« Il faut arrêter d’échapper à ses responsabilité » : Le procès de l’ancien procureur de Cahors pour violences conjugales à nouveau renvoyé
L’ancien procureur de Cahors, Alexandre Rossi, était jugé ce vendredi au tribunal correctionnel de Montauban pour violences conjugales. Le magistrat accuse également sa femme d’atteinte à la vie privée. Plusieurs rebondissements ont émaillé l’audience.
Il aura décidément tout tenté pour échapper au procès. Habitué à jauger les prévenus du haut de son perchoir et de sa stature massive, l’ancien procureur de Cahors, Alexandre Rossi, s’est retrouvé cette fois de l’autre côté de la barre. Ce vendredi 22 novembre, il comparaissait devant le tribunal correctionnel de Montauban à la fois comme prévenu et comme victime. Prévenu, car son épouse a déposé une plainte pour violences conjugales et intrafamiliales. Victime, car il accuse cette même épouse d’atteinte à la vie privée. Mais, le tribunal n’a toujours pas eu l’occasion d’aborder le fond de l’affaire : après une heure et demie de débats, celle-ci a été à nouveau renvoyée, cette fois devant la cour d’appel de Toulouse.
Pour rappel, l’affaire devait initialement être jugée en juin dernier. Elle avait été renvoyée, le parquet de Montauban avançant alors qu’il avait été saisi de « nouveaux faits ». Lors de l’audience de ce vendredi, de nouveaux éléments ont donc été apportés sur le fond. Les violences physiques et psychologiques dont est accusé Alexandre Rossi se seraient déroulées à Pons et à Cahors entre 2019 et 2024. Le magistrat aurait ainsi bousculé sa femme, l’aurait saisi par les bras, l’aurait dénigré et lui aurait lancé : « Tu veux que je te massacre ? », le tout en présence d’un de leurs fils. Un jour d’ITT a été prononcé concernant sa femme. Il se serait également montré violent à l’égard de leur fils qui avait alors entre 7 et 12 ans, lui assénant des gifles et des coups de poing, en lui lançant une perche métallique sur la tête et en lui disant : « Ferme ta gueule, tu es un bon à rien ». L’épouse d’Alexandre Rossi avait déposé plainte en avril 2024 pour ces faits. Le mois suivant, c’était au tour d’Alexandre Rossi de déposer plainte contre son épouse. Il l’accuse d’avoir porté atteinte à sa vie privée en l’enregistrant à son insu par le biais d’une caméra dissimulée dans la cuisine.
Ce vendredi, le magistrat et son avocat Me Marc Geiger ont joué tous les atouts qu’ils avaient dans leurs manches. Ils ont ainsi commencé par demander un renvoi de l’audience sollicitant l’ouverture d’une information sur l’affaire de la caméra cachée. « Il me semble que l’enquête préliminaire est lacunaire. La plupart des infractions qui sont reprochées à la prévenue sont des infractions techniques. Il est fait état de caméra dans la cuisine, d’une balise posée sur son véhicule, d’une capacité à pirater l’ensemble des comptes Google et des réseaux sociaux de mon client. Cela nécessite une enquête plus approfondie », estime Me Marc Geiger. Sur les 13 chefs de plainte déposés par le magistrat, le parquet de Montauban en a retenu deux, classant les autres sans suite par manque d’éléments. De plus, « il a été convoqué en tant que victime et entendu. Puis il a toujours refusé de parler devant les enquêteurs », souligne le procureur de Montauban. Finalement, la demande de renvoi est rejetée.
Il en faut plus pour arrêter la défense. Quand l’avocat d’Alexandre Rossi réclame l’annulation pure et simple de la procédure dans laquelle son client est accusé de violences, la tension monte d’un cran dans le tribunal. Pour prouver coûte que coûte la déloyauté des enquêteurs, de l’avocate de la partie civile, et même du procureur de Montauban, Alexandre Rossi et son avocat n’ont pas hésité à violer le secret de la correspondance entre l’ex-épouse d’Alexandre Rossi et son avocate Me Rodriguez. En effet, lors de son déménagement, Alexandre Rossi, accompagné d’un huissier, aurait aperçu sur la télévision familiale des échanges de messages entre les deux femmes. « Ces échanges me permettent de de constater de sérieuses difficultés vis-à-vis de la loyauté des enquêteurs », assure Me Marc Geiger, relevant notamment « une proximité troublante entre Me Rodriguez et le procureur » qui auraient ainsi évoqué l’affaire par messages, ainsi qu’entre ladite avocate et les enquêteurs, sous prétexte que Me Rodriguez aurait rapporté des propos du commandant chargé de l’enquête à sa cliente. L’avocat d’Alexandre Rossi dénonce aussi certains éléments de la procédure : « Quand elle a déposé plainte, la plaignante a remis son téléphone aux services de gendarmerie pour exploitation. Or, il y avait dedans le copier-coller de ce que mon client a vu sur la télévision. Pourtant, il n’y a eu aucune investigation, aucune question posée à la plaignante. »
Du côté du parquet et de la partie civile, la pilule ne passe pas. « Je suis estomaquée de ce que la défense est prête à faire pour se déresponsabiliser. Il faut accepter de s’expliquer et arrêter de perdre toute crédibilité juste pour échapper à ses responsabilités », s’insurge Me Rodriguez. « Ces conclusions tombent sous le sceau de la confidentialité. Le secret professionnel est un principe fondamental de notre déontologie. Je n’ai pas été mise en cause. Mon bâtonnier a été saisi d’une plainte contre moi et l’a classée sans suite ». Quant au procureur de Montauban, il réfute toute accusation de proximité ou de partialité et fait appel à son « honneur ». « Je n’ai rien à me reprocher ! », s’exclame-t-il. Après une nouvelle interruption d’audience, le tribunal de Montauban rejette la demande de nullité, estimant que la démonstration de la défense ne justifie pas l’atteinte au secret de la correspondance. Ultime rebondissement, le conseil d’Alexandre Rossi décide alors de déposer un recours sur la nullité. L’affaire est donc renvoyée devant la cour d’appel de Toulouse. La date est pour l’heure inconnue. Si la nullité est à nouveau rejetée, les faits seront alors jugés ultérieurement, certainement à Montauban.