Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ L’abattoir de Saint-Céré est en danger. Une procédure de suppression d’agrément a été engagée par les services de l’État. Des réunions se succèdent à la préfecture, et des éleveurs sont venus manifester leur inquiétude avec quelques animaux qui, dans la cour de l’ancien palais épiscopal, paraissent un tantinet perdus. Elus, syndicalistes et professionnels veulent sauver l’abattoir qui a la spécificité d’être agréé jusqu’alors comme « multi espèces ». Un outil évidemment crucial. Alors que le vice-président la Région Vincent Labarthe souligne qu’« il faut mettre en place tous les protocoles demandés sur l’abattage et l’hygiène » et suggère que la pérennité du site passe par « un immobilier qui resterait public et une gestion de l’activité par tous les utilisateurs », le sénateur Raphaël Daubet se lance dans une attaque en piqué contre « la pensée hygiéniste qui s’infiltre partout, à coup de règles, de normes, de protocoles et de préposés pour les faire appliquer. Elle est censée garantir notre sécurité sanitaire. Mais si l’on n’y prend garde, elle fermera les abattoirs, détruira les emplois, assassinera les paysans et dilapidera l’argent public. » Sibelle que le mot même d’« abattoir » fait frissonner remarque tout de même : « Chirurgien dentiste de profession le sénateur oublie peut-être que si les effectifs de cette spécialité n’évoluent plus guère depuis une vingtaine d’années (43 134 chirurgiens-dentistes en France au 1er janvier 2021, soit +0,3 % par an en moyenne depuis 1995), le nombre avait en revanche doublé de 1977 à 1995… La pensée hygiéniste a parfois du bon, non ? » Je lui réponds que critiquer les normes est devenu un sport national. Alors…
Mardi._ On apprend que l’association Ecaussystème, organisatrice du festival éponyme chaque été à Gignac, propose un concert le samedi 8 novembre aux grottes de Lacave avec comme tête d’affiche l’artiste Barcella. Un concert dans une cave naturelle, en quelque sorte, ce qui rappelle les temps héroïques du Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre… En l’espèce, le Rémois se produira en trio et explique que l’expérience permettra de se « rapprocher plus encore (du public), du conte et de l’amour d’une langue que nous ne cessons de chérir, d’explorer et de détricoter ». La musique se réinvente, notre département aussi. Et c’est évidemment tant mieux. Le nombre de spectateurs sera logiquement limité. Mais ce ne sera pas pour cultiver toute forme d’entre-soi. C’est parce que cette scène et ce décor d’un soir sont fragiles. La musique adoucit les mœurs, dit l’adage, mais rien n’empêche d’y avoir le coeur qui pétille ! Barcella, originaire de Reims où les grottes et cavités abritent les vins de Champagne, ne nous démentira pas. Sibelle non plus, qui me glisse cette citation d’Albert Schweitzer (qui était médecin, pasteur, théologien, philosophe et musicien) : « Il y a deux moyens d’oublier les tracas de la vie : la musique et les chats. »
Mercredi._ On connaît à présent le calendrier 2025-2026 de l’Université Pour Tous Cahors Quercy. Ma protégée féline a repéré la date du mardi 18 novembre ; le rendez-vous ce jour-là aura pour thème : « Tintin est-il colonialiste ? ». Sibelle devine qu’il est fait ici allusion notamment à des albums comme « Tintin au Congo » ou « Tintin et le Lotus Bleu ». Le premier nommé fut publié en 1931. Sur le site officiel « Tintin.com », on apprend que ce fut une œuvre de commande. Dirigeant du « Petit Vingtième » où officie le dessinateur Hergé, l’abbé Wallez a accepté alors une commande du ministère belge des colonies, lequel souhaite une série de reportages « positifs » sur la présence belge au Congo. Mais dès 1946, Hergé modifiera certains textes et images. Ainsi, le reporter Tintin devenu instituteur ne dit plus : « Mes amis, je vais vous parler aujourd’hui de notre patrie, la Belgique! » (en désignant le tableau où une carte a été esquissée) mais « Nous allons commencer, si vous le voulez bien, par quelques additions. Qui peut me dire combien font deux plus deux ? Personne ?… » (alors que sur le tableau, on voit qu’a été posée l’addition 2 + 2). Sibelle médite et soudain, je l’entends maugréer : « Dans les deux cas, Milou au pied de son maître joue les rapporteurs : « Tintin, il y en a deux qui bavardent, là-bas. » Jamais un chat n’aurait fait ça… »
Jeudi._ Robert Badinter entre au Panthéon. J’explique à Sibelle la différence entre un cercueil ou une tombe et un cénotaphe. Il s’agit d’un tombeau élevé à la mémoire d’un mort mais qui ne contient pas son corps. Avant la cérémonie, surtout, je lui résume à grands traits la vie et l’œuvre de l’avocat devenu ministre de la Justice. Ma protégée, qui avait déjà jeté un œil sur les réseaux sociaux, comprend qu’il demeure, dans le pays, un certain nombre de nos concitoyens que la simple évocation de son nom, « Badinter », plonge dans une réelle colère. « Qu’il reste des opposants à celui qui porta la loi sur l’abolition de la peine de mort en 1981, combat que portait déjà Victor Hugo un siècle plus tôt, n’est pas si étonnant », note ma belle, en toute sagesse. « En revanche, qu’il demeure des antisémites, c’est tout simplement désespérant… » Elle a évidemment raison. L’être humain est une énigme. L’humanité et l’inhumanité paraissent, toujours en ce XXIème siècle, condamnés à perpétuité. Condamnés à être les deux versants, les deux visages d’une seule et même famille, à la fois si belle et si déconcertante, la grande famille des Hommes.
Vendredi._ J’ai pris soin, vous l’aurez constaté, de ne pas évoquer la situation politique nationale. D’ailleurs, ce que l’on écrit un vendredi dans la matinée peut déjà être obsolète à l’heure de l’apéritif. Sibelle, quand même, regrette qu’un Lotois ne soit pas (a priori) sollicité pour diriger et former le gouvernement. Et peu importerait son nom. Un Lotois qui en héritier de Maurice Faure, poserait avec ses collègues sur les marches, et au moment de la photo officielle, dirait très simplement : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux… »





