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Elie Richard : « Vive le Quercy sauvage ! »


Une ode au Quercy « incivilisé » avant « qu’il ne soit trop tard ». En 1927, déjà, l’écrivain Elie Richard fustigeait les « chercheurs de pittoresque » et les « pèlerins du beau ».

C’était il y a près d’un siècle. En 1927, paraissait « En Quercy… En glanant », une anthologie de textes poético-littéraires réunis par Eugène Bosc. On en retrouve quelques bonnes pages sur le site BNF-Gallica. Nous vous conseillons en particulier la contribution d’Elie Richard, intitulée « Paysages retrouvés ». Ces quelques pages que nous reproduisons volontiers nous éloignent des poncifs si souvent repris dans les guides. Elles mettent en avant un Quercy sauvage, pour ne pas dire rebelle, dont les habitants « bourreaux de labeur à leurs heures, savent revendiquer le droit à la paresse ».

Voilà qui est fidèle à ce que l’on sait de l’auteur. Né à Cahors, Elie Richard (1885-1976) gagne Paris et fonde au sortir de la Première guerre une maison d’édition et une revue où sont publiés des inédits d’auteurs reconnus (Pierre Mac Orlan, Stéphane Mallarmé) ou des jeunes poètes qui feront parler d’eux, comme un certain André Breton ! Par ailleurs rédacteur en chef de quotidiens en vue (Ce soir, Paris-Soir), Elie Richard est enfin l’auteur de romans, nouvelles, essais et de pièces de théâtre radiophoniques. Voilà donc ce qu’il écrit de « son » Quercy, et qui nous semble au fond toujours d’actualité. Tant pis pour le tourisme de masse. Il préfère le Quercy qui rudoie ses hôtes !

« Lorsqu’on se tient sur le bord d’un de ces plateaux écaillés, d’une de ces montagnes violâtres, on possède la mer figée, ambrée ou azurée, des Causses. Les meilleurs coteaux sont vert de grisés par la vigne ou rapiécés de terres brunes, jaunes, tabac, sanglantes, etc. Si l’on ne voit pas d’ici, comme a prétendu le faire un humoriste, les Pyrénées, du moins découvre-t-on les monts d’Auvergne de craie et de cobalt. Au creux des vallons, blanchoient de petits villages. Des châteaux qui dissimulent leur ruine s’agrippent aux arêtes des rocs. Un silence énorme, préhistorique dirait-on, enveloppe tout. Le ciel est de jade. Les nuages courent le plus souvent vers l’est. »

Le Quercy ne nous attendrit pas

« Ah ! je ne m’endors pas sur les couchers de soleil, les levers de lune. Nous en sommes rebattus, depuis qu’ils font partie de l’éloquence électorale. Pourtant, qui assiste à l’ouverture d’un jour d’automne en Quercy, n’a rien à désirer des plus fameux climats. La littérature et l’art sont impuissants à peindre les peupliers fouillant l’eau lente de l’Olt, les bourgs qui sont suspendus par les dents à la nue, les caves où chantent des rivières secrètes, les ruissellements retentissants du soleil sur les bois oxydés. »

« Lorsqu’on quitte, pour la première fois, les petites villes de la Méditerranée, quelque prosaïque qu’on soit, une grande tristesse vous point. Une jeune femme ne s’arrache pas sans pleurer aux trois derniers pins qui se balancent sur le lourd azur du Golfe-Juan. Je n’ignore point que la côte effume tous ses sortilèges, sa légende pour vous mouiller le cœur. Monaco et Menton sont des filles parfumées mais infidèles. Le Quercy, lui, ne nous attendrit pas : il nous rudoie. Les vieilles bourgades qui s’écroulent dans la poudre et la misère sont vêtues par le soleil et le vent de sauvage grandeur. La nature, vieille courtisane, a ici la figure d’une barbare que les hommes n’ont pas su apprivoiser. On la voit qui les moque ; ou plutôt ils ne comptent pas pour elle. »

« Qu’est-ce que ce train puéril, sinuant dans la vallée, rampant et fumeux, ridicule avec son petit sifflet d’un sou ? Je gage qu’il n’a aucune importance et qu’un jour il sera abandonné comme ces écluses de la rivière, où règnent les brochets obscurs, vifs comme un couteau arabe, et ces martins-pêcheurs couleur d’étincelle électrique. »

Ici les hommes vivent à leur guise

« Il faut descendre par les routes qui mènent vers l’ouest, depuis le Rouergue et l’Auvergne, jusqu’à la plaine garonnaise, en longeant l’Olt ou le Célé pour connaître ce pays singulier. Le mur de pierre sèche entoure des clos où des maisons de la Renaissance abritent des hommes libres. La magie des plantes, des eaux et des bêtes n’agit nulle part en France autant qu’ici. J’ai couru, enfant, sur ces pentes noueuses, parmi le lacis des eaux mystérieuses, sous le soleil qui chante un chant à bouche close au-dessus des terres désertes. C’est, je suppose, ce qui m’induit à trouver tant de saveur à la liberté, tant de vertu à la solitude. Vieilles histoires ? Lieux communs ? Qu’importe ! Ici, je prends pleine conscience de l’inutilité des lettres et des arts, de la politique et de la poésie loquace. Certes, Hugo a moins d’importance dans le monde qu’une femme qui cueille des fraises. »

« Qu’on ne me joigne pas à la troupe barrésienne ! Ce n’est pas une méditation que m’inspirent la terre et les morts. Je compare deux genres de vie. Celui de nos libres paysans m’enchante. « Eh ! me dira-t-on, ne changeriez-vous pas d’accent, s’il vous fallait vivre parmi ces rochers et ces ruines ? » Qui sait ? Je n’oublierai pas bientôt les pêcheurs de sable, les meuniers qui courent les chemins semés d’imprévu, les chasseurs dans les bois de chênes-verts, ni même le curé de St… Ces hommes vivent à leur guise. Ni la culture, ni la religion ne les enlèvent à leur nature propre. Ils se passent de nos raffinements de civilisés. Ils sont eux. Ce sont, peut-être, les seuls hommes de notre pays qui, bourreaux de labeur à leurs heures, sachent revendiquer le droit à la paresse. »

« J’aime le Quercy sans les connaisseurs »

« Je n’ai pas l’illusion de croire qu’ils font, comme moi, de la littérature avec leur Quercy. Ils se contentent d’y vivre. Ils se moquent du gendarme et de l’étymologie. Quercus ! Quercy ! Vous connaissez le fameux lieu commun qu’aucun ne nous épargne ! En a-t-on assez dit, là-dessus ? De Beaurepaire-Froment enrageait lorsqu’il entendait répéter cette illustre bêtise. Il écrivait Caors, non pour étonner les badauds, mais pour donner l’étymologie si simple, si rationnelle de Caorsin que nos pères nommaient Caorsi – et nous Quercy. Que m’importent les sites inscrits dans le guide ! Il ne faut pas s’arrêter indéfiniment sur les hauts lieux, à Saint-Cirq, à Rocamadour, à Luzech. St-Cirq-Lapopie est, sur son rocher vert et or, une merveilleuse ruine. Trop de romantisme nous y accompagne et nous entraîne aux rêveries littéraires. Rocamadour, c’est une image médiévale gâtée par les bonnes dames patronnesses. Je n’accepte pas de voir ces bourgs juchés, plus humains cependant que ceux du Rhin, hors du formidable décor de rochers, de précipices, de vals mangés par la sécheresse, de ciels changeants et courants. Il faudrait un Paolo Uccello pour les peindre. Nous n’avons que des chercheurs de pittoresque. »

« Dans l’admiration qu’on leur voue, on met trop d’onction. Le pèlerin du beau m’importune. J’aime le Quercy sans les connaisseurs. Donnez-moi une bicyclette, que je coure sur les routes du Quercy – du Quercy sauvage et incivilisé – acivilisé pendant quelques années encore. Bientôt, il sera trop tard. »

Les intertitres sont de la rédaction.

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