Bruno F., 55 ans, comparaissait ce jeudi 25 septembre 2025 pour homicide involontaire et usage de stupéfiants après avoir tué accidentellement un ami lors d’une battue, le 23 février dernier à Lamothe-Cassel.
« Je n’ai pas respecté mon angle de tir, c’est une certitude. » À la barre du tribunal de Cahors, le chasseur expérimenté, père de deux filles, reconnait sa responsabilité : ce tir de carabine, quelques mois plus tôt, a ôté la vie à l’un de ses compagnons de chasse.
Les faits remontent au 23 février 2025. Ce jour-là, après un repas pris entre chasseurs, la battue reprend. Posté à la lisière d’un bois, Bruno F. aperçoit deux sangliers, tire à deux reprises sur le premier, puis réoriente son tir vers le second pour sa troisième balle. C’est celle-ci qui atteint mortellement un autre chasseur, posté près de la route, à 226 mètres de distance. Touchée au visage, la victime s’effondre sous les yeux de son fils.
L’accident, selon les enquêteurs, résulte d’un manquement aux règles élémentaires de sécurité. La réglementation interdit formellement de tirer en direction des habitations, chemins et voies ouvertes à la circulation. « L’angle de tir, c’est la règle de sécurité la plus importante », a lui-même déclaré Bruno F. aux gendarmes lors de ses auditions.
Chasseur depuis 19 ans, habitué à la bécasse et au petit gibier, formé comme chef de battue, le prévenu est apparu comme un homme aguerri. Mais ses explications ont varié au fil des auditions. Dans un premier temps, il assure avoir tiré dans une autre direction. Puis il reconnaît avoir orienté son arme vers la route, avant d’admettre s’être écarté de son angle de tir. Il parle d’un « tir fichant », orienté vers le sol, rendant selon lui impossible de toucher quelqu’un : « Peut-être que la balle a ricoché sur un caillou », avance-t-il encore.
Les experts rappellent qu’une ogive de ce calibre peut parcourir 3 à 4 kilomètres à une vitesse de 1 000 mètres par seconde. Selon eux, la balle était intacte au moment de l’impact, ce qui exclut l’hypothèse d’un ricochet sur un caillou. En revanche, ils n’écartent pas la possibilité qu’elle ait d’abord heurté le sol avant d’atteindre la victime.
Autre élément accablant : le matin du drame, le prévenu avait fumé du cannabis. Les tests toxicologiques le confirment. « Il m’arrive d’en consommer mais je n’ai pas d’addiction », assure-t-il. À l’audience, il balaie l’idée d’une influence : « Je n’ai jamais vu des sangliers volants parce que j’ai fumé trois lattes sur un joint. » Il reconnaît également avoir utilisé une carabine non déclarée, encore en cours d’acquisition.
Le prévenu et la victime se connaissaient bien. « C’était un très bon copain », répète le prévenu, qui raconte ne pas avoir immédiatement compris ce qui s’était passé. Parti changer d’arme à sa voiture, il affirme avoir entendu des cris sans les associer à un accident. « J’ai vu passer les pompiers, puis les gendarmes… C’est là que j’ai compris que c’était un accident de chasse », se souvient-il.
À la barre, la douleur des proches éclate. L’épouse a la voix tremblante : « J’ai l’impression d’avoir été percutée par un camion. J’aurais voulu partir avec lui ce jour-là. On ne vit plus, on survit. » Elle lit aussi les mots de leur fils âgé de 10 ans : « Ma vie a changé, je vais moins bien qu’avant. » Le frère de la victime reproche quant à lui au prévenu d’avoir d’abord laissé planer le doute sur la responsabilité d’un autre chasseur. La famille demande un renvoi sur intérêts civils. Leur avocat, Me Mazars, insiste : « Une chape de malheur s’est abattue sur cette famille. Ce drame est le résultat d’une série d’erreurs et d’un non-respect total des règles élémentaires de sécurité. »
La Fédération départementale des chasseurs, qui se constitue également partie civile, insiste sur la nécessité de ne pas généraliser : « Ce drame ne doit pas devenir le procès de toute la chasse. Mais les règles doivent être respectées en toutes circonstances. » Elle sollicite 1 000 euros au titre du préjudice moral, destinés notamment à renforcer la formation sur la sécurité. À l’inverse, l’assurance du prévenu souligne un « défaut de formation généralisé », et s’étonne que la fédération vienne réclamer un préjudice moral.
Pour le ministère public, le dossier repose sur deux manquements majeurs : le non-respect des règles de sécurité et l’absence de maîtrise de soi. La substitut du procureur rappelle que la saison 2024-2025 a déjà connu 94 accidents de chasse, dont 10 mortels : « Il vaut mieux laisser passer un sanglier que de tuer un homme. » Et d’ajouter : « Quand on tient une arme capable de tuer à trois kilomètres, on ne peut pas se permettre d’avoir fumé du cannabis. »
Elle requiert 30 mois de prison, dont 18 mois avec sursis probatoire pendant deux ans, une obligation de soins et le retrait définitif du permis de chasse : « La seconde chance ne doit pas s’appliquer en matière de chasse. »
Du côté de la défense, Me Faugère dénonce des réquisitions disproportionnées : « La justice, ce n’est pas de faire plaisir aux victimes. Mon client a commis une infraction, certes, mais pas celle que l’on décrit. L’expertise balistique dit qu’il s’agissait bien d’un tir fichant et que le ricochet est possible. C’est dramatique, mais c’est de la malchance. » Il rappelle aussi que d’autres chasseurs avaient consommé de l’alcool lors du repas, sans que cela n’ait retenu l’attention.
Le tribunal rendra sa décision le 23 octobre 2025.





