Auteur d’une obscure missive à son ex 4 ans après une tentative de féminicide, il retourne en prison
Alors que la justice le lui avait interdit, un quinquagénaire était jugé par le tribunal de Cahors pour avoir repris contact avec son ex-compagne qu’il avait poignardée quatre ans auparavant. Par le biais d’une lettre cryptique, il voulait, assurait-il, lui reverser l’argent d’un héritage.
Un anagramme, un code alphanumérique et des paroles du groupe Téléphone, le tout inscrit sur une carte. Il n’en fallait pas plus pour que l’auteur de cette obscure missive envoyée par la Poste soit jugé en comparution immédiate ce vendredi 29 septembre devant le tribunal de Cahors, après une mobilisation massive des forces de l’ordre pour lui mettre la main dessus. Si l’urgence de la situation peut sembler démesurée au vu des faits, elle apparaît justifiée à la découverte du passé glaçant qui lie l’homme de 55 ans et la destinataire de la lettre.
Les deux se connaissent en effet depuis longtemps : ils ont été mariés pendant 16 ans et ont une fille. Progressivement, la violence s’était immiscée dans leur relation. Aux gendarmes, elle raconte qu’il l’avait coupée de tout le monde et avait même tué leur chien. En novembre 2019, il l’agresse, la frappe, lui administre des coups de poing et de pied et finit par lui planter trois coups de couteau dans le ventre. Gravement blessée, la femme parvient à s’enfuir avec sa fille qui s’était réfugiée dans les toilettes. Trois jours plus tard, l’homme est hospitalisé sous contrainte puis mis en examen pour tentative de meurtre. Écroué en maison d’arrêt suite à un mandat de dépôt en novembre 2020, il est finalement jugé irresponsable pénalement. En janvier 2021, il est donc remis en liberté avec interdiction de contacter la victime et de détenir une arme pendant dix ans. Le 20 septembre dernier, alors qu’elle était sans nouvelles de sa part depuis l’agression, son ex-compagne reçoit la fameuse lettre contenant de mystérieuses inscriptions et dépose plainte immédiatement. Le prévenu est retrouvé quelques jours après dans le Lot, où il séjourne depuis sa sortie de détention. En garde-à-vue, il assure lui avoir envoyé cette carte car, ayant touché un héritage, il souhaitait le partager avec elle pour réparer les torts qu’il lui avait causés.
Dans le box des accusés, les explications du prévenu ne sont pas bien plus claires. « Dans la lettre vous ne faites pas état de votre volonté de lui donner de l’argent », note la présidente du tribunal. Le prévenu contredit : « j’ai écrit « RIB ou fruit gras ? » ». Après plusieurs tentatives de clarification, on comprend que l’inscription signifie : « Veux-tu l’argent par virement bancaire ou via un avocat ? ». La signature de la lettre est en fait l’anagramme de son nom. Quant au code alphanumérique, il était censé symboliser sa résilience. « C’est mon ex-femme qui nous a appris, ma fille et moi, à faire des anagrammes. C’est une tradition familiale. J’ai décidé de lui envoyer ce courrier dans un langage que nous partagions. On avait l’habitude de faire des tests de QI comme d’autres personnes jouent aux cartes. Elle vient d’une famille de francs-maçons. Toute cette mystique c’est elle qui me l’a apprise », assure l’homme. Et de poursuivre : « C’est une petite-fille de résistants, un réseau auquel j’appartiens aussi. On baignait dans une sphère d’intellectuels un peu occulte ».
Si ses paroles semblent tout aussi occultes, l’expertise psychiatrique en donne un nouvel éclairage. Celle-ci relève en effet chez l’homme « des troubles psychotiques », « un délire à tonalité mégalomaniaque », « des théories fumeuses » et « un excès d’optimisme », ajoutant que le prévenu « se considère comme un savant ». Celui-ci se dit d’ailleurs magnétiseur et naturopathe, compte ouvrir une maison d’édition et assure lui-même son suivi psychologique au sein d’un groupe de thérapeutes non reconnus.
« Dans le cadre de ce discours uniquement centré sur vous, vous n’avez eu aucun mot sur les répercussions qu’a pu provoquer ce courrier sur votre ex-compagne. Aux yeux de la justice et de la société, vous avez voulu tuer votre femme, il y a eu tentative de féminicide ! Le simple fait de recevoir ce courrier a fait remonter à la surface ce moment traumatique pour elle », s’insurge le procureur qui requiert un an d’emprisonnement dont six mois assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant cinq ans. Pour l’avocat de la défense Me Brullot, « c’est très au-delà du raisonnable ! Il a commis une tentative de meurtre, il a été jugé irresponsable et on l’a laissé dehors. Aujourd’hui, on veut le mettre en prison pour avoir voulu donner 9 000 euros à son ex-femme. Il est fragile, il a besoin d’être soigné, pas d’être mis en prison ».
Pourtant, le tribunal, estimant qu’un temps derrière les barreaux est nécessaire pour mettre en place ce suivi psychiatrique, le condamne à dix mois d’emprisonnement dont six assortis d’un sursis probatoire pendant trois ans et d’une obligation de soins. L’homme est maintenu en détention.