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Sibelle et la machine à coudre


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

C’était mercredi. A peine 9 heures. Coup de sonnette. Je suis encore sous la douche. Je me précipite après avoir enfilé un peignoir. Trop tard. Je descends l’escalier en pierre que j’entends déjà la voiture redémarrer. Zut. Mais qui était- ce ? Le facteur ? D’ordinaire, il passe entre 11 heures et midi. Un VRP espérant me démontrer en ces temps particuliers les vertus de je ne sais quel robot- mixeur-cuiseur capable aussi de réaliser son propre pain bien croustillant (vu le nombre de photos que j’ai vu passer sur Facebook c’était devenu très tendance durant le confinement…) ? Et à voix haute, je m’étonne encore : « Quand même pas un livreur ? De toute façon, je n’ai rien commandé ! » Et là, une petite voix me répond sur un ton presque amusé. « Toi non, mais moi oui… » C’était Sibelle.

Ma chère protégée féline était déjà affairée à préparer son marathon. Un agent du Conseil départemental venait de lui déposer un sac en papier aux couleurs du Lot contenant le nécessaire, c’est-à-dire d’abord du tissu, pour confectionner une cinquantaine de masques. Sans rien me dire, ma tigresse domestique s’était inscrite quelques jours plus tôt via Internet comme volontaire bénévole pour participer à l’opération destinée à doter chaque habitant du 46 de deux masques (selon l’objectif affiché) afin de continuer à faire front face au coronavirus une fois le déconfinement amorcé… Sibelle est ensuite allée s’installer dans la chambre du bas, a sorti la machine à coudre et a commencé son labeur, avec patience et précision, des qualités naturelles chez les chats. Je me suis senti tout penaud. Culpabilisant, même. Mais que voulez-vous : je ne sais pas coudre.

Reste que, dans notre Quercy comme ailleurs, les initiatives solidaires qui se sont multipliées ces dernières semaines (fabrication de masques ou de visières, distribution de colis, concerts ou spectacles improvisés en bas d’un immeuble pour distraire des dizaines ou centaines de familles enfermées dans des logements exigus, petits ou grands services rendus à des voisins ou à des inconnus, en ville ou dans nos villages) ont été un écho, une résonance à la mesure de l’engagement héroïque des soignants et de tous ceux qui ont permis vaille que vaille que le pays ne sombre pas. Là-dessus, nous voilà donc à la veille, ou plutôt l’avant-veille du Jour J. Le déconfinement est pour lundi. Certains évoquent une libération. Je comprends certes l’impatience des familles qui auront dû respecter cette assignation à résidence dans des appartements et non, comme moi, dans une maison avec jardin. Mais le mot même de « libération » me gêne.

D’une part parce que le combat n’est pas achevé. Les masques que Sibelle et tant d’autres petites mains fabriquent, il va falloir les porter, les gestes barrières, il va falloir encore les répéter et les respecter. Les experts ne sont pas toujours d’accord entre eux, mais ils s’accordent il me semble sur ce point. Le mot même « libération » me gêne d’autre part parce qu’hier, nous avons commémoré la victoire du 8 mai 1945. Nous pouvons dire notre compassion et notre solidarité aux dizaines de milliers de familles endeuillées par le Covid-19 dans notre pays, aux centaines de milliers d’autres toujours dans l’angoisse car l’un des leurs est encore hospitalisé ou atteint, peu ou prou, par la maladie, nous pouvons et nous le devons, mais si les mots ont encore un sens, il faut admettre ce que collectivement nous vivons aujourd’hui n’a rien, absolument rien à voir avec l’Europe (pour ne parler que d’elle) en ruines de mai 1945, avec les millions de morts militaires ou civils tombés sur les plages de Normandie, dans la forêt des Ardennes, dans les plaines d’Ukraine, sous les bombes, sur les routes, dans les camps. Jeudi soir, avec Sibelle, sur France 2, nous avons revu des images d’archives de ces années, de ces longs mois de nuit et de sang qui ont précédé la signature, à Berlin, enfin, du traité de la capitulation nazie. Une page se fermait. Une nouvelle s’ouvrait.

Pour peu de temps, car on se battait encore en Asie. Et début août, c’était Hiroshima. Il avait fallu en arriver là. Le lendemain, Albert Camus écrivait dans Combat : « Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. » Sibelle interrompt sa tache. Le doux bruissement de la machine à coudre laisse place à un pesant silence. Puis je l’entends murmurer : « Ces mots sont toujours d’actualité. »

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