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Frères d’armes, destins distincts


Cahors, 1939. Réfugiés en France, les frères Katzenstein s’engagent dans la Légion. L’un sera déporté, le second s’établira après la guerre dans le Gers.

Ils sont plusieurs dizaines d’étrangers réfugiés dans le Lot à se présenter, en ce mois de septembre 1939, au bureau de recrutement établi à Cahors. Désireux de prendre leur part au combat face à l’ennemi nazi, ils sont nés en Autriche, en Pologne, en Espagne, mais aussi pour certains en Allemagne. Parmi eux, Walter et Peter Katzenstein. Tous deux natifs de Berlin, le premier le 18 octobre 1900, le second le 11 janvier 1905. Leur père, Moritz Katzenstein (1872-1932) fut un éminent professeur de médecine, directeur de clinique, ami d’Albert Einstein. De nos jours encore, certains de ses écrits font référence.

Est-ce pour suivre ses traces que l’aîné Walter, est devenu médecin à son tour ? Peter, pour sa part, sera éleveur et négociant. Mais en 1933, les Nazis arrivent au pouvoir en Allemagne. Un monde, leur monde, bascule. Insupportable pour les deux hommes qui choisissent dès cette date d’émigrer en France. Si le cadet Peter semble avoir d’abord habité Paris, Walter, en revanche, s’installe dans le Gers, où le médecin devient agriculteur à la tête d’une exploitation de 33 hectares sur la commune de Saint-Mézard. Il y est recensé en 1936 avec son épouse Annie (née en 1908) et sa mère Hélène, veuve de Moritz, née en 1875.

En guise de merci, les biens de Walter saisis

On ignore à quelle date Peter le rejoint dans la région et on ne sait pas non plus pourquoi les deux frères choisissent Cahors pour signer leur engagement. Ils ne sont pas les seuls en France, puisque des milliers de réfugiés étrangers, juifs ou non juifs, ont le même réflexe à cette époque.

Le premier remerciement de la France en guerre est particulier, et c’est un euphémisme. La propriété agricole de Walter est placée sous séquestre comme « bien ennemi » en octobre 1939. Mais peu importe. Sous l’uniforme de la Légion, il redevient médecin. Et il se distingue par son courage. Juste avant la guerre, Walter avait acquis une demeure à Fleurance, dans le Gers, encore : l’hôtel des Tilleuls. Précautionneux, il avait désigné sa fille Brigitte née en 1937 comme copropriétaire. En 1941, l’immeuble est loué à un médecin. En 1942, il est saisi en vertu des lois scélérates de Vichy. Après la guerre, Walter Katzenstein est autorisé à continuer à exercer, civilement désormais, comme médecin, dans le Gers. En 1959, l’hôtel transformé en petite clinique avec maternité est revendu au Dr Liard. Walter Katzenstein décède en 1975.

Peter raflé le 26 août 1942 à Mirande

L’itinéraire de son frère Peter se révéla bien plus tragique. Passé également par le Régiment de Marche des Volontaires étrangers basé à Barcarès jusqu’en avril 1940 et qui combattit ensuite en Picardie et en Lorraine, une fois l’Armistice signé, après sa démobilisation intervenue au plus tard en décembre, il a regagné le sud-ouest du pays. Mais la zone dite libre ne l’est pas pour tout le monde. Peter Katzenstein est toujours allemand ou au mieux apatride, et toujours juif. Il se trouve à Mirande quand est déclenchée la terrible rafle du 26 août 1942. Arrêté, il est conduit au camp du Vernet. Puis sera transféré à Drancy. De là, il est déporté par le convoi n°28 le 4 septembre. Sélectionné pour le travail, il meurt après avoir été battu par ses bourreaux de gardiens fin novembre, début décembre 1943 à Birkenau. Des précisions notées par sa fille Pierrette (alors domiciliée dans le Tarn-et-Garonne) qui a rempli une feuille de témoignage auprès du Mémorial Yad Vashem de Jérusalem en 2005. Dans le dossier au nom de Peter Katzenstein, figurent deux autres documents particulièrement émouvants.

Deux lettres déchirantes

Une lettre qu’il parvint à transmettre à sa fiancée Thérèse, qu’il savait enceinte, écrite depuis le camp du Vernet deux jours après son arrestation, le 28 août 1942. Il explique alors avoir demandé une autorisation du commandant du camp pour se marier. On comprend également qu’avant la rafle, à toutes fins utiles, Peter avait déclaré devant un juge de paix être le père de l’enfant à naître… De fait, le mariage n’eut jamais lieu.

Un second courrier a été versé aux archives de Yad Vashem. Une lettre de sa mère Hélène au ministère des Prisonniers et Déportés, en avril 1945. Elle souhaite « si possible » savoir à quelle date et vers quelle destination son fils a été déporté. On imagine que la maman de 70 ans ne désespère pas, alors, qu’il ait pu survivre. Mais Peter ne reviendra jamais. Hélène Katzenstein meurt avec son chagrin en 1961 dans le Gers. Elle aura pu retrouver le sourire, de temps à autre, avec ses deux petites-filles, Brigitte, née avant la guerre, et la petite Pierrette dont le prénom ne fut pas choisi par hasard…

Ph.M.

Sources : Service historique de la Défense, Mémorial Yad Vashem, Archives départementales du Gers, site Gallica-BNF.

Photo : Sur la liste des volontaires étrangers qui ont signé leur engagement à Cahors. En médaillon : Peter Katzenstein. Service historique de la Défense Mémorial (Mémoire des Hommes) et Yad Vashem.

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