Espère la rebelle, Lalbenque la pieuse
Où il est question du #Lot et des #Lotois sur les réseaux sociaux.
– Les huissiers, les fonctionnaires du fisc et autres agents de recouvrement, les inspecteurs de l’administration chargés de veiller au bon respect de la loi et même… de la façon de se conformer à certaines normes de fabrication ! Autant de dépositaires de l’autorité dont on se plaint qu’ils soient toujours, en ce XXIème siècle, parfois mal accueillis, voire bousculés, voire insultés, voire repoussés manu militari par les citoyens de base. Eh bien figurez-vous que cela ne date pas d’hier ni d’avant-hier. Après s’être plongés dans les archives et les bibliothèques, des historiens ont compilé des milliers de « faits divers » un peu particuliers pour réaliser « une base de données qui a pour objectif de mettre à disposition de la communauté scientifique, et du grand public, des informations sur les phénomènes contestataires, de la fin du Moyen Âge au XIXème siècle ». Soit, au total, près de 10 000 événements ! Le Lot est bien présent dans cette compilation baptisée « Historical Social Conflict Database ».
– Jugez plutôt. Espère (Généralité de Montauban, Subdélégation de Prayssac), mars 1693 : « Les femmes s’ameutent contre les huissiers venus pour des affaires relatives aux droits des courtiers de vin. « Ils furent assés [assez] bien battus ». Montfaucon, 24 août 1706 : « Les commis arrêtent un contrebandier porteur de 24 livres de tabac acheté dans la vicomté de Turenne, et conduit en Quercy. Ils le conduisent chez le premier consul. Une troupe d’habitants attaquent la maison à coups de pierres, libèrent le détenu. » Saint-Céré en 1751 : « Opposition au règlement de 1744 fixé par l’intendant Lescalopier pour la fabrication des toiles. Après avoir été chassé de Souillac, l’inspecteur Gardou va à Saint- Céré où on lui fait le même accueil : maltraité par une troupe d’hommes et de femmes. Un mort. L’inspecteur est sérieusement blessé. Longue information. Jugement par l’intendant. Lourdes peines. »
– Le style est parfois presque télégraphique, mais les historiens ont choisi de reproduire tels quels ces résumés retrouvés dans des travaux antérieurs ou compilés par des fonctionnaires d’antan, les ancêtres des Renseignements généraux… Dans le Lot, sur la base de données disponibles sous forme de carte interactive, précisons cependant qu’une bonne proportion des troubles recensés date de la Révolte des Tard Avisés, en 1707 : née aux Arques et finalement réprimée à Cahors, cette jacquerie (on ne parlait pas encore de Gilets Jaunes) embrasa des mois durant une partie de la Vallée du Lot pour protester contre de nouvelles pressions fiscales… Ce formidable outil de vulgarisation scientifique a été coordonné par Cédric Chambru et Paul Maneuvrier-Hervieu, dans le cadre du progiciel Pleade, configuré par le Pôle Document Numérique de la Maison de la Recherche en Sciences Humaines de l’Université de Caen-Normandie.
– Mais n’allons pas croire que le Quercy ne fut qu’une terre de révolte. On y était aussi attaché à certaines valeurs… Dans le très influent quotidien catholique La Croix, en date du 18 avril 1896 (alors que le pays est déjà en proie aux prolégomènes des querelles qui vont aboutir à la loi de 1905), on lit cet article. « Lalbenque. La fête de saint Benoît Labre. C’est hier jeudi qu’on célébrait la fête du modèle des pèlerins, l’admirable saint Benoît Labre. Le nombre des dévots à saint Benoît Labre augmente chaque jour et la maison des pèlerinages, l’œuvre de La Croix et d’autres œuvres d’apostolat, a grande joie à le constater. A cette occasion, nous sommes priés, et nous nous rendons bien volontiers à cette prière, de dire que, dans le midi de la France, saint Labre est spécialement honoré dans l’église de Saint-Hilaire [sise sur un hameau de la commune] à Lalbenque (Lot). Cette église a de nombreuses reliques de ce Saint, des os, du linge à l’usage du Saint, un gros morceau de bois de son cercueil. Ce Saint, dit Marconi [auteur d’une biographie du saint, NDLR], guérit même à distance les malades de toute espèce qui l’invoquent avec confiance. Ou l’invoque aussi pour la réussite de toutes les affaires spirituelles et temporelles. »
– « A Saint-Hilaire, on signale déjà des traits de sa puissance et de sa bonté. Tous les dimanches, des prières spéciales sont faites par la paroisse entière pour les bienfaiteurs vivants et morts. Chaque mois, une messe est dite aux mêmes intentions. Les prêtres diront la messe de saint Labre dans l’église de Saint-Hilaire, les jours où la rubrique le permet. N. B. Prière de faire connaître le pèlerinage situé à 4 kilomètres de Lalbenque, envoyer des adresses de personnes pieuses et généreuses. Pour les recommandations et les offrandes, s’adresser à M. le curé de Saint-Hilaire, Lalbenque (Lot). »
– Pour être complet : Benoît-Joseph Labre, né le 26 mars1748 à Amettes, dans le diocèse de Boulogne-sur-Mer et décédé le 16 avril 1783 à Rome, fut un pèlerin mendiant français qui parcourut les routes d’Europe. Il était surnommé le « Vagabond de Dieu ». Le diocèse de Cahors lui consacre toujours un pèlerinage en avril ou mai. C’est l’abbé Jean-Pierre Bos qui fut curé de Saint-Hilaire de 1879 à 1908 qui est à l’origine de cette vénération du saint dans ce village du Quercy…
