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Sibelle, le Département au régime sec, le sénateur et les gendarmes et les tours de Notre-Dame


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Lundi._ Il en va des acteurs comme des sportifs, des enseignants, des politiques (et cette lite n’est évidemment pas exhaustive). Niels Arestrup dont on annonce le décès à l’âge de 75 ans avait d’abord une présence. Le mot est ici à prendre dans toutes ses acceptions : il ne s’agit pas seulement d’avoir un physique singulier _ en l’occurrence, de père danois et de mère lorientaise, l’acteur promenait ses cheveux blancs et son regard d’un bleu perçant avec une forme de désinvolture massive assez bluffante. Mais cette « présence », donc, allait de pair avec un charisme, une voix, une silhouette qui semblait d’entrée occuper toute la scène ou tout l’écran. On a tous eu des profs comme ça : ils (ou elles) entraient dans la salle de classe et aussitôt, le silence se faisait. Nul besoin de menacer, et encore moins de punir. Ainsi, comme beaucoup, avec Sibelle, on se souviendra longtemps de Niels Arestrup en parrain mafieux dans « Un prophète », en diplomate revenu de tout dans « Quai d’Orsay » ou en von Choltitz plus vrai sans doute que nature dans « Diplomatie », torturé au plus profond de lui de devoir exécuter les ordres d’Hitler avant d’y renoncer, à la fois perdu et soulagé. Comme c’est devenu la règle, en même temps que mille hommages, dès l’annonce de cette disparition, on entend aussi quelques déclarations insistant sur les travers voire les supposés délits qu’aurait commis le défunt. Que les victimes soient entendues, c’est une chose, et c’est surtout très légitime. Mais désormais, quand on rédige une nécrologie, il faudrait presque demander un extrait de casier avant de la publier. L’époque est ainsi.

Mardi._ Tant pis pour les canapés avec ou sans foie gras, les coupes pétillantes, les petits fours. Toujours en colère de voir la collectivité privée de 8 millions de recettes dans le projet de budget de l’État (sans parler de dépenses obligatoires non compensées), le président Serge Rigal annonce avoir décidé de ne pas organiser cette année la traditionnelle cérémonie vœux du Département car « il refuse d’être le porteur de mauvaises nouvelles dont il n’est pas responsable. » Ma protégée hausse les épaules (ce qui n’est pas si facile pour un chat) : « Ça tombe bien, on n’est jamais invité, ni toi ni moi ! » De fait, disons-le tout net, cette économie est bienvenue. Même si chacun comprend qu’on est là dans le symbole. Il y aura d’autres occasions pour mettre à l’honneur ou saluer tel élu, tel fonctionnaire, tel représentant de la société civile. Mais Sibelle va plus loin : « Ce qui aurait du sens, c’est qu’à la une du prochain magazine du Conseil départemental, Contact Lotois, soit reprise la formule de ce cher Maurice Faure… Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux ! »

Mercredi._ Sans surprise, en fin de journée (ou en début de soirée, ça dépend de l’humeur), une motion de censure renverse le gouvernement. Les commentaires dans la salle des Quatre Colonnes comme sur les plateaux télé sont aussi attendus que le résultat du vote lui-même. D’un côté, on oublie que la constitution française n’est pas celle de l’Allemagne et que eux qui votent la censure ne sont pas obligés de s’unir ensuite pour proposer une alternative (ou une alternance). De l’autre côté, on fanfaronne comme si on venait de faire tomber la première pierre du mur de Berlin ou que le calendrier nous proposait une seconde nuit du 4 août. Ce n’est ni une révolte, ni une révolution. « Cela s’appelle la démocratie » ose Sibelle. Les chats miaulent, la caravane passe. Ce qui est plus dangereux, c’est quand la caravane finit aussi par lasser. La caravane se transforme alors en convoi exceptionnel de matières explosives.

Jeudi._ Le sénateur (et ancien maire de Cahors) Jean-Marc Vayssouze- Faure dit son inquiétude quant au respect de l’engagement de l’État annoncé en 2022 de délocaliser dans la capitale lotoise une antenne de l’inspection générale de la gendarmerie nationale (soit une trentaine d’agents, ce qui, avec leurs familles, est évidemment loin d’être anecdotique). Interpellé par le parlementaire, le secrétaire d’État Othman Nasrou (point encore alors démissionnaire) a soufflé le chaud et le froid (ou l’effroi). Ma fidèle féline ne peut s’empêcher de penser à la fameuse réplique de feu Jacques Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. » Une autre version de la citation remplace « reçoivent » par « croient ». Cela étant, le jour venu, quand les dits agents seront là et bien là, comme on veut le croire, Cahors disposera d’un atout majeur. Il n’y a pas de TGV qui relie Paris à notre bonne cité. Dans certaines villes ayant dans le passé bénéficié de ce genre de « déconcentration » des services de l’État, on a parfois déchanté. Pas forcément ravis, les fonctionnaires arrivaient le lundi matin, repartaient le vendredi – voire le jeudi soir – (ce qui est très facile en TGV) et il a fallu beaucoup de temps pour qu’ils s’installent pleinement. Quant il n’a pas été nécessaire de patienter jusqu’à ce qu’une nouvelle génération, recrutée sur place ou dans la région, les remplace. Avec cette fois leur famille et un domicile pérenne. Sibelle ne dit mot : elle-même, rien qu’un aller-retour à Prayssac lui paraît un tour du monde.

Vendredi._ Ce week-end sera marqué par la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Passons sur les discours politiques. Les délais ont été tenus parce que des moyens (financiers et administratifs) hors norme ont été accordés. On salue évidemment le travail d’excellence des compagnons et des hommes de l’art, qui ont pour beaucoup réalisé là le chantier de leur vie. Reste qu’on aura oublié de répondre à une question qui n’a rien d’accessoire. Etait-il nécessaire de reconstruire à l’identique ? Après tout, bien d’autres églises, cathédrales, abbayes, châteaux, immeubles classés ou pas ont traversé les siècles en ayant subi moult remaniements après des dommages causés par les guerres, les incendies, voire la vétusté ou la nécessité de les agrandir. C’est ainsi que des édifices sont devenus aussi des résumés de l’histoire de l’art, avec des bases romanes, des ajouts gothiques, des liftings Renaissance ou néo- classiques… Des forteresses sont devenues d’agréables palais toscans, des chapelles romanes médiévales sont devenues des petites merveilles du baroque ou de l’art nouveau. Et parfois, comme à Reims, on a caché une charpente bétonnée sans que nul visiteur ne s’en émeuve. Mais comme le président a décidé pour nous… Sibelle retrouve ces mots si justes du cardinal Verdier. Ils datent de 1938 : « Une cathédrale, surtout lorsqu’il s’agit d’un sanctuaire national, comme celui de Paris, n’est ni un tombeau ni un musée. Elle demeure toujours vivante. À travers les siècles, toutes les époques l’ont marquée de leur génie, toutes l’ont enrichie et embellie, sachant que c’est le lieu où se rencontrent toutes les ferveurs. Pourquoi les artistes contemporains ne seraient-ils pas dignes de s’associer à un tel ensemble? »

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