Kira et les canotiers
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« Ma belle Kira ne regarde que rarement la télé. Un match de foot de temps à autre, tout au plus. Ma protégée féline préfère les vidéos à la demande ou un bon vieux DVD. Son préféré ? Les Aristochats de Walt Disney, bien sûr. « Tu sais quel chanteur et comédien a prêté sa voix au film dans sa version française » ai-je eu la naïveté de lui demander. « Quelle question ! Maurice Chevalier évidemment. Ce fut au demeurant son dernier succès. » Pas faux. Elle est incollable, Kira. Et surprenante. Si elle ne se plante qu’épisodiquement devant le poste, en revanche, elle aime surfer sur le web. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a pu en rajouter. « Et tu connais pas la dernière ? Lors du dernier conseil, le maire a indiqué qu’un galeriste a justement le projet d’ouvrir à Saint-Cirq Lapopie un musée du canotier dédié à Maurice Chevalier ! Yop la boum ! D’André Breton à l’interprète de Ma Pomme, on ne va plus compter les musées dans le village perché… »
Les deux hommes furent chacun à leur façon des grandes figures du XXème siècle. Mais quand il s’agit de ventes aux enchères, Breton est plus coté que Chevalier. Ainsi, puisque des Aristochats à Aristophil, il n’y a qu’un pas, ou plutôt une syllabe finale, on a appris cette semaine que le manuscrit du premier manifeste du surréalisme signé André Breton allait être mis en vente le 20 décembre. Mise à prix ? Un million. C’est l’une des pièces majeures de la première des… 300 ventes prévues, étalées sur six ans au moins, destinées à disperser l’incroyable collection de manuscrits rassemblée par la société Aristophil avant sa liquidation en 2015. Et l’annonce de poursuites judiciaires. On recense 18 000 victimes en France (dont quelques Lotois j’imagine) ayant placé leurs économies dans un manuscrit ou pour devenir copropriétaires de l’un d’eux…
« Ces clients détenaient 30 000 contrats représentant 850 millions d’euros. Mais l’issue de la vente est incertaine, car plusieurs lots auraient été achetés largement au dessus du prix du marché. On parle d’une surcote de 50 à 80% dans certains cas. Autre inquiétude, personne ne sait si le marché pourra absorber autant d’œuvres. Cette arrivée massive de marchandises pourrait être défavorable aux vendeurs détenteurs d’œuvres de qualité moyenne » expliquait cette semaine Myriam Simon sur le site Le Revenu qu’a consulté ma chère Kira. Bref. Il y aura peut-être de bonnes affaires à faire, au détriment hélas des ex-propriétaires. Mais de là à imaginer garnir les vitrines de la future Maison Breton après sa rénovation, il y a un pas. Et quelques milliers d’euros supplémentaires. Au bas mot. En attendant, ma petite tigresse domestique salue la première promo de l’école régionale du numérique de Cahors qui effectue sa rentrée ce lundi. Elle aurait aimé en être. Mais elle a été recalée au profit d’un blondinet prénommé Benjamin en hommage à Benjamin Péret, l’ami fidèle du poète André Breton. « Tant pis. Je vais me former en autodidacte » a conclu Kira, avant d’aller pianoter sur sa tablette en profitant du soleil revenu baigner la vallée du Lot. »