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Sagan, Bardot, sœurs (presque) jumelles et rebelles

Quand la romancière lotoise interviewait BB pour The Observer en 1976…

Juin 1976. L’hebdomadaire dominical anglais The Observer (le cousin du quotidien The Guardian) fait sensation. A l’aube de l’été de toutes les chaleurs, il réussit un coup journalistique qui donne des sueurs à ses collègues français. L’idée est simple mais il fallait quelque poids et un sacré sens de la persuasion pour le réussir : il a proposé à la romancière Françoise Sagan d‘interviewer Brigitte Bardot.

Toutes deux ont connu le succès et la célébrité avant même d’avoir 20 ans (et donc étaient encore mineures à cette époque). La romancière native du Lot en 1935 a fait irruption de manière tonitruante dans le feutré monde des lettres avec son « Bonjour tristesse » paru en 1954. L’actrice née à Paris en 1934 a explosé sur les écrans avec « Et Dieu… créa la femme » en 1956. Elles se croiseront souvent à Saint-Tropez, elles vivront toutes deux à cent à l’heure, et chacune à leur façon, elles se moqueront des conventions, s’affranchiront des codes. Simone de Beauvoir leur accordera ainsi sa bénédiction : elles n’ont pas théorisé le féminisme, mais elles ont fait progressé la cause des femmes en vivant leur vie, tout simplement.

Publié en 1976, l’entretien est ainsi résumé dans The Guardian en 2024… Question de Sagan : « Qui êtes-vous ? Qu’avez-vous fait de votre vie ? ». Réponse de Bardot : « Quelqu’un d’incomplet. Les films vous anéantissent et vous emprisonnent. J’ai raté ma vie. » La comédienne évoque ensuite son enfance auprès de « parents bourgeois et attachés à leurs principes, un peu racistes ». Elle se souvient avoir eu peur lors des bombardements annonçant la Libération.

Un peu plus tard, la conversation aborde un aspect commun aux deux femmes, les débuts de la célébrité. « Les gens nous regardent comme des objets. C’est irritant » a glissé Sagan. Bardot approuve et enchaîne sur la difficulté, dans ce contexte, à trouver l’amour. « Je n’ai pas une seconde de répit. L’homme qui va me rencontrer se dit : « Je vais rencontrer Brigitte Bardot » et il commence à s’inquiéter. (Or) l’amour a besoin de mystère, de secret, de silence. » Alors, il faut s’adapter : « Quand je n’ai pas vu mon amant pendant trois mois, dit-elle d’un ton sec, eh bien, j’en ai trouvé un autre. »

L’entretien s’achève par des anecdotes et des formules à l’image des deux femmes, explosives et drôles. Ainsi, la romancière de Cajarc raconte comment elle rompt avec ses petits amis : « Je vais à la brasserie Lipp sur le boulevard Saint-Germain… Bien sûr, ce n’est pas agréable, mais il y a des gens qui passent et qui me disent : « Bonjour », « Comment allez-vous ? », ce qui est distrayant. »

Brigitte Bardot qui a déjà décidé de tourner le dos au cinéma confie que sa secrétaire lui a dit avoir appris davantage en six mois à ouvrir son courrier de fans qu’en « 20 ou 30 ans de mariage ». Et l’entretien se conclut par des propos un brin mélancoliques qui permettent de comprendre, déjà, quelle sera dès lors la seconde vie de Brigitte Bardot, décédée ce dimanche 28 décembre 2025 : « J’aime la campagne, j’aime les animaux. Les vaches ne me demandent pas d’autographes. »

A l’époque, elle s’est déjà retirée à La Madrague, sur les bords de Méditerranée, tandis que l’écrivaine qui n’oubliera jamais les causses du Quercy soigne son vague à l’âme en Normandie.

Ph.M.

D’après « What happened when Françoise Sagan met Brigitte Bardot in 1976 », par Emma Beddington, The Guardian, 23 juin 2024.

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