Kira et les fruits rouges
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
« C’était hier la fête des voisins. Je m’attendais donc à voir mon espiègle protégée féline rameuter les matous du bourg pour un apéro endiablé. Il n’en fut rien. Bien au contraire, c’est très sagement qu’elle a accompagné ses maîtres pour la première cueillette de cerises du millésime 2018. Une dizaine de kilos dans les paniers à la fin des opérations. Le week-end sera donc consacré à la réalisation de confitures. Une alchimie que Kira suit toujours avec une extrême attention, car le dosage en sucre est primordial. Ni trop, ni trop peu. Car chez nous, les confitures aux fruits rouges font un tabac. Pas forcément au petit-déjeuner. Non, avec ma chère tigresse domestique, c’est en accompagnement des cabécous qu’on les préfère. Le mariage des couleurs et surtout des saveurs est un ravissement toujours renouvelé. Et quand les cerises ou les fraises sont originaires du même terroir que le petit formage rond, alors là, c’est Byzance en Quercy.
Sur ce, Kira qui suit toujours l’actualité de près, n’a pas manqué d’opérer un rapprochement. « Après son amendement chocolatines, le député Pradié déposera-t-il un amendement cabécou ? » Allusion au dernier coup médiatique de l’homme à la Méhari. Comme Medialot l’a rapporté, le parlementaire suggère de « compléter le code rural en disant qu’un produit doit être protégé par rapport à ses ingrédients et à un savoir-faire mais également par rapport à une appellation populaire comme chocolatine. L’idée c’est de modifier la loi pour que le nom soit protégé et qu’il y ait la possibilité de passer le cap de l’AOP ou du Label Rouge. » Ainsi, pour ladite chocolatine (on dit pain au chocolat au nord du pays d’Oc), « cela peut amener un débouché commercial à nos boulangers » a précisé très sérieusement l’élu lotois.
« Tout cela est sans doute respectable. C’est la conclusion de Monsieur Pradié qui interpelle » a toutefois insisté Kira. Car en fin de compte, le député reconnaît que cet amendement a une autre finalité. « En plus ça énerve un petit peu nos bobos parisiens… » Tant il est vrai qu’en province en général, et dans notre chère Occitanie en particulier, il n’y a pas de bobos. On ne croise pas de fringants cadres qui se la jouent cool, sirotant un cocktail bio en terrasse tout en suivant sur leur smartphone le cours du CAC 40. Non, ça, c’est seulement à Paris. Bref. On n’a pas le temps d’ergoter, ce week-end. Pas le temps de trop insister sur ce talent à percer dans les cénacles de la Capitale tout en dénigrant gentiment les élites germanopratines et en flattant les terroirs de province : il y a décidément plus de Chirac que de Rastignac chez le Sieur Aurélien. Car le Temps des Cerises est revenu. Et j’ai déjà assez d’une Kira en guise de merle moqueur. »