Kira et les chères enchères
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« Je vais essayer de vous la faire courte. L’autre week-end, avec ma fidèle protégée féline, poussés par je ne sais quelle curiosité, voilà que nous nous rendons à un vide-maison, dans notre village. On déambule de pièce en pièce et soudain, je remarque sur une table couverte de vaisselle une petite assiette. Je la retourne. Banco. C’est du Longwy. Originaire du nord-est de la France, je reconnais généralement de suite la touche typique des faïences et émaux de cette noble manufacture… Par sentimentalisme, ou tout simplement pour ne pas rentrer bredouille, je sors un (petit) billet de ma poche et la transaction est conclue. On n’est pas de retour à la maison depuis cinq minutes que déjà Kira surfe sur Internet pour savoir si l’on a – ou pas – réalisé une bonne affaire. Ma tigresse domestique sait où cliquer. Elle connaît ce célèbre site de vente aux enchères qui commence par « e » et finit par « bay ». Réponse : disons que je n’ai pas surpayé l’assiette.
Sur ce, Kira fait une fausse manip, et voilà que nous découvrons une assiette de Longwy dont le prix de vente est sans commune mesure avec la nôtre. Une édition limitée du XIXème en hommage à Mgr Grimardias, évêque de Cahors décédé en 1896. Avec son blason. Prix : 199 €. Vous devinez la suite ? Non, je n’ai pas acheté cette pièce. Kira non plus. Mais ensemble, on a recentré notre recherche. Nouveau mot clé : CAHORS. Et voilà quelques exemples de ce que l’on a trouvé. Un dessin original de Bartholdi (le sculpteur de la Statue de la Liberté) figurant le Pont Valentré (1200 €), une médaille en or commémorant l’Exposition Artistique et Industrielle de Cahors en 1881 (999 €), une pièce de monnaie antique (un drachme) de la région des Cadurques (660 €), une toile du fauviste Albert Danel représentant encore le Pont Valentré (355 €) et enfin (liste non exhaustive) une petite lettre autographe de Léon Gambetta (350 €). On s’est arrêté là. Enfin non. Poussé dans mon élan, j’ai regardé ce qu’il y avait de disponible sur le site à propos d’André Breton. Et je n’ai pas été déçu. Je suis tombé sur une carte postale de septembre 1949 adressée par le poète à Jean Suquet, à « Cambes, par Figeac » selon la précision de Breton lui-même. La future célébrité qui passera ses étés à Saint-Cirq Lapopie de 1950 à 1966 y encourage Jean Suquet à poursuivre ses recherches sur Marcel Duchamp… Prix de vente : 1500 euros. Vous avez bien lu.
Né à Cahors en 1928, Jean Suquet vient à l’époque de rejoindre le groupe surréaliste. Écrivain, poète et photographe, « monté » étudier à Paris, il se passionne pour Marcel Duchamp (autre artiste qui révolutionna l’art contemporain). Il sera de ceux qui en 1950, avec Breton, inaugureront la Route de la Paix. « Je dis ça, je dis rien. Mais pour la future maison Breton de Saint-Cirq, voilà un document qui aurait toute sa place » m’a glissé Kira. « Et une expo thématique sur les liens entre Breton et Suquet serait aussi la bienvenue. Non ? Tous deux étaient lotois. L’un de sang, l’autre d’adoption. C’est Breton qui encouragea Suquet dans sa vocation. Bref… » Bref, on a fermé l’ordinateur et on est allé relire quelques poèmes. C’est moins cher. Mais Kira, à mon avis, vous redira quelques mots bientôt à propos de Jean Suquet (décédé en 2007). »