Le château de Fénelon en croisade contre une antenne-relais

La pétition des propriétaires du site a déjà recueilli plus de 1500 signatures. Ils craignent qu’une antenne haute de 42 mètres dénature le château et ses abords.

C’est un des hauts lieux touristiques de la région, entre Sarlat et le nord-ouest du Lot, à la lisière du Périgord et du Quercy. Sur la commune de Sainte-Mondane, le château de Fénelon est à moins de 900 mètres de notre département. Forteresse médiévale réaménagée au XVIIème siècle en demeure plus résidentielle, lieu de naissance de l’écrivain et pédagogue François de Salignac de La Mothe-Fénelon – dit Fénelon – qui fut le précepteur du petit-fils de Louis XIV, il s’agit d’un décor enchanteur et d’ailleurs, Roger Vadim, Claude Barma, et plus récemment Ridley Scott et Christopher Thomson y ont posé leurs caméras. Mais ces dernières semaines, c’est un feuilleton plus proche d’un film à sketches qui s’y déroule.

Tout a commencé par une promenade vespérale au cours de laquelle le propriétaire a aperçu par hasard copie d’un arrêté annonçant que la mairie avait validé l’érection d’une antenne-relais haute de 42 m au bénéfice d’Orange. « Il n’y a eu aucune concertation » se plaint aussitôt la famille Delautre. « Cette antenne est vitale pour la commune, il faut la mettre à un endroit. C’est comme quand je valide un permis de construire, je ne prends pas mon tambour pour en faire le tour » s’est justifié il y a peu le maire Gilles Arpaillange interrogé par nos confrères du Figaro.

Des ballons qui dépassent des arbres ?

De fait, cette campagne bucolique où trône le château est en zone blanche. L’opérateur a donc choisi un emplacement qui domine les alentours, au lieu-dit poétique de la Combe du Poirier. Mais on est au-delà des 500 mètres du périmètre légal gelant toute construction aux environs d’un site protégé au titre des monuments historiques. « Certes, mais l’antenne dépassera des arbres » ragent les Delautre père et fils. Des tests avec des ballons gonflés à l’hélium ont été effectués. Selon le maire, ils ont prouvé que la construction métallique ne sera pas visible depuis la terrasse du château. Les propriétaires prétendent le contraire, constat d’huissier à l’appui.

Alors le conflit s’est mué en partie de bras de fer. La presse nationale a été alertée. Une pétition a recueilli déjà plus de 1500 signatures. Une réunion de concertation, le 10 octobre, s’est soldée par un échec. Personne ne veut céder. Du côté des « anti », on se réjouit, sur la page Facebook du château, « de l’opposition croissante rencontrée par ce projet, lequel est désormais au point mort. Une première petite victoire ». Regrettant qu’« aucune étude approfondie de l’impact n’ait été menée », on enjoint Orange de se replier sur un autre emplacement, et ainsi « de montrer que le progrès peut s’accompagner du respect de notre environnement patrimonial et naturel ».

« On ne va pas mettre l’antenne dans un trou »

Le maire, pour sa part, s’en remet à la topographie. « Il faut savoir que le château, il est au rond-point haut. Donc, quel que soit l’endroit où on la mettra, on va la voir. Alors maintenant, s’il faut mettre une antenne dans un trou et que ça ne résout pas les problèmes de réception des appels, je ne sais pas comment il faut faire ! » a-t-il répondu à France 3.

Zone blanche contre zone patrimoniale, château et siècles d’histoire contre accès au haut-débit, l’automne s’annonce tendu dans la localité comme dans le domaine ouvert depuis des décennies au public. On voudrait dès lors en appeler à la sagesse de l’homme de lettres du XVIIème siècle… Mais deux citations relevées dans son œuvre maîtresse, « Les aventures de Télémaque », semblent se contredire et ne pas augurer de solution pacifique à brève échéance : « Les hommes veulent tout avoir, et ils se rendent malheureux par le désir du superflu » lit-on d’abord, avant d’enchaîner par cette maxime : « Il faut être toujours prêt à faire la guerre, pour n’être jamais réduit au malheur de la faire. »