Kira et les Tard Avisés
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« Il y a tout juste une semaine, un événement considérable s’est déroulé dans la charmante petite commune des Arques. Elus et habitants ont inauguré les nouvelles rues du village. Ou pour être plus précis, les plaques installées depuis quelque temps déjà qui permettent ainsi à chaque rue ou place de posséder une dénomination spécifique. L’une d’elles est unique en France. C’est l’Esplanade des Tard Avisés. Avec cette date : 1707. Les Arques : quand on se promène aujourd’hui dans le petit bourg, réputé pour ses résidences d’artistes et expositions d’art contemporain et bien sûr le musée Zadkine, qui y habita, on a du mal à imaginer qu’il fut le foyer de soulèvements ou jacqueries d’importance. Au XVIIème, les habitants prennent part aux révoltes des Croquants ce qui amène les troupes royales, en représailles, à abattre les murailles qui entouraient le prieuré, lit-on sur le site Internet de la commune… Puis, en 1707, Les Arques sont le foyer de la révolte des « Tard Avisés », un soulèvement paysan consécutif à l’instauration d’un nouvel impôt sur les actes de baptême, de mariage et de décès. Le mouvement embrase le Quercy, et regroupe 30 000 hommes aux portes de Cahors. Faut-il le préciser, les armées royales répriment cette révolte sans ménagement.
J’ai évoqué cela avec ma chère protégée féline. C’est évidemment l’appellation « Tard Avisés » qui a retenu son attention. Je lui ai promis de l’emmener, aux beaux jours, aux Arques, pour se recueillir devant la nouvelle plaque leur rendant hommage. Mais j’ai été moins convaincant sans doute sur l’étymologie. Il y aurait a priori plusieurs explications. La dénomination existe déjà au XVIème. Selon certains historiens, les révoltés se qualifient eux-mêmes de « Tard- Avisés », c’est-à-dire « ceux qui ont beaucoup supporté avant d’en venir à l’insurrection ». Selon d’autres chercheurs, l’appellation suggérerait que les insurgés furent ainsi nommés parce que la révolte débuta une fois la paix revenue (après les guerres de Religion, puis la guerre de Trente Ans…). Et qu’il n’y avait, en somme, plus rien à perdre ou à gagner. C’était trop tard. « En 1789, les descendants des Tard Avisés se sont chargés de remettre les pendules à l’heure… » a provisoirement conclu Kira.
« Et en 2017 ? A l’heure des chaînes d’info en continu, d’Internet, des réseaux sociaux, pourrait-il y avoir encore des Tard Avisés ? » ai-je enchaîné. « Tu sais, peu avant les événements de Mai 68, ne lisait-on pas dans Le Monde : la France s’ennuie… Alors… » a encore lâché ma belle féline. D’ici à ce que Kira lève un bataillon de félins en colère dans le village et que de nouveaux Tard Avisés se dirigent vers Cahors pour y montrer leurs griffes… Mais en colère contre quoi ? « Les motifs ne manquent jamais », a soupiré ma compagne à quatre pattes avant d’entamer sa sieste. En attendant, courez aux Arques avant le 31 décembre. On peut toujours y visiter l’expo réalisée à l’occasion du 50ème anniversaire de la mort du sculpteur Zadkine. Sur ce coup-là, vous ne pourrez pas dire que vous aurez été trop tardivement avisés… »