée partie civile. « Il n’y a donc pas de préjudice. Tout ça pour ça ! », s’exclame Me Debuisson, l’avocat d’Antoine et Robin. Ces derniers ont été condamnés à 12 mois de prison avec sursis simple et à 15 000 euros d’amende.

« Mon client est le dindon de la farce de la famille Antoine-Robin et de la SNCF », ajoute l’avocate de Matthias, Me Bellenzona. « Il a avoué, il a fait une connerie et il la paie très cher. La SNCF est une entreprise publique, emblématique. On ne peut pas imaginer que de l’argent circule sous le manteau, pourtant c’est la réalité et mon client en paie le prix fort ». Matthias écope de 8 mois de prison assortis d’un sursis simple.

*Les prénoms ont été modifiés

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