Sophie Sarraute a demandé le « retrait » d’un ouvrage qui devait être lu par des centaines de collégiens et lycéens.
Il n’y aura pas d’édition 2025 du prix Anne Ténès : organisé par l’association Désir de Livres, il devait couronner un ouvrage lu et étudié en classe par quelque 300 élèves de troisième et seconde scolarisés dans le département (à Souillac, Martel, Cahors…) Les organisateurs protestent contre la décision de la Directrice des services de l’Education nationale dans le Lot (DASEN), Sophie Sarraute, de retirer de la sélection le roman « Boa » d’Anne-Sophie Jacques, paru aux éditions Dalva. Motif invoqué dans un courrier adressé fin septembre aux chefs d’établissement dont des enseignants et des classes participaient au concours : « Certains passages de l’ouvrage ne semblent pas adaptés à l’âge des lecteurs concernés. Le risque de polémiques, notamment dans le contexte de mise en œuvre d’EVARS (Éducation à la Vie Affective et Relationnelle et à la Sexualité) apparaît trop important et pourrait éclipser le sens même du prix et son rayonnement. (…) Nous avons donc estimé préférable de retirer cet ouvrage de la sélection, afin de préserver l’équilibre, la crédibilité et la dynamique positive autour du prix Anne Ténès. (…) Dans un souci de vigilance et afin d’éviter que ce type de situation ne se reproduise, il est désormais convenu que les choix du comité de sélection devront être validés en amont (NDLR : par les services académiques). »
Depuis, l’association organisatrice, mais aussi la maison d’édition et l’auteur elle-même évoquent « une forme de censure » qui serait motivée par la crainte de réactions provenant notamment de mouvements « d’extrême-droite » s’opposant aux objectifs d’EVARS, comme l’explique le site ActuaLitté (qui a modifié son premier article au vu des explications de la DASEN). Le site qui a consacré un long dossier à l’affaire a publié le fac-similé des extraits susceptibles d’avoir posé problème. En l’espèce, la romancière y décrit avec délicatesse une scène d’initiation amoureuse entre deux jeunes femmes. D’où ce commentaire de l’éditeur, toujours rapportée par ActuaLitté : « À l’heure où toutes les études prouvent que, loin des classes et des validations parentales, les adolescents sont exposés de plus en plus tôt et de plus en plus souvent au contenu pornographique, ne pourrait-on considérer qu’un roman qui parle de femmes actrices de leur plaisir et vivant leur sexualité dans le consentement et la joie serait un juste contrepoint aux discours accessibles en ligne ? »
Ce mercredi 3 décembre 2025, alors que « l’affaire » fait l’objet de posts sur les réseaux sociaux, notamment de parlementaires (non lotois), où il est dénoncé « un acte de censure », la DASEN Sophie Sarraute a souhaité apporter des précisions. Elle se dit au demeurant victime d’une campagne de dénigrement en ligne. « Je suis d’autant plus surprise par le fait que certaines plateformes ou organisations utilisent encore le terme de « censure » qu’une proposition a été formulée que le livre en question puisse concourir l’année prochaine ! »
En fait, la « patronne » de l’éducation nationale dans le Lot pointe surtout un manque de communication et des dysfonctionnements dans les modalités de sélection. « C’est une enseignante en découvrant le contenu de l’ouvrage qui a donné l’alerte. Preuve s’il en est que les professeurs concernés ne sont pas assez associés au choix des livres appelés à concourir. Ce prix fait partie des nombreuses initiatives auxquelles nous nous associons pour soutenir et encourager la lecture. Mais nous devons également être attentifs à ce que ne naissent pas des incompréhensions. Nous devons anticiper pour que les choses se déroulent dans un cadre apaisé, vis-à-vis des professeurs, des élèves, des poarents. » La DASEN rappelle au demeurant que dans le passé, un livre qui narrait une scène de viol avait été sélectionné, mais qu’un travail préparatoire en amont avait pu être réalisé.
Pour l’heure, l’édition 2025 du prix demeure annulée. Et la suggestion que certains passages jugés sulfureux soient ôtés du livre à l’origine de l’affaire a été rejetée.
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