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Crime de sang en Quercy blanc sur fond de racisme ordinaire 


Où il est question du #Lot et des #Lotois sur les réseaux sociaux.

– On débute avec cette étonnante carte de France postée par l’infographiste Clara Dealberto qui a recensé « le plus long nom de commune EN UN SEUL MOT (pas de tiret, pas d’espace, pas d’apostrophe) » par département). La palme revient au Bas-Rhin et aux villages de Mittelschaeffolsheim et de Niederschaeffolsheim tous deux longs de 20 lettres. A côté, le Lot fait presque petit joueur avec Lavercantière et ses 13 caractères… En revanche, à noter que compte tenu des critères, Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson (Marne, née en 1836 de la fusion de trois communes) avec ses 45 lettres ne peut figurer en tête du palmarès. Une carte avec les plus petits toponymes communaux existe également, postée par la même Clara. Cette fois, avec le village de Bio, le Lot n’est pas à la traîne…

– Il existe aussi une carte des piscines «enterrées déclarées au fisc», et elle a été postée cet été par le reporter Alexandre Léchenet. Mais on notera que sur le même sujet, une seconde carte fut produite grâce aux données d’OpenStreetMap, fournie par Capitaine Moustache. Le Lot n’est pas le plus mal fourni. Mais la Dordogne semble plus riche en la matière, comme le grand Toulouse, les régions littorales et touristiques…

– Le projet de parc photovoltaïque à Tour-de-Faure a fait l’objet de reportages sur les médias nationaux : on a vu ce sujet être abordé sur BFM encore sur FranceInfo ! On vous laisse juger par vous-même… Mais sur les réseaux, les « pro » et les « anti » se prononcent déjà.  « Quand je pense que le maire de Tour-de-Faure est prêt à brader son autorisation d’exploiter cette future ferme pour la modique redevance de 10 000 euros/an… Saccager ce patrimoine rural pour ça ! » s’indigne Wanda. Mais on note aussi ce point de vue de la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert : « Nous privilégions l’agri-voltaïsme, c’est-à-dire la comptabilité avec la production agricole. Ça ne doit pas se faire de façon anarchique ». Pour sa part, le Groupe National de Surveillance des Arbres (GNSA) s’exclame : « Non à la déforestation et à la destruction de nos paysages pour installer des giga parcs de panneaux
photovoltaïques : mise en danger du tourisme, de l’agriculture, de la qualité de vie des habitants. » «
Les écolos en train de comprendre que les Énergies renouvelables, ça prend beaucoup de place, et que le nucléaire est l’énergie qui utilise le moins de place… » rétorque agacé un certain Stratos. 

– C’est dans ce contexte que photo à l’appui, ce tweet de Frédéric Vasse se veut rassurant : « Hier soir, un vol majestueux en V d’un peuple migrateur, est passé au dessus de nos têtes pour rejoindre l’Espagne, peut-être même l’Afrique du Nord. C’était beau et bruyant. On peut faire confiance à la nature, les oies sont formelles : l’hiver arrive les amis. #Climat #Lot ».

– On vous recommande la lecture d’un long entretien accordé à Entre- Temps, revue numérique d’histoire actuelle, par Christine Martinez, archiviste-paléographe et conservatrice générale du patrimoine, et aujourd’hui directrice des Archives départementales du Lot. Avec ce passage, notamment : « J’ai eu la grande chance de participer aux négociations pour la restitution par les Russes des archives françaises spoliées par les forces d’occupation allemandes durant la Seconde Guerre mondiale. (…) Avec ma chef, nous sommes allées plusieurs fois en mission à Moscou rencontrer nos collègues russes, qui nous mettaient assez souvent des bâtons dans les roues. Il fallait être un peu retors… (…) J’étais chargée de retrouver les ayants-droit des fonds privés. J’ai vécu des moments privilégiés, comme la restitution des archives au Grand Orient de France, à l’Alliance française, à l’Alliance israélite… Des moments très émouvants, aussi. Parfois on remettait des dossiers à des personnes privées dont les parents avaient été déportés, qui se rappelaient de la dernière fois où, enfants, ils avaient vu leurs parents puis avaient perdu leur trace. Dans ces dossiers, ils retrouvaient parfois une photographie, une carte postale de leurs parents… On avait l’impression de restituer une part de leur identité à ces gens. »

– Notre plongée hebdomadaire dans les archives, justement. Il s‘agit d’un fait-divers, un crime dont l’auteur est jugé à la fin de l’année 1935. Moins d’un an plus tôt, ce jeune Sénégalais a tué l’épouse de son employeur, à Castelnau-Montratier. A l’orée de la réunion de la cour d’Assises, le quotidien national Paris Midi, en date du 18 décembre 1935, relate les faits. Où l’on comprend vite qu’à la violence du drame, s’ajoute un  racisme à l’époque fort ordinaire… Le titre : « Le jeune Sénégalais qui blessa son patron et égorgea sa patronne comparaît aujourd’hui » Le sous-titre : « Le noir Deba avait, de plus, allumé un incendie dans le château. » Le texte : [De notre envoyé spécial] « Cahors, 18 Décembre.  Un jeune noir, un gosse de seize ans né au cœur de l’Afrique et devenu dans un cauchemar le héros d’un conte horrible, agresseur de son patron, incendiaire, assassin de sa patronne, auteur d’une résistance désespérée à la force publique : tel est celui que jugent aujourd’hui, à Cahors, des paysans de Quercy, jurés de la Cour d’assises du Lot. M. D., administrateur des Colonies, prit sa retraite au début da l’année 1934. Il acheta le château de Belleu, une antique gentilhommière, à Castelnau- Montratier, près de Cahors, et vint s’y installer avec sa femme. » 

– « Les nouveaux châtelains avaient ramené du Sénégal un de leurs boys, Deba, un garçon nègre de seize ans. La domesticité est abondante aux colonies, elle est obéissante et soumise, elle n’exige ni d’aller au cinéma le dimanche ni de garder ses soirées libres. M. et Mme D. crurent avoir fait une excellente affaire en s’assurant en Europe les services de Deba. Le château de Belleu a grande allure et son parc est plein de charmes champêtres. M. et Mme D. n’étaient pas de mauvais patrons. La nourriture était bonne et abondante, le travail pas trop accablant. 

– « Deba n’avait donc pas de raison criante d’être malheureux. Deba cependant était malheureux. Il lui manquait le soleil, la liberté de s’ébattre dans la brousse, le cri des bêtes sauvages, les envols des oiseaux diaprés, le sourire des jeunes négresses, les danses le soir au son  du tam-tam, la protection du totem familial, la bienveillance du sorcier qui donne les amulettes appropriées à chaque difficulté de l’existence. Deba devint triste. Il devint muet. Il travailla moins. Un jour il dit brusquement à M. D. : – Je veux m’en aller. M. D. s’efforça de conserver son « nègre ». Quand il jugea que sa mélancolie devenait maladive, il lui permit une grande distraction : il lui permit d’aller à Cahors. »

– « A Cahors, Deba rencontra des tirailleurs sénégalais. Il les accompagna dans les cabarets. Il but. Il alla même voir les filles. Quand Deba rentrait de Cahors, il était nerveux et agité. Les souvenirs des voluptés de la Babylone du Quercy remuaient tumultueusement en lui et se mêlaient confusément à ceux des joies de la brousse. Maintenant il osait faire des objections aux ordres de son maître ; il protestait ; son désespoir devenait bavard. Quand M. D. se fâchait, Deba faisait le tour des boutiques de Castelnau en gémissant : – Patron parler méchant. M. D. fit encore un effort pour se concilier son serviteur : le dimanche 13 janvier il lui acheta une bicyclette. Le mercredi 16 janvier, à 19 h 30, un hurlement de terreur retentit dans les salles sonores du château de Belleu. » 

– «Deba, dans l’obscurité, frappe sauvagement son maître. Une porte s’ouvre. Deux corps roulent dans l’escalier jusqu’à la porte de la cuisine. Mme D. voit deux hommes couverts de sang, son mari est à terre, le nègre frappe toujours. Elle s’arme alors d’une bouteille et frappe Deba à la tête. La lampe qui éclairait la scène tombe. Deba abandonne sa proie, court sur Mme D., la renverse, la frappe à coups de couteau, s’acharne sur elle. On ne retrouva qu’un cadavre vingt fois transpercé. M. D., lui, réussit à s’échapper. Il alerta les gendarmes et les gens du village. Quand il revint avec eux, Deba s’était barricadé dans le vestibule du château. Là, M. D. avait installé des panoplies, souvenirs de ces voyages, comportant toutes les armes dont se servent les indigènes des contrées qu’il avait administrées. En face des armes de sa race, Deba retrouva instinctivement la science de leur usage. Il décrocha un arc et tira des flèches empoisonnées sur les gendarmes du Lot. Les flèches manquant leur but, il s’empara de sagaies et les lança à la manière de ses ancêtres guerriers. » 

– « Ce fut le fils de M. D. qui, d’un coup de carabine, le mit hors de combat. Les armes modernes avaient triomphé. Blessé aux jambes, Deba fut fait prisonnier. Entre temps, il avait allumé dans le château un commencement d’incendie qui fut vite maîtrisé. Les paysans faillirent lyncher le jeune nègre. Il est peu probable que les jurés estiment que l’irruption des souvenirs de la brousse natale dans l’esprit d’un «boy» transplanté du Sénégal dans le Quercy soit une excuse à un meurtre sauvage. Ils seront vraisemblablement sans indulgence. » 

– C’est dans le Journal du Lot du 20 décembre 1935 que l’on apprend le verdict. Non sans que soient mentionnés différents témoignages délivrés devant la cour. On note aussi que l’orthographe du patronyme de l’accusé est corrigée. « Le Dr Mans déclare que De-Bà est responsable de ses actes. On peut néanmoins estimer que son dépaysement a quelque peu dévoyé son état mental. M. Thomas-Duris, médecin de l’armée coloniale, a examiné De-Bà au point de vue de l’âge et il affirme qu’il a certainement plus de 16 ans et probablement plus de 18. M. le docteur Peindaries a soigné De-Bà à la prison. Il était déprimé, il avait peur la nuit. Il avait parfois des hallucinations. Il donnait souvent l’impression d’une bête en cage. On entend ensuite le chef de bataillon de tirailleurs sénégalais qui déclare que les indigènes d’Afrique équatoriale sont parfois déprimés par un séjour en France et pris par une sorte d’hypocrisie que leurs officiers connaissent bien. » Puis, après le réquisitoire, vient le temps de la défense : « Me Madeleine Lasfargues présente la défense de De-Bà, le nègre meurtrier irresponsable parce qu’il a une mentalité d’animal plutôt que d’être humain. Il n’a pas de sens moral et il a certainement agi sans discernement. Me de Valon insiste, lui, sur l’imprudence qu’il y avait à dépayser ce jeune nègre, inconscient, à le faire passer de l’état sauvage à une civilisation à laquelle il ne pouvait rien comprendre. Il conteste les affirmations de la défense, quant à l’âge de De-Bà et il demande au jury de déclarer que celui-ci n’a pas seize ans. » 

– Au final, après 40 minutes de délibérations, le jury « déclare De-Bà coupable de tentative de meurtre, de meurtre, d’incendie. Il déclare qu’il a agi avec discernement et qu’il avait plus de 16 ans au moment du crime. En conséquence, la cour prononce contre De-Bà la peine de vingt ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour. » 

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