Sibelle, de Mayotte aux chênes nains du Quercy en passant par Pau et Cahors
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Mayotte. Ce week-end, un cyclone d’une violence inouïe a balayé et ravagé le 101ème département français. Les images sont stupéfiantes. Les mots manquent. Dans ce chaos, les populations les plus éprouvées sont évidemment celles qui vivaient dans les bidonvilles – c’est hélas le terme qui convient -. Plusieurs jours ont passé, et en cette fin de semaine, nul ne peut encore avancer un bilan précis pour ce qui est du nombre de victimes. Il va falloir tout rebâtir. Et pas seulement des logements. Pas seulement des infrastructures. Il va falloir aussi qu’au sortir des secours d’urgence, un nouveau mode de vie, et donc une nouvelle façon de relier la métropole à Mayotte soient mis en œuvre. Alors que comme beaucoup, je serais incapable de situer instantanément Mayotte sur une mappemonde, j’ai presqu’envie de faire mienne cette réflexion d’un expert : « A côté, reconstruire Notre-Dame semblera une formalité. » Pas plus malins que monsieur et madame Tout-le-monde, Sibelle et moi ne pouvons guère en dire davantage. Sauf redire toute notre compassion aux Mahorais, et leur exprimer notre pleine et entière solidarité. C’est bien le moins.
Mardi._ Pendant ce temps, notre cher et vieux pays traverse une autre tempête. Politique. Institutionnelle. Quatrième Premier ministre en moins d’un an (un record depuis l’après-guerre), François Bayrou s’en est allé toutefois présider le conseil municipal de sa bonne ville de Pau. Où il compte bien rester maire. La loi ne l’interdit pas. Etre maire et parlementaire n’est pas compatible. Mais Premier ministre et maire, ça passe. Dans un post sur les réseaux sociaux, le sénateur PS du Lot Jean- Marc Vayssouze-Faure s’adresse directement au chef du gouvernement : « Monsieur le Premier ministre, maire de Pau et président de l’agglomération Pau Béarn Pyrénées, non, il n’est pas sérieux de cumuler autant de mandats, ni de cumuler un mandat de maire avec celui de parlementaire. Si vous avez peur de la déconnexion, restez conseiller municipal. » De fait, c’est ce qu’a fait l’ancien maire de Cahors quand il fut élu à la chambre haute. Il est resté conseiller municipal, et il peut aussi se déplacer dans le département pour rencontrer ses concitoyens et demeurer au plus près des préoccupations des citoyens et des élus de base. Sibelle opine du chef mais remarque qu’en son temps, le maire cumulait quand même son mandat avec celui de président du Grand Cahors. Comme beaucoup de ses collègues, il est vrai. Il faut croire qu’il y a cumul et cumul. Vous avez quatre heures…
Mercredi._ Comme le veut la tradition, en cette fin décembre, l’Insee dévoile ses décomptes démographiques. On apprend ainsi que la région Occitanie continue de gagner des habitants à un rythme soutenu, tirée par deux locomotives : les métropoles de Toulouse et Montpellier. La première est d’ailleurs en train de rattraper Lyon. Pour ce qui est du Lot, le nombre des naissances demeure inférieur à celui des décès mais l’arrivée de nouvelles familles permet de continuer à gagner aussi des habitants, quoique dans des proportions moindre que dans la Haute-Garonne. Sibelle se veut très pragmatique : « Ça tombe bien. Plus ça va, plus il va falloir se serrer les coudes… »
Jeudi._ Il y a tout juste 60 ans, André Malraux prononce un discours exceptionnel à l’occasion de l’entrée au Panthéon des cendres de Jean Moulin. Les images d’archives sont toujours aussi émouvantes. Devant le Général de Gaulle, Georges Pompidou, Jacques Chaban-Delmas et des centaines d’autres, figés par le verbe du ministre comme par la météo glaciale, durant une vingtaine de minutes, Malraux qui a combattu dans le Nord du Lot au sein de la résistance évoque du reste la région. « Dans un village de Corrèze, les Allemands avaient tué des combattants du maquis, et donné ordre au maire de les faire enterrer en secret, à l’aube. Il est d’usage, dans cette région, que chaque femme assiste aux obsèques de tout mort de son village en se tenant sur la tombe de sa propre famille. Nul ne connaissait ces morts, qui étaient des Alsaciens. Quand ils atteignirent le cimetière, portés par nos paysans sous la garde menaçante des mitraillettes allemandes, la nuit qui se retirait comme la mer laissa paraître les femmes noires de Corrèze, immobiles du haut en bas de la montagne, et attendant en silence, chacune sur la tombe des siens, l’ensevelissement des morts français. » Et puis, plus loin : « Chef de la Résistance martyrisé dans des caves hideuses, regarde de tes yeux disparus toutes ces femmes noires qui veillent nos compagnons : elles portent le deuil de la France, et le tien. Regarde glisser sous les chênes nains du Quercy, avec un drapeau fait de mousselines nouées, les maquis que la Gestapo ne trouvera jamais parce qu’elle ne croit qu’aux grands arbres. » Et puis il y a le final, à la fois lyrique et sublime : « Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège… » Les larmes nous montent aux yeux, avec Sibelle, devant la vidéo. Mais il faut aussi toujours réentendre (ou relire, c’est possible sur Internet) la première partie. C’est un vrai cours d’histoire majuscule. Qui explique la mission de Jean Moulin, qui explique pourquoi il était fondamental que, au-delà de leurs parcours d’avant (la guerre), de leurs opinions, de leurs croyances, les résistants s’unissent. Pour qu’il n’y ait qu’une seule France, rassemblée, admise à la table des vainqueurs. On ose ? Quand on revoit ces archives, qu’on relit ces mots, nos politiques d’aujourd’hui paraissent… Comment dire… Paraissent quand même un peu en-dessous.
Vendredi._ Après ce tacle, respectons la tradition. Comme dit Sibelle, « on n’a jamais été aussi près de Noël ». Alors on ne va pas y aller par quatre chemins. Nous vous souhaitons de bonnes fêtes. En famille, avec vos amis. Sans excès. Mais dans la joie. Il y aura bien, dans les jours qui viennent, dans votre entourage, voire dans la rue, ou à la télé, un enfant, une âme pure, dont les yeux pétillants et le sourire innocent vous réconcilieront, ne serait-ce qu’un instant, avec ce monde si violent par ailleurs.