Sibelle et la longue nuit américaine
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Je suis comme tout le monde, ou presque. Je suis fasciné par l’Amérique mais je ne comprends rien aux Américains. Je parle des habitants des Etats-Unis, bien sûr. Je suis comme tout le monde : j’apprécie le jazz et le rock qui sont nés là- bas, j’ai dans ma bibliothèque quelques livres choyés de romanciers new- yorkais, californiens, texans, ou issus de je ne sais quel état du Middle West, et gamin, je rêvais en regardant des westerns ou en parcourant des comics. Je sais tout ce qu’on doit à l’Amérique, je suis stupéfait par la splendeur de ses paysages et l’incroyable génie de ses scientifiques. Mais voilà. C’est ainsi : il y a quelque chose qui m’échappe définitivement dans ce qu’on appellera pudiquement la psychologie des Américains.
« Et encore, tu as la gentillesse de ne pas évoquer le système électoral qui régit la désignation de leur président » glisse Sibelle, les yeux écarquillés à force de fixer l’écran de la télé et qui confond désormais la télécommande avec la calculatrice à force de compter et recompter le nombre de grands électeurs ici ou là, et finalement à bout de forces… à force d’attendre le résultat. Ces lignes sont écrites vendredi matin. Et le verdict est toujours indécis. La balance semble pencher de plus en plus vers Joe Biden mais Donald Trump ne semble pas du genre à se laisser faire.
« Il me fait penser à ces gens qui refusent toujours d’admettre en 2020 que la terre est ronde… » remarque ma protégée féline. Certes. Mais le pire, c’est que je serais un peu pris de court si tout à trac, on venait à me demander de le prouver. « La terre est ronde. Ben oui. Montez dans une fusée et vous verrez que c’est vrai. »
Il faut convenir que les autres pages ou séquences des journaux télé, radio, papier ou web ne sont pas plus rigolotes. C’est un euphémisme. Le virus continue de circuler (il n’a pas besoin d’attestation, lui) et les services hospitaliers constatent, y compris dans notre Quercy, que la seconde vague se révèle plus terrible que la première. On confine, on reconfine, et au final, là encore, d’autres chiffres et d’autres tableaux statistiques qui n’ont rien d’électoraux nous rappellent chaque jour que l’on s’enfonce un peu plus.
Alors, en milieu de semaine, j’ai fini par arracher quelque temps Sibelle des chaînes d’info en continu pour tenter de me distraire : il y avait des matches de coupe d’Europe (on dit Champions League maintenant). On a vu mieux pour se remonter le moral. Marseille a sombré à Porto, Rennes s’est fait voler à Londres (face à Chelsea) et même Paris a baissé pavillon à Leipzig. Circulez, y’a rien à voir. Enfin si. Dans ces stades immenses désormais immensément vides, les joueurs des clubs français, comme désemparés, ont constaté, et nous avec, à quel point le football hexagonal est encore loin, terriblement loin, du niveau de celui de nos voisins ibériques, anglais, allemands. Les victoires en coupe du monde sont des leurres.
Pour le moins désemparé, j’ai surfé un peu sur Internet, et j’ai, enfin, été récompensé. Je ne suis pas seul à défendre contre vents et marées que vivre avec un chat est un atout précieux. Dans la bonne ville de Montpellier, Christine Xavier exerce une profession encore trop méconnue : « comportementaliste et spécialiste de la relation homme-chat » (sic). Son plaidoyer : « Les chats qui entrent dans nos vies n’y entrent pas par hasard et la vie avec eux devient magique quand on apprend à les connaître. Quand la relation s’installe et qu’on est attentif à eux, nos chats peuvent s’avérer être de formidables guides bien-être (voire même guides spirituels). Ils nous aident au quotidien, nous apaisent, nous font rire. Et au-delà de ces impacts généraux, ils peuvent vraiment nous aider en profondeur à mieux nous connaître et peuvent nous accompagner dans notre évolution personnelle et notre chemin de vie. »
Du coup, elle propose un programme de formation en ligne d’une durée d’un mois avec cet objectif : « Redécouvrir à quel point leur aide (celle des chats, NDLR) est précieuse dans la découverte de vous-même et vous amener par des activités simples à vous reconnecter pleinement à qui vous êtes au fond de vous, à vos besoins, pour vivre votre quotidien avec plus de conscience et de légèreté, plus d’ancrage en vous-même et plus d’ouverture à ce que vous méritez vraiment. » Bon, un détail quand même. Il vous en coûtera la modeste somme de 150 euros. « Tu devrais changer de métier » sourit Sibelle, avant de replonger dans sa longue nuit américaine.