Sibelle fait ménage à part
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Je passe volontiers l’aspirateur et la serpillière, je ne rechigne pas à « faire » la poussière. Bien entendu, idem pour la vaisselle (quand les casseroles ou autres ustensiles ne peuvent être incorporés dans la machine). Pour le linge, je m’applique à trier les vêtements en fonction de la couleur et de la matière des textiles et je suis donc là encore opérationnel. Les fidèles de cette rubrique savent par ailleurs que je cuisine volontiers, avec une préférence pour les plats traditionnels, du bœuf bourguignon à la quiche lorraine en passant la tarte au thon et à la tomate dont j’ai un jour improvisé la recette ou encore le risotto aux asperges et parmesan. Liste évidemment non exhaustive. Je confesse deux points noirs. Il m’a été expressément interdit d’utiliser le fer à repasser après plusieurs accidents : je ne me suis pas blessé, mais des chemises et une taie d’oreiller ont été déclarées hors d’usage après mes premières tentatives dans cette discipline (et je n’évoque pas les nombreux faux plis). Par ailleurs, même interdiction en matière de nettoyage ou lavage des fenêtres. Inexplicablement, mes expériences se sont soldées par des fiascos. Les carreaux étaient striés de larges bandes au terme de mes interventions, voire « barbouillés », pour reprendre le terme qui me fut signifié. Bref, je ne me sens pas concerné par les chiffres du sondage réalisé par l’Ifop pour Consolab, selon lequel 73% des Françaises affirment « faire plus de tâches ménagères que leur compagnon ». Cette question demeurant une source de tension au sein des couples dans plus de 50 % des cas.
Les choses sont en revanche bien plus compliquées avec une certaine Sibelle. A croire que pour les félins, à part leur propre toilette, aucune de ces missions ne semble assez noble. Jamais un coup de balayette pour ramasser les croquettes qui ont atterri hors du bol, jamais de recours à une brosse pour ôter les poils sur les coussins ou le canapé, jamais, évidemment, le moindre effort quand en hiver, il faut changer la litière. Pis, si elle est trop garnie, Mademoiselle Sibelle fait savoir son agacement par de très laids miaulements. Alors, dans ces cas-là, je me dévoue.
Il est des missions cependant plus distrayantes dans la vie. En début de semaine, je suis allé ainsi rendre visite à mon vigneron préféré (dans une commune réputée dont le nom débute par FLO et s’achève pas SAS), mandaté par un ami qui avait besoin de réapprovisionner ses stocks. A peine arrivé dans la salle de réception où sont alignées les bouteilles des précédents millésimes, pas besoin de m’installer devant le petit comptoir dévolu aux dégustations : alors que j’observais via les baies vitrées les coteaux plantés de vignes, je fus pris sinon d’un vertige, tout au moins d’une sorte de béatitude. Du chai voisin, s’était répandu un capiteux et prégnant nuage incolore mais hautement parfumé. L’air avait cédé la place aux arômes explosifs du malbec fraîchement récolté et pressé. Je n’ai pas eu besoin de demander si les vendanges avaient été bonnes. De retour à la maison, Sibelle m’a fusillé du regard. Je n’avais pas bu une goutte mais même mon blouson, on aurait dit qu’il avait été trempé dans un tonneau. « Quand bien même tu aurais aurais dégusté quelque flacon, je n’aurais rien dit. Toutefois j’aurais aimé t’accompagner. Et tu sais pourquoi. » Le fantasme de ma petite protégée féline ? A l’ancienne, fouler les grappes en les piétinant ! Une forme de réflexologie plantaire qui se respecte, non ?