Au musée de Cahors, « on trouve tout » (comme à la Samaritaine)
A quelques semaines de l’inauguration du musée après rénovation, feuilletons le premier catalogue édité en 1883.
Créé en 1833, le musée de Cahors (qui ne s’appelait pas encore « Henri- Martin ») n’a édité son premier catalogue qu’en 1883. Parcourir ce document (heureusement facilement disponible sur Internet) est un petit plaisir en soi. On y déniche quelques morceaux de bravoure comme le règlement intérieur :
« Article I. Le Musée sera ouvert au public le dimanche et les jours de fête, de 2 heures à 4 heures. Art. II. Les étrangers de passage à Cahors seront admis à visiter le Musée tous les jours, de 10 heures à 4 heures, à la condition d’être accompagnés d’un des membres de la Commission ou du gardien du Musée. Art. III. Les cannes, les parapluies, les ombrelles, etc., devront être déposés à l’entrée des salles. Il sera perçu, au bénéfice du Musée, un droit de cinq centimes sur chaque objet. Art. IV. Il est interdit, sous peine d’exclusion : 1° De fumer dans les salles du Musée ; 2° De s’appuyer sur les vitrines ; 3° De toucher aux objets exposés. Art. V. L’entrée du Musée est interdite : 1° Aux enfants au-dessous de l’âge de quinze ans qui ne seraient pas accompagnés.2° Aux personnes en état d’ivresse. »
On apprend en guise d’introduction l’histoire originelle de l’établissement, qui fut ballotté en différents lieux (bibliothèque du lycée, mairie) avant de trouver sa place dans les annexes du palais épiscopal concordataire, rue Zola, où il occupa finalement l’ensemble du site. C’est aussi en 1883 que fut nommé par l’État sur proposition de la mairie son premier conservateur, Monsieur Cyprien Calmon, sculpteur et professeur à l’école municipale de dessin.
> Un inventaire à la Prévert
Reste à examiner le catalogue lui-même, qui recense tout simplement l’ensemble du fonds proposé aux visiteurs. Dans l’esprit de l’époque, et de celui des lois liées à l’Instruction publique et à la diffusion des connaissances au plus grand nombre, aucun domaine du savoir n’est oublié. Certes, les Beaux-Arts sont en tête de gondole, passez-nous l’expression. Mais le reste est exhaustif et sur 80 pages, ressemblerait presque à un inventaire à la Prévert. Au gré des salles et des vitrines, tous les domaines sont réunis. La couverture même dudit catalogue le résume : « CATALOGUE DU MUSEE DE CAHORS RÉDIGÉ PAR LA COMMISSION D’ORGANISATION DU MUSÉE / Peinture – Sculpture – Dessins – Gravures – Numismatique – Armes – Histoire naturelle – Céramique – etc. / PRIX: 75 CENTIMES / CAHORS – IMPRIMERIE DE A. LAYTOU, – RUE DU LYCÉE, 34-36 -1883. ».
L’ensemble comprend des dons de l’État et de quelques institutions mais est surtout le fruit de collections réunies par des scientifiques et des érudits locaux, des amateurs de numismatique comme des géologues ou des entomologistes, professionnels ou bénévoles passionnés. Ouvrons le livre et entrons dans la première salle.
« Peinture.
1. ROBERT-FLEURY (Tony). – Les Danaïdes. (Don de l’Etat. 1875.)
2. DE PUJOL (Abel). – Sisyphe roulant son rocher. (Don de l’Etat.)
3. P. P. RUBENS (copie d’après). – Mars partant pour la guerre. (Don de l’Etat.)
4. DELACROIX (Henri-Eugène). – Les Anges rebelles.(Don de l’Etat.)
5. VAN-DER-BURGH. – Campagne romaine. Paysage. (Don de l’Etat.)
6. AUTEUR INCONNU. – Portrait de M. Bailly, premier préfet du Lot.
7. BRUNE (A.). – Joseph le Nègre. (Don de l’Etat.)
8. PRUD’HON (CH. L. MOUGEY, d’après). – Le Christ en croix.
9. MORO. – Portrait de Philippe II, roi d’Espagne. (Don de l’Etat.)
10. LEMAN (Jacques). – Les Consuls de Cahors protestant contre la prise de possession de la ville par Jehan Chandos. (Episode de la guerre de Cent ans.)
11. AUTEUR INCONNU (Ecole Byzantine). – Tombeau de St Spiridion, évêque de Trémithonte en Chypre, au IVe siècle. (Don de l’Etat.)
12. LAGRENÉE. – Femmes au bain. (Don de l’Etat.)
13. AUTEUR INCONNU.- Femme lisant. (Don de M. le docteur CH. CAVIOLE.)
14. AUTEUR INCONNU. – Buveurs. (Don de M. le docteur CH. CAVIOLE.)
15. PLANAVERGNE. – Portrait de M. Comté, ancien député et ancien maire de Cahors. (Pastel.)
16. PLANAVERGNE. – Portrait de l’auteur. (Don de M. Planavergne.)
Sculpture.
1. H. ICARD. – Gilliat vainqueur de la Pieuvre. – Plâtre. (Don de l’Etat).
2. USINE DE FUMEL (Lot-et-Garonne). – Buste de M. Gambetta. – Fonte de fer. (Don de M. PAUTARD, directeur de l’usine.)
3 USINE DE FUMEL (Lot-et-Garonne). – Buste de Mirabeau. – Fonte de fer. (Don de M. PAUTARD, directeur de l’usine.)
4. CLESINGER (moulage d’après). – Buste de la République Française. – Plâtre.
5 Fragment de pilastre aux armes du Chapitre de l’église Cathédrale de Cahors, portant la date de 1626. – Pierre.
6. Fragment de statue. – Pierre. – XVe siècle.
7. Panneau portant des armoiries sculptées. – Pierre.
8. Buste d’homme, provenant du château d’Assier (Lot). XVIe siècle.
9. Eve. – Fragment de statue polychromée. – Pierre.
10. St Paul, apôtre. – Fragment de statue. – Pierre.
11. Fragment de bas-relief représentant un évêque. – Pierre.
12. La Ste Vierge assise tenant l’enfant Jésus sur ses genoux. – Fragment de statue. – Pierre.
13. Chapiteau, provenant de l’abbaye de Marcilhac (Lot), ordre de St Benoît. – XIIe siècle. – Pierre.
[…] 26. Fragment de bas-relief.- Marbre blanc. – Epoque Gallo-Romaine. (Don de M. V. FICAT.)27. -Chapiteau, provenant de l’église de St-Cernin de Thézels (Lot). – Marbre blanc. – Epoque Gallo-Romaine.
28. Pierre sculptée, portant les armes de Monseigneur Antoine II Alamandi, évèque de Cahors, de 1477 à 1493. (Don de la Société agricole et industrielle du Lot.) »
> Même des dents d’animaux
Viennent ensuite, dans le musée d’alors comme dans le catalogue – ou inversement, les gravures puis les sections (salles ou vitrines) consacrées aux thématiques suivantes : géologie, minéralogie, histoire naturelle, objets des temps préhistoriques, objets d’époque romaine, objets d’époque Renaissance, collection de la Société des Etudes du Lot, céramique antique, numismatique (ancienne, moderne et monnaies étrangères), coquilles, conchyliologie… On mentionnera enfin des œuvres et objets prévus pour être mis en valeur dans le vestibule de la mairie mais appartenant au fonds du musée : un four à poterie trouvé dans les fouilles exécutées en 1876 sur l’emplacement des nouvelles casernes d’infanterie (Epoque Gallo-Romaine), un couvercle de sarcophage en marbre blanc (Epoque Gallo-Romaine), un linteau en marbre blanc portant sculpté le mono-gramme du Christ provenant de l’ancienne église de Saint-Cernin de Thezels et un cippe gravé sur ses deux faces provenant de l’église de Pern. On vous a épargné évidemment les exemples de craie provenant de région parisienne ou les dents d’animaux. Car on trouvait tout, ou presque, décidément, au musée de Cahors en 1883 !
Ph. M.
Source : site Gallica-Bnf.
Photo: L’entrée de l’ancien palais épiscopal concordataire rue Zola, devenu musée