Département du Lot : Motion sur le Revenu de Solidarité active et un nouveau conseiller départemental au menu de l’assemblée
Retour sur la séance du 13 novembre 2023.
Ce lundi 13 novembre, si le dispositif d’aide aux sportifs lotois de haut niveau, les dispositifs d’aide à la vie associative culturelle, le bilan de l’action de Lot Tourisme et les modifications budgétaires étaient à l’ordre du jour de la séance du Conseil départemental, c’est une motion sur le Revenu de Solidarité Active qui a animé les débats.
Dans son discours introductif, après avoir souhaité la bienvenue à Jean-Christophe Cid, devenu il y a peu conseiller départemental du canton de Martel, suite à l’élection au sénat de Raphaël Daubet, Serge Rigal, président du Département du Lot, a donné le ton dénonçant la mission sur la décentralisation confiée au député et ancien Ministre Eric Woerth avec comme « piste de réflexions d’avancer vers une simplification de l’organisation territoriale » : « Nous verrons ce que produit ce énième rapport mais il confirme qu’au plus haut niveau, certains restent enfermés dans les mêmes raisonnements, je dirais dans les mêmes aveuglements alors que la réalité leur donne tort. Heureusement que lors de la crise Covid nous avions toutes ces strates de collectivités qui, en se coordonnant entre elles sans rien attendre de l’Etat, ont acheté et distribué masques, gel, aides de toute sorte pour que la Nation tienne dans cette épreuve collective inédite ! Au-delà de cette réflexion, les actes enfin parlent d’eux-mêmes. Surtout sur le plan financier Au cours de ces deux dernières années en effet, je le rappelle car c’est un chiffre éloquent, l’Etat, par SES décisions, par les dépenses nouvelles qu’il nous impose sans aucune compensation financière et même sans concertation préalable ; et bien l’Etat aura ponctionné indirectement sur notre budget 9 millions d’euros. Oui 9 millions d’euros ! 9 millions d’euros, c’est par exemple l’équivalent de près de deux années de soutien aux communes et aux communautés de communes avec le FAST, le Fonds d’Aide aux Solidarités Territoriales. Imaginez si deux années durant, nous décrétions deux années blanches lorsque les communes déposent des dossiers de demande de subvention pour rénover l’école, le centre de loisirs, la salle des fêtes, le city stade ou un autre équipement. Alors oui il fallait augmenter les aides à domicile, les agents publics, les bénéficiaires du RSA. C’est l’évidence. Mais ces décisions qui nous échappent et que l’on nous applique doivent faire l’objet de compensations, sauf à conduire à diminuer notre capacité d’actions dans d’autres champs ! Je le répète, et j’en appelle donc au soutien des parlementaires lotois, tant des sénateurs mais surtout de nos députés qui sont très silencieux sur le sujet et qui, en la matière auront le dernier mot :
– si vous êtes attachés à ce que les territoires se développent, allez au bout de la logique décentralisatrice et redonnez aux collectivités, notamment aux Départements, les leviers pour maîtriser leurs ressources ;
– mettez fin à ce système où nous sommes totalement dépendants, soit des dotations de l’Etat, soit de fraction d’impôts d’Etat dont nous ne maitrisons ni l’assiette, ni le taux, ni les modalités de calcul et pas même les dates où nous les recevons ! »
Et d’évoquer le RSA : « C’est, je le crois, l’honneur et la modernité d’une Nation que de juger que chacun se doit d’être solidaire de son prochain. Historiquement, ce chemin fut l’objet de longues et âpres batailles pour aboutir, il y a 35 ans, à la création non pas d’un acquis social, mais simplement la reconnaissance que tout vie humaine, même la plus humble, avait le droit à la dignité. C’est pourquoi François Mitterrand et Michel Rocard avaient crée le RMI, aujourd’hui RSA. Ce simple droit à la dignité pour survivre, car je rappelle qu’il est à peine question de 607 euros par mois, la loi dite « pour le plein emploi » en train d’être élaborée au Parlement veut le battre en brèche. Il faudrait imposer des conditions pour donner à chacun le droit de survivre. Pour résumer, la chasse aux pauvres est ouverte, tandis que l’on a fermé celle aux exilés fiscaux il y a six ans maintenant. Cette réforme, si elle touche du doigt de réels problèmes, n’apporte que de fausses solutions. La situation actuelle appelle à un sursaut en faveur des plus fragiles, non à les stigmatiser ou à restreindre leurs droits. Cette réforme, en supprimant le simple droit de bénéficier, grâce à la société, d’une seconde opportunité, n’est pas à la hauteur du défi de la dignité humaine, seul cap légitime pour une démocratie sociale du XXIème siècle. » Nelly Ginestet, vice-présidente du Département en charge de l’Action sociale, de la Protection de l’enfance et de la Lutte contre les exclusions, a ensuite proposé en fin de séance une motion sur le RSA adoptée par l’assemblée (une abstention).
> Le texte de la motion :
« Le Département du Lot refuse que la solidarité nationale soit conditionnée à de nouvelles contraintes
Nous vivons une crise sociale majeure. Selon l’INSEE, neuf millions de personnes se trouvaient en « situation de privation matérielle et sociale » en 2022. Pourtant, malgré cette urgence à résoudre, le Gouvernement a décidé de faire la chasse aux pauvres, notamment en décidant de conditionner la solidarité nationale.
La mesure phare du projet de loi « pour le plein emploi » actuellement en discussion au Parlement vise en effet à conditionner le versement du Revenu de Solidarité Active à 15 heures d’activités hebdomadaires. Alors que cette allocation est un simple droit à la survie, une telle réforme irait à l’encontre des principes de notre République, définie comme « sociale » dès le premier article de la Constitution. Par conséquent, l’assemblée départementale, réunie en session plénière le 13 novembre 2023, souhaite rétablir plusieurs faits.
1) La modernité d’une Nation s’évalue en fonction de son degré de solidarité
La solidarité est une condition nécessaire à la modernité d’une Nation et au respect de la dignité humaine.
Nous ne pouvons accepter l’instauration d’une conditionnalité supplémentaire des aides sociales. Le versement du RSA, dont le montant n’atteint que 607 euros mensuels, ne peut être légitimement soumis à la réalisation d’un minimum de 15 heures d’activités hebdomadaires. Ce serait oublier que nul n’est à l’abri d’un accident de parcours et que la solidarité n’est pas un luxe.
Le Gouvernement semble par ailleurs ignorer le mode de fonctionnement de notre système social. Les bénéficiaires des minimas sociaux disposent d’ores-et-déjà de droits et de devoirs. Au titre de ces devoirs, les allocataires du RSA doivent par exemple déclarer tous les trois mois leurs revenus, ils sont signataires d’un Contrat d’Engagements Réciproques, enfin, ils sont accompagnés dans la mise en œuvre d’actions de réinsertion.
Pour rappel, ces mécanismes de contrôle n’existent pas lorsque l’Etat verse des aides aux grands groupes contre la promesse de créations d’emplois alors qu’ils sont déjà opérants pour les personnes en difficultés.
En outre, certains bénéficiaires du RSA travaillent déjà. Dans le Lot, 23% sont des travailleurs indépendants !
Avec une telle réforme, demain, celui qui n’arriverait pas à effectuer 15 heures d’activités hebdomadaires serait condamné à la marginalité, une précarité plus grande encore et à l’exclusion, car plus aucune ressource ne lui serait versée.
Pour finir, imposer aux Départements de trouver aux allocataires du RSA 15 heures d’activités par semaine sans moyens financiers ou humains supplémentaires pour réaliser cette mission est une illusion totale.
Dans le Département du Lot, pour 4 000 bénéficiaires, il faudrait trouver 240 000 heures d’activités par mois sur le secteur non-marchand pour ne pas faire concurrence aux entreprises, et le coût net de cet accompagnement atteindrait les 5 millions d’euros !
2) Nous avons besoin de mesures ambitieuses de lutte contre la pauvreté et de justice sociale et fiscale
Plutôt que de stigmatiser les pauvres, nous appelons à des mesures ambitieuses pour lutter véritablement contre la pauvreté.
Une personne sur trois ayant droit au RSA n’en fait pas la demande : cette situation n’est pas acceptable. Avant de stigmatiser les allocataires de minima sociaux, nous demandons à ce que la représentation nationale concentre les moyens sur l’accès aux droits afin de limiter le non-recours.
Agir contre la pauvreté, c’est aussi renforcer les moyens des collectivités qui s’engagent avec efficacité pour donner une seconde chance à ceux qui éprouvent des difficultés passagères.
Accompagnement socio-professionnel d’une durée de 12 mois pour les personnes éloignées de l’emploi via la « Garantie d’activité départementale », aide à la garde d’enfants, soutien à la mobilité, psychologue, bilan de santé : dans le cadre du Plan Départemental d’Insertion 2023-2025, nous avons adopté de nombreux dispositifs en faveur de l’insertion sociale et professionnelle.
Ce travail porte ses fruits. Dans le Lot, un tiers des bénéficiaires sortent du dispositif RSA chaque année !
Ce résultat n’est cependant possible que si la Nation s’en donne les moyens ! Ils existent. Trop l’oublient : la fraude fiscale coûte chaque année au budget de l’Etat 80 milliards d’euros, soit le budget de tous les Départements de France réunis !
En s’attaquant véritablement à ce fléau qui ronge le pacte républicain, l’Etat pourrait doubler les moyens des Départements et engager une réelle politique d’éradication de la pauvreté.
3) L’inclusion est aussi au service du tissu économique
La France a besoin de chacun pour avancer, progresser, le monde économique y compris. Il s’agit de travailler sur l’intégration dans la société et le monde professionnel du plus grand nombre à travers de propositions politiques et non des postures clivantes et contreproductives.
La formation, l’insertion sociale et professionnelle, les contrats aidés sont des outils efficaces. La stigmatisation et la précarisation des plus faibles, n’aideront pas le tissu économique, bien au contraire. Si nous voulons faire société, nous devons préférer la collaboration de tous les acteurs de l’emploi à la démagogie.
« Il n’est pas digne de notre passé, ni concevable pour notre avenir que tant de gens survivent dans la misère et se voient rejeter aux franges d’une société qui les frappe d’exclusion sans appel. »
C’est en ces termes que s’exprimait Michel Rocard, Premier Ministre, en 1988 lors de sa présentation du Revenu Minimum d’Insertion (RMI).
Alors que la situation dramatique actuelle appelle à un sursaut républicain en faveur des plus fragiles, cette réforme, en supprimant le droit d’avoir une deuxième chance à la suite d’un accident de parcours, n’est pas à la hauteur du défi de la dignité humaine, seul horizon légitime d’une démocratie sociale du XXIème siècle. »
> Jean-Christophe Cid est le nouveau conseiller départemental du canton de Martel. Il a siégé pour la première fois au cours de la séance du conseil départemental de ce lundi 13 novembre 2023. Il rejoint l’assemblée départementale suite à la démission de Raphaël Daubet, élu sénateur, dont il était le remplaçant depuis les élections départementales de 2021. Agé de 56 ans, marié et père de 2 enfants, Jean-Christophe Cid est également maire de Carennac depuis 2020. Il était premier adjoint de cette commune de 450 habitants lors du mandat précédent. Il est également conseiller délégué à Cauvaldor.
Le binôme de conseillers départementaux poursuivra le travail déjà effectué sur l’ensemble du canton. Les élus porteront un égal intérêt aux deux bassins de vie de Martel et Vayrac. « Nous avons travaillé ensemble lors de la campagne et nous savons travailler et collaborer pour servir notre canton et notre Département. Riches de nos différences, complémentarités et de notre connaissance du territoire, nous serons dans une dynamique intacte. Nous aurons l’occasion de communiquer sur les dossiers en cours et nos projets pour le canton dans les semaines à venir » précisent Gaëlique Jos et Jean-Christophe Cid.
Photos Nicolas Debons/Département du Lot