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Blessé au pied, le fantassin sera un as de l’aviation


Natif de Puybrun, une balle lui traverse le pied en 1915, Charles Nuville rejoint alors l’armée de l’air où il devient un « as ».

Jusqu’au 16 mars 1915, la notice biographique de Charles Nuville présente moult similitudes avec les destinées de bien des jeunes hommes de sa génération. Fils de notaire, notaire lui-même lorsque la Première guerre éclate, il est né en mars 1889 au sein d’une famille nombreuse et heureuse de Puybrun, dans le nord du Lot, sur les bords de la Dordogne. Comme le veut la tradition, il entame des études de droit à Toulouse. Sursitaire, il effectue son service militaire à compter de novembre 1910 au 83ème régiment d’infanterie basé dans la ville rose.

Rentré dans son cher Quercy en septembre 1912, il a à peine le temps de s’installer dans la vie professionnelle. Mobilisé en août 1914, il rejoint son unité comme sergent. Il se bat en Belgique, dans les Ardennes françaises puis en Champagne. Mais quand une courte trêve s’installe, notre Lotois se souvient qu’il a été licencié au Stade Toulousain (où il a joué au rugby… et au football). En novembre 1914, l’hebdomadaire « Le cri de Toulouse » rapporte que des soldats du Midi réclament que leur ancien club leur envoie un ballon ! C’est Nuville qui se fait leur interprète : « La vie aux tranchées est faite d’heures où ça barde, vous n’en doutez pas, mais aussi, – et là, je vous étonnerai probablement – d’un plus grand nombre d’heures où nous avons beaucoup de loisirs. Ainsi (avec ce ballon) nous garderons toute notre souplesse, et tout notre souffle pour nous mettre à la poursuite des Boches lorsqu’ils lâcheront pied sur notre front, ce qui est imminent. »

Une balle lui traverse le pied

Le jeune Lotois, en effet, n’est pas un pleutre. Promu adjudant, il prend aussi des risques quand il le faut. Et ce qui devait arriver… arriva le 16 mars 1915. Charles Nuville est grièvement blessé, touché par une balle allemande qui lui traverse le pied alors qu’il aménage des tranchées prises à l’ennemi sur le village martyr de Perthes-lès-Hurlus. Evacué, soigné à l’arrière, le sous-officier d’infanterie est hospitalisé de longs mois. Il comprend dès lors qu’il ne pourra plus guère combattre s’il demeure dans l’armée de terre… Il demande à rejoindre l’armée de l’air. A compter du 28 février 1916, le voilà détaché au 1er groupe d’aviation de Dijon en qualité d’élève-pilote.

Sa vie bascule. Dès novembre, il est opérationnel et se retrouve aux commandes d’un chasseur Nieuport. S’il doit attendre septembre 1917 pour signer son premier succès en vol, il remporte douze autres victoires aériennes jusqu’au 11 novembre 1918, devenu un « as de l’aviation française ». Le magazine « Rugby » édité à Toulouse avait donc vu juste quand il avait publié cet écho en octobre 1916 : « Un futur « As »…. C’est notre très bon ami Nuville, ex- équipier second du Stade Toulousain, qui mérite cette flatteuse dénomination. En effet, l’adjudant Nuville, inapte à l’infanterie à la suite d’une blessure de guerre, et admis dans l’aviation, est en train d’émerveiller ses moniteurs par son audace, son sang-froid et son énergie… Bon footballeur ne saurait mentir ! »

« Le sous-lieutenant sait manœuvrer le Boche »

Moins de deux ans plus tard, Nuville a quitté les rubriques sportives. Tous les quotidiens avaient repris le 23 juillet 1918 une dépêche le mettant en exergue. A l’instar de Paris-Midi : « DEUX NOUVEAUX AS._ Au palmarès, où Boyau s’inscrit avec une 24e victoire, s’ajoutent tes noms du lieutenant de Turenne et du sous-lieutenant Nuville. Le lieutenant de Turenne est un ancien dragon passé dans l’aviation l’année dernière ; le sous-lieutenant Nuville, un ex-sous- officier d’infanterie qui, grièvement blessé en combattant à pied et déclaré inapte à son arme, vient de prouver de remarquables aptitudes au combat aérien en abattant son dixième Boche il y a quelques jours. Le lieutenant de Turenne commande une escadrille (…). Le sous-lieutenant Nuville, excellent chef de patrouille, sait manœuvrer le Boche. Il compte neuf avions et une saucisse. » Comprenez par cette dernière expression un ballon captif. Et en août 1918, le Lotois est fait chevalier de la Légion d’honneur.

La guerre terminée, celui qui pensait devenir notaire reste officier d’active. Il commande différentes unités et quand survient la Seconde guerre, il est chef d’instruction au Centre d’Instruction à la Chasse de Chartres. Cependant, des ennuis de santé (crises de « goutte ») ne lui permettent pas, contrairement à nombre de ses camarades, de rejoindre l’Afrique via l’Espagne et d’y poursuivre le combat après l’Armistice. Il est mis en congé du personnel naviguant à l’automne 1940 et admis à la retraite en septembre 1945.

Une liste de conseils en guise de testament

Officier de la Légion d’honneur en 1929, commandeur en 1937, Charles Nuville se retire à Puybrun où il s’éteint en 1965, à 76 ans. Mais à ses jeunes camarades de l’armée de l’air, il laisse un singulier héritage. C’est un catalogue de « Conseils à un pilote de chasse »… On peut le lire dans « Le Piège, la Revue des anciens élèves de l’École de l’air ». Il faut les « appliquer avec les moyens de l’époque » nuance cependant ladite Revue qui a retrouvé le précieux document et l’a publié en 2016… En voici quelques extraits.

« Chasseur, mon frère, 

– Tu appartiens à la plus belle subdivision de la plus noble des armes. N’oublie pas que noblesse oblige.

– L’aviateur est comme la langue, il n’y a pas mieux ou il n’y a pas pire. Sois de la première catégorie.

– Ne bois pas si tu n’as pas soif.

– Pisse avant de partir pour une patrouille de deux heures.

– Le tabac t’écœure, ne fais pas d’effort héroïque pour t’y accoutumer. 

– À l’atterrissage ne te dis pas « avec un peu de chance… » Puisque tu expliques encore le coup, c’est que tu en as eu ta part.

– Si j’osais j’écrirais « la chasse individuelle exige 70 % de cran, 25 % de chance, le reste étant réparti entre le pilotage et le tir ». Mais je n’ose pas.

– Par contre je ne crains pas d’affirmer qu’en patrouille tout est une question de pilotage et de tir. Fais-en ton profit.

– Tu es seul, j’admets une défaillance. À plusieurs tu ne peux pas te « dégonfler ». Tu es Français.

– Tu viens de l’échapper belle! N’est-ce pas qu’il fait bon dans les toiles, ce soir?

– Apprends à virer, apprends à virer, apprends à virer.

– Faire un tonneau ou un looping, enfantin. Mais un virage… On n’a jamais descendu un Boche à coups de tonneaux.

– En pilotage, tu es toujours perfectible.

– Aie pour ton moteur la sollicitude d’une mère poule pour ses poussins ! Il te le rendra au centuple.

– Apprends à virer, apprends à virer, apprends à virer.

« Un viseur… c’est peut-être bien fait pour viser »

– Apprends à tirer, apprends à tirer, apprends à tirer.

– Ton armement est bon, encore demande-t-il quelques soins. Ne laisse à personne la charge de les lui donner. Une Vickers délaissée vous plaque comme une femme.

– Ne tire donc pas au retour sur l’armurier, il fait ce qu’il peut. C’est ta faute, c’est ta très grande faute.

– Les balles traçantes traversent toujours l’avion d’en face. Il n’y a pas d’exemple qu’elles l’aient descendu. Après tout, un viseur… c’est peut-être bien fait pour viser.

– Pour avoir vu, moi intact, l’état de ma carlingue au retour de certains combats, on ne m’ôtera pas de l’idée que les balles ne suivent pas toujours une trajectoire rectiligne.

– Le soleil se lève à l’est, il est au sud à midi, il se couche à l’ouest. Ne te crois pas obligé de ne jamais savoir où tu te trouves. Il n’est pas déshonorant d’avoir un compas sur son avion. Car il est prouvé qu’on faisait erreur, en 1918 : la boussole ne s’affole pas dans les nuages.

– Une carte même, ça peut servir, à condition de ne pas s’asseoir dessus. Méfie-toi, il y a des quantités de gares dont on ne peut pas lire le nom.

– Regarde devant toi, c’est évident, mais regarde aussi et souvent derrière, les chasseurs ne combattent pas à la loyale, ce sont des assassins. »

Ph.M.

Sources : Archives Nationales, site Gallica-BNF, « Le Piège », Revue des anciens élèves de l’École de l’air (n° 226 du 4e trimestre 2016).

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