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Sibelle rend hommage aux Poilus, salue le bébé de Meyssac et mange 100 % lotois


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Lundi._ Le 11 novembre n’est pas, ne peut être un jour ordinaire. Quand bien même cela fait désormais 106 ans que dans un wagon, au coeur de la clairière de Rethondes, fut signé l’armistice mettant un terme à plus de 1500 journées de combats acharnés. Le 11 novembre 1918, s’achève le premier conflit mondial dont le bilan est ahurissant : 18,8 millions de morts, d’invalides et de mutilés. Alors, dans toutes les villes, dans tous les villages de France, ce lundi, on se réunit devant le monument aux morts. A Cahors, y sont inscrits plus de 500 noms et prénoms. Invariablement, chaque 11 novembre, je revois mon grand-père Robert, le petit doigt sur la couture du pantalon de son costume du dimanche, dans la cuisine de la maison de Givonne, village martyr près de Sedan. Déjà prêt à 9 heures du matin alors que la cérémonie n’a lieu qu’à 11 heures. Déjà perdu dans ses pensées qui le ramènent à sa propre jeunesse. Ma grand-mère finit son bol de Ricoré. Elle l’accompagnera. Elle aussi se souvient. Fin août 14. Les Uhlans qui entrent dans le village et qui l’incendient. Les cadavres de malheureux soldats laissés en arrière-garde par les régiments battant en retraite sont traînés par des chevaux affolés à travers les flammes. Givonne brûle. L’enfance de ma grand-mère avec. Quelques mois plus tard, alors qu’elle n’a pas 10 ans, on l’enverra travailler dans les champs. Dans le Lot, on ne verra pas d’uniforme ennemi. Mais des milliers de jeunes gens qui avaient laissé derrière eux qui des parents, qui femme et enfants, ne reviendront jamais. Ils sont morts dans les Ardennes, dans la Somme, sur le Chemin des Dames ou à Verdun. Sur des cartes de France publiées dans les journaux d’alors ou retrouvées dans quelque livre d’école, j’imagine sans peine que devant le cantou, le soir, on essayait de localiser le village où l’enfant, où le fiancé, où l’époux, où le père chéri avait été fauché. Sacrifié. 11 novembre 1918. A 11 heures, près de Sedan, sur une colline de Vrigne-Meuse, le clairon Octave Delaluque peine à se souvenir des notes qui doivent résonner pour signifier que la guerre est finie. De toute façon, Augustin Trébuchon ne les entendra pas. Il est mort quelques minutes plus tôt. Augustin avait 40 ans. Un berger de Lozère. Le dernier Poilu mort au combat. Les autorités militaires antidatent le certificat. Pendant longtemps, on croira ainsi qu’Augustin est mort le 10. Mais l’histoire a rétabli les faits. Aussi cruels soient-ils. Aussi terrible, aussi révoltante soit-elle, la vérité oblige à dire qu’après plus de quatre ans de guerre, Augustin est tombé au champ d’honneur à quelques minutes de l’armistice. Sibelle est émue mais s’interroge : il y a des élus qui pensent que le 11 novembre n’aurait plus vocation à être férié !

Mardi._ On apprend qu’au début du mois, une jeune femme de Biars-sur- Cère a accouché dans le véhicule des pompiers qui la conduisaient, avec une équipe du SMUR de Saint-Céré, à la maternité de Brive. A mi-chemin ou presque, il a fallu stopper. C’est à hauteur du village de Meyssac qu’un bébé de 3,7 kilos est venu au monde. La maman et l’enfant se portent bien. Distance entre Biars-sur-Cère et Brive selon Google Maps : 47,7 km. Soit plus de trois quarts d’heure de route. Sibelle est à la fois émue, sensible au dévouement des secours, mais s’interroge néanmoins. Ah bon ? Si, messieurs dames, il faut faire des économies nous disent nos élites.

Mercredi._ On lit que les élèves du Lot ont été confinés pendant une demi-heure, hier, dans leurs classes. Un exercice « attentat – intrusion », expliquent les pouvoirs publics. Accessoirement, une autre utilité à ce nécessaire exercice. Dire à nos enfants que nos villes et nos villages, que nos causses et nos vallées ne sont pas des sanctuaires parfaitement hermétiques à la violence, à la folie du monde. Sibelle est émue et compatissante. D’elle-même, elle décide de se confiner. Et pour ne pas faire les choses à moitié, elle va se coucher une bonne partie de la journée dans le dressing de la chambre du bas. Sur un coussin, quand même.

Jeudi._ Dans un Stade de France aux trois quarts vide, la France et Israël font match nul. Un piteux 0-0. Pour le spectacle, on repassera. Mais chacun le sait, l’essentiel n’était pas là. Il fallait que ce match ait lieu. Il fallait qu’en l’absence de décision contraire des instances internationales (politiques, judiciaires ou sportives), l’espace de quelques 90 minutes, on fasse comme si. Après tout, même si elle n’est pas exempte de tout reproche, la fédération internationale de football a reconnu de longue date la Palestine (en 1995 pour être précis si l’on s’en tient à l’époque contemporaine). Il fallait que ce match ait lieu et que des spectateurs, notamment des supporters israéliens, y assistent. Si, demain ou après- demain, pour une raison ou une autre (on pense évidemment aux milliers de victimes de Gaza, notamment), la question d’une suspension de la participation des sportifs israéliens aux compétitions internationales se pose, ce n’est pas au café du commerce ou à la buvette de l’Assemblée que l’on doit en décider. Sibelle, décidément assez paresseuse a pour sa part décidé de gagner son lit à la mi-temps. « Les symboles c’est bien, les buts c’est mieux », ronchonne-t-elle pourtant en se levant le lendemain.

Vendredi._ A l’orée du week-end, est annoncée une mobilisation des agriculteurs lotois ce lundi, avec blocages de ronds-points. Ils estiment que nombre de revendications exprimées l’hiver dernier sont encore loin d’être satisfaites. Sans parler des effets d’une météo pour le moins compliquée sur les récoltes de cette saison… Par ailleurs, ils redoutent que ne soit signé le traité du Mercosur. Sibelle s’en émeut et admet que l’on ne peut ouvrir ses frontières à des produits – et notamment de la viande – provenant d’Amérique du Sud par des éleveurs qui n’ont pas les mêmes contraintes (vétérinaires et sanitaires) qu’en France. Le monde est violent, le monde est compliqué. Mais comme Sibelle, je n’ai pas de solution miracle. Ah si, une seule. Par solidarité, je vais manger et boire 100 % lotois ce week-end. C’est pas grand-chose, mais c’est déjà ça.

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