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La si discrète Madame de Monzie


Après son divorce, l’épouse du ministre et maire de Cahors émigra aux États-Unis en 1935 avec sa fille.

C’est un aspect de la biographie d’Anatole de Monzie peu connu et rarement mentionné dans les nombreuses études et notices consacrées à celui qui fut la figure centrale de la vie politique de Cahors et du Lot du début du XXème siècle jusqu’aux années noires de Vichy… Pourtant, sans verser dans le « people », le fait éclaire un aspect de sa personnalité. Le 28 décembre 1904, il épouse une riche héritière, Gabrielle Colaço-Osorio.

Tout émoustillé, le Journal du Lot en rend compte deux jours plus tard : « Mercredi matin, a été célébré, à midi, à la mairie de la rue d’Anjou, à Paris, le mariage de notre distingué compatriote, M. Anatole de Monzie, avocat à la cour d’appel, chef de cabinet du ministre de l’instruction publique, conseiller général du Lot, avec Mlle Colaço-Osorio. Les témoins de M. de Monzie étaient : MM. Chaumié, ministre de l’instruction publique, et Pauliac, sénateur, président du conseil général du Lot ; ceux de Mlle Colaço-Osorio étaient : MM. Colaço-Osorio, son cousin, et Le Tellier, industriel. Une foule nombreuse, dans laquelle se pressaient toutes les notabilités du monde des arts, des lettres, de la politique et du barreau, assistait à la cérémonie au cours de laquelle M. Beurdeley, maire du 8ème arrondissement, qui a uni les mariés, a prononcé une chaleureuse allocution. Nous sommes heureux de renouveler aux jeunes mariés l’expression de nos plus vives félicitations et de nos plus sincères voeux de bonheur. »

> Le divorce est prononcé en 1927

Ce que n’indique pas la presse locale, c’est que le père de la jeune mariée, qui exerçait la profession de banquier, est alors décédé et que sa mère, née Esther Mosenthal, réside rue Montaigne. L’épouse du futur ministre et maire de Cahors, née en 1882, est d’ascendance israélite et s’avère plus jeune que son époux, né en 1876. Une fille naîtra de cette union, Jacqueline, le 13 janvier 1918 (*).

On connaît le visage de Gabrielle de Monzie. Son portrait, sobrement intitulé « Portrait de jeune fille », a été peint en 1900 par l’artiste Raphaël Collin, connu comme symboliste. Cette huile sur toile, Madame de Monzie (à la fois modèle et première propriétaire) en fait don aux musées nationaux en 1928. L’œuvre est toujours, ainsi, conservée au musée d’Orsay… 1928, ce n’est pas une date anodine sur un autre plan : en date du 28 janvier, en marge de l’acte de mariage, il a été mentionné que celui-ci avait été dissous par jugement du tribunal civil de la Seine à l’été 1927. 

> Elle habite une maison conçue par Le Corbusier

Toujours à cette période, Gabrielle de Monzie s’associe avec ses amis, le couple américain formé de Michael et Sarah Stein (industriels et collectionneurs d’art américains ayant notamment acquis des Picasso et des Matisse, respectivement frère et belle-sœur de la célèbre Gertrude Stein, mécène et poétesse). Ensemble, ils commandent à un jeune architecte moderniste, Le Corbusier, une grande maison à Vaucresson (Hauts-de-Seine) en lisière de la forêt de La Malmaison. L’originalité de l’immeuble (désormais inscrit à l’Inventaire) est de pouvoir accueillir deux familles se partageant certains espaces communs (cuisine, salon…). Construite en béton, dotée d’originales terrasses en escalier, la demeure reflète le style de l’architecte alors en pleine période « puriste » : les lignes sont géométriques et les façades blanches. Selon les spécialistes, on retrouve dans cette villa les cinq principes de l’architecture contemporaine : pilotis soutenant les dalles de béton pour les fondations, toit-terrasse, plan libre, fenêtres en bandeau facilitant la lumière naturelle, façade dégagée. On retrouve par ailleurs quelques inspirations plus anciennes, datant notamment des villas de Palladio dans l’Italie de la Renaissance… Pour l’anecdote, la villa qui fait actuellement l’objet de travaux de restauration servit bien plus tard de décor au film d’Edouard Molinaro « Oscar », avec Louis de Funès…

> Et puis l’exil avec ses amis Stein

Toujours est-il que l’ex-épouse du ministre s’installe à Vaucresson avec sa fille. Elle n’y vivra somme toute pas très longtemps. A l’instar de ses amis Stein, en 1935, Gabrielle Colaço-Osorio décide de gagner les États-Unis en raison notamment de l’antisémitisme qui gagne l’Europe. Ils vendent la maison et voyageront sur le même bateau, parti de Boulogne-sur-Mer le 6 juillet 1935 et arrivé à New-York le 13. Elle s’installe ensuite en Californie (d’où est originaire Mme Stein) et y obtient la nationalité américaine en 1941. Elle décède en 1961. Sa fille Jacqueline, pour sa part, y épousera en mars 1942, George Block, universitaire et alors officier de réserve dans l’US Navy, et décèdera à San Francisco en 1994. Depuis la Californie, Gabrielle et Jacqueline ont-elles suivi la dérive d’Anatole de Monzie, qui vota les pleins pouvoirs à Pétain, chercha vainement à jouer un rôle plus important dans la machine vichyste, continua, semble-t-il, à entretenir quelques relations avec Louis Darquier « de Pellepoix » mais chercha aussi, à plusieurs reprises, à sauver certains de ses amis juifs ?

Ph.M.

(*) Au contraire de l’acte de mariage de 1904, nous n’avons pas retrouvé l’acte de naissance de Jacqueline.

Photo : Portrait de jeune fille de Raphaël Collin, 1900, © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.

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