Affaire Benalla : Les impressions d’Aurélien Pradié
Le député du Lot est membre de la commission d’enquête.
Membre de la commission des lois de l’assemblée nationale, Aurélien Pradié est le seul parlementaire lotois à siéger au sein de la commission d’enquête. Il revient sur les 20 heures d’auditions auxquelles il a participé.
« Ce fut un travail dense qui impose une grande rigueur et une grande méthode. A mes yeux, il est sain en démocratie que les parlementaires puissent jouer leur rôle de contrôle et de rééquilibrage des pouvoirs de l’exécutif. Le cœur de cette affaire n’est pas de faire du blocage politicien, mais bien de faire éclater une vérité qui nous est cachée. Un député n’est pas aux ordres du pouvoir présidentiel. Un Député représente le peuple et à ce titre a la responsabilité de donner des limites aux excès et dérives du pouvoir. Nous sommes des vigies de la démocratie. Cette commission d’enquête a permis de rappeler au président et ses proches que tout ne leur était pas permis. Il faut aussi rappeler que si cette Commission a vu le jour c’est à force d’insistance de toutes les composantes de l’opposition. Au départ, la majorité ne voulait pas de la commission. Il a également fallu se battre pour obtenir que les auditions soient publiques. Les députés de la majorité voulaient un huit clos, sans transparence. » précise le député avant de dénoncer les nombreuses zones d’ombre qui perdurent : « Lors des auditions, nous avons mis le doigt sur des zones d’ombre et beaucoup d’incohérences et de mensonges qui démontrent que M. Benalla a été protégé par le pouvoir. C’est donc bien une affaire d’Etat. Par exemple, Monsieur Benalla portait une arme manifestement illégale. Il lui était attribué un grand nombre de privilèges comme une voiture de fonction avec gyrophare et plaque, un appartement au Quai Branly, un salaire mensuel très élevé. Personne n’a été capable de préciser la mission exacte de cet individu : Christophe Castaner, porte-parole, a annoncé qu’il était bagagiste, d’autres disent qu’il est chargé de la sécurité, d’autres disent conseiller politique. Comment un individu comme celui-ci, qui n’a aucune fonction politique, peut avoir par exemple un badge d’accès à l’Assemblée Nationale ? Cela pose de vraies questions. Quelles informations a-t-il obtenues en circulant discrètement dans les locaux de l’assemblée ? Il s’agit en fait d’une atteinte claire à la séparation des pouvoirs et c’est une chose grave. »
Et de conclure sur la situation actuelle : « « La République exemplaire clamée depuis des mois par le président et ses amis s’est effondrée du jour au lendemain. C’est désormais la République des privilèges et des copinages. Ma mission de député est de ne pas laisser passer une affaire aussi grave. Etre parlementaire, c’est être gardien de la démocratie. Cette dernière a de nouveau été mise à mal avec le refus de la part de la majorité d’auditionner les proches du président de la République. Je comprends que les députés de la majorité soient fidèles au président, mais la fidélité ce n’est pas la soumission et l’aveuglement de marionnettes. Un député doit rester libre. J’ose espérer que le gouvernement ne fera pas porter le chapeau à la police ou à la gendarmerie qui, eux, font un travail remarquable et exemplaire. C’est au politique d’assumer et de ne pas se dérober face à ses responsabilités. En démocratie, il faut veiller à ne pas s’habituer peu à peu aux dérives du pouvoir. »