Sibelle et les Grands Projets du Grand Cahors
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« C’est vraiment incroyable. J’ai un don… Je vais pouvoir ouvrir un cabinet de voyance ! » Sibelle en est tourneboulée. Pour une fois, j’admets qu’elle n’exagère pas. Jugez plutôt. Tout a commencé par cette chronique évoquant les répercussions en France de la vague d’émotion qui suivit la mort de George Floyd aux USA : Sibelle expliquait qu’elle ne souhaitait pas que l’on en vienne à déboulonner des statues de Gambetta en raison de ses opinions plutôt favorables à l’expansion coloniale. Le lendemain ou presque, un buste de notre cher Léon était arraché de son socle dans le Lot-et-Garonne. Il y a deux semaines, nouvelle chronique dans laquelle Sibelle dit son espoir que le gouvernement comprenne un ministre lotois. Et hop : pourtant déjà aux affaires sous Edouard Philippe (avec le portefeuille de la Ville et du Logement), la nomination de Julien Denormandie à l’Agriculture provoque une pluie de réactions dans le département, où l’on se souvient soudain que l’intéressé est né à Cahors… Le week-end dernier, enfin, tandis que les premiers touristes prennent leurs quartiers dans la région, Sibelle raconte être allée goûter aux joies du farniente sur la plage de Catus.
Et qu’apprend-on quelques jours plus tard ? Le nouvel exécutif de la communauté Grand Cahors comprend depuis mercredi un conseiller délégué en charge de « l’attractivité du pôle de loisirs du Lac Vert et de la valorisation des chemins de randonnées ». Il s’agit au demeurant du maire de la localité, Olivier Liard. C’est donc, vous l’imaginez, avec la plus vive circonspection qu’avec ma chère protégée féline, nous avons étudié quel sujet traiter aujourd’hui ! Passant en revue l’actualité lotoise, nous avons pesé le pour et le contre au fil des brèves et articles mis en ligne sur notre site d’information préféré. Et c’est évidemment Sibelle qui a eu le dernier mot.
« Puisque nous évoquions le Grand Cahors, restons-y. » Et ma tigresse d’être plus explicite : « S’il m’avait été donné de choisir un domaine de compétence, je crois que j’aurais opté pour celui qui a été attribué à l’ancien préfet Jean-Luc Marx, qui, comme au sein de la municipalité de Cahors, se retrouve, au sein de l’intercommunalité, en charge des Grands Projets. Voilà qui a de la gueule, non ? Ah je m’imagine, chaque matin, faire mon entrée dans l’hôtel communautaire, et me diriger d’un pas léger mais décidé vers mon bureau, sur la porte duquel serait apposée une plaque logiquement ainsi libellée : Bureau des Grands Projets. J’imagine aussi le visage grave et un tantinet dubitatif des agents, s’interrogeant, une fois ladite porte refermée : « Mais ça consiste en quoi, ces Grands Projets ? » Car je serais évidemment la seule, avec le président bien sûr, à connaître le contenu de la clé USB renfermant sous forme de documents numériques soigneusement cryptés, l’impressionnant listing et le détail de ces dossiers hautement sensibles… »
C’est alors que je me suis demandé jusqu’à quel point ma protégée dissertait sérieusement, ou si elle commençait à douter, voire ironiser, sur cet intitulé il est vrai encore peu commun dans nos collectivités. Parce que les finances, les ordures ménagères ou encore la voirie, tout cela, c’est très concret. Mais les Grands Projets ? « Ce peut être aussi très concret, rassure-toi » a rétorqué Sibelle. « Rien à voir avec l’éphémère ministère du Temps libre créé en mai 1981 suite à l’élection de François Mitterrand. Non. Il s’agit d’esquisser de nouveaux horizons pour notre Grand Cahors, des perspectives de développement afin de structurer le territoire et de fédérer les énergies au service d’axes majeurs et parfois transversaux. » Certes.
Et quel serait alors le premier de ces Grands Projets ? Là, Sibelle a semblé prise de court. Puis, se remémorant de récentes lectures piochées ici ou là dans la presse sérieuse – autrement dit la presse nationale, celle qui explique qu’aux yeux de nos gouvernants, par exemple, le mot « territoires », c’est quand même plus crédible que le mot « provinces » _, ma belle féline a été plus précise. « Le premier de ces Grands Projets serait de créer une Commission des Grands Projets qui établirait un calendrier de réunions de réflexion et de consultations citoyennes pour préciser les axes préférentiels et les moyens à déployer pour définir et mettre en œuvre les prolégomènes d’une politique volontariste dédiée à cette question centrale. » J’ai opiné du chef. Il ne faut pas contrarier les hérauts de la modernité. Ni les énarques.
Et j’ai évité d’en rajouter, car dans la vraie vie, soyons justes, le vice- président Jean-Luc Marx a également la responsabilité de « l’aménagement, du tourisme, des politiques contractuelles et des ressources humaines ». « Ça en fait, des clés USB contenant autant de dossiers sensibles » a soupiré Sibelle.