Sibelle, Escamps qui perd sa ministre et Cahors qui perd des habitants
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Au soir d’une journée de deuil national en hommage aux morts de Mayotte (alors que le décompte précis des victimes du cyclone n’est du reste toujours pas connu), la composition du gouvernement Bayrou est annoncée. Disons le tout net, c’est une catastrophe pour notre département. Anne Genetet n’a pas été reconduite à la tête du ministère de l’Education nationale, et le Lot disparaît ainsi de la carte de France des portefeuilles… Conseillère municipale d’Escamps où elle possède une résidence secondaire, Madame Genetet n’aura pas même eu le temps d’effectuer un voyage en tant que ministre dans son cher Quercy d’adoption. Après trois mois et deux jours, elle est remplacée par Elisabeth Borne. Il est sans doute prématuré pour l’heure d’en dire davantage. Mais avec Sibelle, cet épisode aussi étrange qu’inédit (et un brin désolant, quand même) à l’image de l’actuel tableau que nous offre la vie politique française, nous aura quand même appris quelque chose. Anne Genetet ne quitte pas ses fonctions sans une breloque de choix. Elle est devenue « ex officio » commandeur de l’ordre des Palmes académiques en tant que ministre de l’Education… Même involontairement, l’élue d’Escamps aura contribué à la préservation de l’enseignement du latin.
Mardi._ Un drame aussi inédit que tragique endeuille cette soirée du réveillon de Noël… Vers 20 heures, un conducteur du TGV reliant Paris à Lyon et Saint-Etienne est tombé de sa cabine sur la voie, provoquant l’arrêt du train (un système de sécurité s’est aussitôt activé). La thèse du suicide est avancée, encore qu’une information judiciaire a été ouverte pour la confirmer. Les médias nationaux ont rendu compte des faits en deux temps. D’abord fut mis en avant le désarroi des voyageurs, bloqués pendant des heures en rase campagne et qui ont passé une soirée évidemment moins festive que prévu. Ensuite, quand fut connue l’hypothèse d’un suicide, furent explicités le mal être des cheminots et en particulier la solitude contrainte des conducteurs de trains. Au contraire de ce qui se passe dans les avions, il n’y a pas de proximité physique, il ne peut y avoir de contact autre que vocal entre le pilote et l’équipage. En plus d’éventuels motifs personnels, évidemment. Nous ne sommes plus au temps de la « Bête humaine ». Mais il existe toujours des métiers pas comme les autres. Avec ma protégée féline, nous avons une pensée pour cet homme, qui avait plusieurs décennies de service. Il n’y a rien de plus triste que de choisir de partir un soir de Noël. Nous relevons que nos confrères de France Info, sur leur site, concluent leur article par ces quelques lignes, et nous les reprenons volontiers. « Si vous avez besoin d’aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d’un membre de votre entourage, il existe des services d’écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. »
Mercredi._ 25 décembre. Au réveil, dans notre maison qui domine le vieux village et l’orée de la vallée du Lot, une sorte de silence cotonneux semble avoir figé le temps. Sibelle contemple les reliefs du repas de la veille tandis qu’en cuisine, on a déjà sorti les casseroles et ustensiles qui vont être utiles pour préparer celui du jour. Je me sers un verre d’eau pétillante. Je m’assois. Et je me laisse emporter dans une sorte de rêvasserie un brin nostalgique. Les images des Noëls d’antan défilent dans ma tête, quand j’étais enfant, et quand mes enfants étaient eux- mêmes encore des enfants. J’imagine ce que seront, je l’espère, mes Noëls de demain ou d’après-demain, quand il me faudra passer une partie de la journée du 25 décembre à assembler les rails des trains électriques de mes petits-enfants. Ou à tenter de comprendre comment fonctionne cette fichue manette de ce fichu jeu vidéo. Il n’y a que Sibelle, dans ces cas-là, qui soit capable de me sortir de ma torpeur : « Bon, ce n’est pas le tout. Le chapon, il ne va pas rôtir par l’opération du Saint-Esprit. »
Jeudi._ Les journaux relatent que dans un message de Noël dont il a le secret, le président élu (c’est l’expression que préconise l’usage) Donald Trump estime qu’il serait pertinent que les Etats-Unis fassent main basse sur le Canada et le Groenland. Le problème, c’est qu’on ne sait jamais avec l’ami Donald s’il plaisante ou pas. Mais ouf. Heureusement qu’il doit avoir quelque difficulté à situer le Lot sur une mappemonde. Vous imaginez qu’emporté dans son élan, Monsieur Trump ait imaginé faire de Cahors la capitale d’un énième état des USA ? Il aurait fallu faire front, remonter des fortifications, ériger des tours de guet. Et on aurait déployé une immense banderole sur le Pont Valentré avec ces mots en guise de mise en garde contre ces visions expansionnistes venues de l’autre côté de l’Atlantique : « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux. » Le temps que le président élu comprenne la subtile formule de Maurice Faure, on aurait eu le temps de saisir l’ONU. Et d’ajouter une seconde banderole, à l’adresse toujours de Monsieur Trump, mais inspirée cette fois de la belle formule d’André Breton : « Cessez de vous désirer ailleurs que dans le bureau ovale ! »
Vendredi._ Les chiffres de l’Insee sont connus. Ceux délivrés en cette fin d’année 2024 constituent la population « officielle » de référence 2022. Où l’on constate que Cahors a reculé par rapport à l’an passé, repassant ainsi sous la barre des 20 000 (soit exactement 19 902), ce qui maintient néanmoins un solde positif sur plusieurs années (+ 500 depuis 2016). Le Lot, globalement, est en légère augmentation. « Et chez nous ? » s’inquiète Sibelle. Je consulte la base de données et que vois-je ? Nous sommes désormais moins d’un millier dans ma commune. « Je me disais bien » reprend ma tigresse. Et elle enfonce le clou : « Un jour, peut-être, y aura-t-il ici plus de chats que d’humains. Je devrai m’y résoudre. Le destin m’appellera. Je serai la première féline maire d’une commune française. » L’année 2025 s’annonce donc corsée. Et à Cahors même, vous l’avez compris, il est temps de s’y mettre aussi. Il faut refaire des bébés. Et accueillir de nouveaux habitants. On avait dit en son temps que repasser au-dessus des 20 000 était symbolique. Même chose quand on se retrouve un peu en deçà. Mais c’est quand même le moment de réagir !