Sibelle et le retour des choses sérieuses
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Nouvelle étape dans le déconfinement : encore un peu de patience et nous pourrons, avec Sibelle, boire de nouveau un verre en terrasse, en centre-ville de Cahors, ou à l’ombre des platanes, sur la place de ce village où nous avons nos habitudes, sur la route de Gourdon. Le plaisir toutefois risque d’être de courte durée : ma chère protégée féline est en effet très préoccupée.
« Pas question de télécharger l’application Stop Covid ! Je tiens à mon indépendance, à ma liberté, je ne veux pas que les autorités aient accès à mes données. J’ai déjà assez de mal avec les puces, les vraies, pour ne pas accepter que mon smartphone en devienne une autre, qui m’espionne 24 heures sur 24… »
J’ai essayé de lui expliquer que sans être un spécialiste, je trouvais ses craintes un peu exagérées. Primo, mais vous imaginez que ce premier argument fut vite balayé d’un revers de patte, j’ai indiqué à ma tigresse domestique que les chats, a priori, n’étaient pas concernés (ni par la maladie, ni par cette application). Secundo, j’ai suggéré que le gouvernement, dans notre pays comme ailleurs, disposait sans doute de bien d’autres moyens pour nous « surveiller » si telle était son intention. Tertio, j’ai avancé que si cet outil pouvait, le cas échéant, prévenir des contaminations et d’éventuelles complications sévères, l’affaire méritait mieux qu’une réaction épidermique. Quarto, et cette fois j’ai insisté en prenant une voix plus grave, j’ai rétorqué à ma rebelle mais fidèle féline que de toute façon, nos données, elles sont déjà quotidiennement enregistrées, localisées, analysées et revendues par les géants du web. Qui n’ignorent rien de nos contacts sur les réseaux sociaux, des sites que nous consultons, des images que nous téléchargeons.
« Par quel hasard crois-tu que depuis que j’ai fêté mes 50 ans, je reçois quotidiennement des courriels publicitaires personnalisés m’invitant à utiliser le shampooing Trucmuche qui prévient la chute des cheveux, à investir dans une salle de douche sécurisée au lieu de risquer de mourir noyé dans ma baignoire, à installer pour une somme modique (comportant quand même au moins quatre chiffres) un monte-escalier ? Par quel miracle, sur Facebook, les pubs sponsorisées correspondent à des produits ou des marques dont j’ai consulté les sites quelques heures plus tôt ? Idem pour les bannières de la page d’accueil de mon fournisseur d’accès? Quitte à être surveillé, pisté, espionné, n’est-il pas préférable de l’être pour une bonne cause et par un gouvernement d’un pays toujours démocratique et lui-même encadré par des contre-pouvoirs que par une société privée ? Je dis ça, je dis rien. Je m’interroge… »
Mes arguments n’ont eu aucun effet sur Sibelle, trop heureuse d’enfiler son costume d’empêcheuse de penser en rond qui a fait d’elle l’égérie des matous du quartier ! Et d’ailleurs, d’autres sujets la passionnent. Signe que nous sortons du tunnel, la politique, la vraie, effectue son grand retour. Les maires et leurs adjoints qui n’ont eu besoin que d’un tour en mars ont enfin été installés et posent dans la presse, banderoles tricolores ceintes, sur les perrons des hôtels de ville, avant d’entamer enfin le plus noble des mandats (comme le répètent souvent d’ailleurs ceux qui ont vite fait d’en collectionner d’autres). Et l’on se prépare, ailleurs, au second tour fixé fin juin. Là, je partage plutôt l’avis étonné de ma protégée : « Bizarre que le conseil constitutionnel ne trouve rien à redire à cette campagne où l’on va devoir avancer masqué pour convaincre les électeurs, sans pouvoir tenir vraiment meeting, et sans ce qui fait le sel, que dis-je, la noblesse et le charme d’une bataille électorale : la distribution des poignées de main ! »
Un ultime indice, enfin, qu’a repéré cette sacrée Sibelle : preuve que la vie reprend doucement mais sûrement son cours normal, à Marseille, les tournages du feuilleton « Plus belle la vie » ont repris. « On ignore encore si les scénaristes ont imaginé qu’un nouveau personnage y tienne désormais un rôle clé : l’entraîneur de l’OM André Villas-Boas dit AVB ou le professeur Raoult, par exemple… » persifle ma tigresse, décidément en forme.