Kira et le complexe de Godard
Chaque samedi désormais, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« Au cours d’une réunion de conseil municipal qui a ressemblé à un film de Jean-Luc Godard (dixit notre ami Thibaut de Medialot), la construction d’un nouveau complexe de cinéma à Cahors a donc été actée cette semaine. « Les professionnels de la profession », pour reprendre la fameuse petite phrase de JLG lorsqu’il reçut naguère un César d’honneur, se féliciteront que ce projet privé mené par des indépendants pérennise la présence du cinéma en centre-ville (quand dans nombre de villes, moyennes ou grandes, des grands opérateurs comme Gaumont ou UGC s’implantent en périphérie, contribuant de fait à désertifier les cœurs des cités).
Sur ce, c’est au moment de passer à la caisse que le scénario a paru indigeste aux élus de l’opposition. « A bout de souffle », d’aucuns se sont époumonés face à la facture de 5 millions et demi à la charge du contribuable (dont 3 pour la ville et 2 et demi qui devraient être réglés par l’Etat, la Région et le Département). Kira, ma petite tigresse domestique, du haut de ses quelques mois, est dubitative. « Du moment que cette subvention n’est pas synonyme… de Nouvelle Vague fiscale… » glisse-t-elle dans un soupir. C’est qu’à la vitesse de l’éclair, la coquine a fait le calcul. « Je ne vais pas te faire le coup du Mépris, mais tu imagines ce que ça représente, en sachets de croquettes, quelque 5 millions d’euros ? » Je n’ai pas prolongé le débat. Je n’ai pas voulu lui dire que l’un des arguments des porteurs du projet était que ce cinéma serait plus qu’un cinéma, c’est-à-dire un « lieu de vie ». Ma petite chatte aurait été capable de hausser les épaules, et de tourner les talons (ou plutôt ses coussinets) en guise d’ « Adieu au langage », pour achever cette litanie godardienne.
Après tout, évidemment que chacun souhaite que ce futur complexe rencontre le succès et qu’il participe ainsi à la vitalité du « cœur de ville ». Si j’ai bien compris, ce qui émeut, c’est que les collectivités se substituent aux banques et le nombre de 0 sur le chèque. Question de gros sous encore l’autre matin en gare de Cahors ? Ou problème de casting ? Ou d’effets spéciaux ? Ou tout à la fois ? Après quelques mètres seulement, le train Cahors-Paris de 6 h 44 a stoppé net. Il manquait un technicien à bord. Le travelling s’est transformé en plan fixe. Et les voyageurs sont descendus sans même que le film eut débuté. Comprenne qui pourra. « Sauve qui peut (la vie) » aurait marmonné M’sieur Jean- Luc. Mais voilà que ce week-end, la grisaille débarque et le mercure dégringole. On va retourner au cinoche. Pour se réchauffer. »