La Libération, 71 ans après
Dans son dernier livre « Le chagrin et le venin : la France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues », Pierre Laborie, revenait sur la mémoire des années noires, dans « une réflexion sans préjugés ». Entretien avec l’historien à propos de la Libération dans le Lot.
Medialot : Comment se déroule la Libération dans le Lot ?
Pierre Laborie : Le 15 août 1944, lorsque les Alliés débarquent en Provence, l’Etat-major allemand donne un ordre général de repli. Dans le Lot, au printemps 1944, il y avait environ 750 occupants, tous regroupés à Cahors à l’exception des Allemands détachés dans les gares : 400 soldats de la Wehrmacht, 250 supplétifs « Mongols », 50 feldgendarmes, une vingtaine d’agents de la Gestapo et entre 30 et 50 cheminots. Tous quittent Cahors dans l’après-midi du 17 août. Il y aura quelques accrochages route de Toulouse. Les FFI qui, depuis le début du mois d’août, regroupent les FTP et les groupes Veny sous le commandement de Robert Noireau, dit « Georges », entrent dans la ville le soir. Un préfet est mis en place, Robert Dumas, « Paul », qui avait fait carrière au casino de Cannes.
M. : Et l’épuration ?
P.L. : Après l’effondrement de 1940, le Lot est plus maréchaliste que pétainiste. Il y a cependant, comme partout, des Français ralliés à la politique de collaboration, par conviction ou intérêt. Ce courant, très minoritaire, s’exprime dans des journaux comme « La Défense » dirigé par le chanoine Viguié, ou dans le « Journal du Lot », dirigé par Emile Laporte. Le 24 juin 1944, ce dernier titre : « Une défaite allemande serait pour nous un désastre ». Il fait partie des 15 personnes qui ont été fusillées le 20 août au cimetière de Cahors dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler « l’épuration extra-judiciaire ». Un jugement du tribunal militaire entérinera par la suite ces exécutions et des actions en réhabilitation seront intentées des années plus tard. « Georges » a immédiatement quitté Cahors avec 1500 hommes, appelé par le colonel Ravanel à Toulouse, pour y assurer la sécurité et le maintien de l’ordre. Une autre histoire commence… Sans oublier les massacres de Frayssinet-le-Gélat et de Boissières, c’est sans doute la région de Figeac qui a le plus souffert des représailles contre les populations civiles, à l’exemple des grandes rafles de mai 1944 menées par des unités de Das Reich. À la Libération, l’épuration y est cependant restée mesurée.
Photo : Le carré des fusillés au cimetière de Cahors