Aux assises, le violeur et proxénète condamné à 17 ans de prison : « Pour lui, qui ne dit mot, consent »
Troisième et dernier jour d’audience pour cette sordide affaire qui s’est déroulée dans le Lot-et-Garonne. Evariste Galvez a écopé d’une peine plus élevée que celle prononcée en première instance.
L’emprise, le consentement ou une sexualité déviante ? Laquelle de ces notions peut le mieux expliquer l’affaire Evariste Galvez ? L’an dernier, cet homme de 51 ans a fait appel après avoir été condamné à 14 ans de prison pour des faits de viols et de proxénétisme. Bien mal lui en a pris. Au cours des débats, une circonstance aggravante a été retenue contre lui : les viols ont été commis en concours. Dès lors, l’accusé encourait 20 ans de réclusion criminelle. La cour d’assises de Cahors, qui le jugeait à nouveau depuis trois jours, a tranché ce mercredi 2 octobre en réévaluant sa peine à 17 ans d’emprisonnement.
« On ne devient pas victime par hasard de quelqu’un comme Evariste Galvez. Un phénomène d’emprise s’est installé », estime Me Sandrine Derisbourg, l’avocate des parties civiles. « L’emprise c’est une forme de domination intellectuelle ou morale, de manipulation, une main mise insidieuse qui entraîne une dépendance affective. C’est un véritable lavage de cerveau qui marche particulièrement sur les personnes fragiles ». Or, la vulnérabilité des victimes, Marina et Camille*, a été plusieurs fois mise en avant au cours du procès. Entre 2015 et 2019, Camille à subi des viols et des violences récurrents de la part d’Evariste Galvez, qui n’hésitait pas à la prostituer. Les faits se déroulaient à Trentels (Lot-et-Garonne) dans la maison familiale où vivaient l’accusé, son épouse, elle aussi condamnée en première instance pour proxénétisme, et leurs 4 enfants. Marina a rejoint le sinistre huis clos en 2019 et a vécu le même enfer que Camille pendant quatre mois.
« Camille et Marina n’avaient pas intrinsèquement la capacité de résister, elles sont des proies faciles. Marina, c’est quelqu’un avec un niveau cognitif faible, qui, déjà dans la vie de tous les jours, doit se battre pour exister. Et ce qui caractérise le plus Camille, ce sont ses problèmes de dyslexie : quand on a du mal à s’exprimer, qu’on a dû lutter toute son enfance par rapport à cela, la parole est quelque chose de compliqué », souligne leur avocate. « Elles ont vécu un calvaire. L’objectif maintenant, c’est qu’elles puissent tourner la page. C’est le droit de l’accusé de faire appel, sauf que pour les victimes cela veut dire encore un procès. Tout raconter encore et encore, c’est une souffrance supplémentaire à celle subie dans cette maison de Trentels. C’est remuer le couteau dans la plaie. S’il n’avait pas fait ce qu’il a fait, elles n’auraient pas eu à le raconter. »
Selon le code pénal, tout acte de pénétration sexuelle ou buccogénitale commis par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. « Faut-il changer le texte pour y inclure la notion de consentement ? C’est l’actualité du moment. Avec quelqu’un comme Evariste Galvez, c’est sûr qu’il faudrait le faire. Pour lui, qui ne dit mot consent. A partir du moment où Camille et Marina disent être soumises, il estime que leur consentement est acquis pour toujours », s’insurge l’avocate générale Brigitte Lanfranchi. Elle connaît bien le dossier, elle était déjà présente en première instance. Le procès en appel n’a pas changé ses positions : non seulement elle a, à nouveau, requis 14 ans de détention, mais elle a aussi demandé un suivi sociojudiciaire plus élevé que lors du premier dossier, à savoir 5 ans minimum.
Quand elle mentionne l’accusé, la magistrate ne mâche pas ses mots : « Cela fait trois jours qu’Evariste Galvez nous explique qu’il est innocent. Son discours est à géométrie variable en fonction de ses différents interlocuteurs. Il n’a jamais dit un mot de vérité. Je pense qu’Evariste Galvez n’a rien construit de positif : ni une famille, ni une vie au service des autres, ni une activité professionnelle. La seule personne qui l’intéresse, c’est lui. Il s’est construit un monde idéal d’où est exclu le travail. Sa véritable passion, c’est le sexe. » En début d’audience, l’experte psychologue avait noté chez l’accusé « une tendance à tout ramener à lui, à se victimiser », « une sexualité sans limite voire infantile » et « une absence de remise en question ». Le psychiatre n’avait quant à lui décelé ni déficience intellectuelle ni altération du discernement.
Si Me Céline Pascale, l’avocate de la défense, admet que son client n’a pas le profil du « gendre idéal », elle essaie tout de même de détourner l’attention des jurés. D’abord sur Natacha. Selon l’avocate, l’ancienne compagne d’Evariste Galvez est loin d’être une victime. « Natacha a une personnalité mitigée. À Agen, quand elle était sur le banc des accusés, elle était plus timide. Aujourd’hui, elle arrive en disant « J’ai été soumise », mais elle a oublié qu’elle a été condamnée pour proxénétisme. Elle avait un rôle très important dans la famille. C’est elle qui amenait les filles, c’est elle qui gérait la prostitution. Il y a une forme de complicité, car elle n’a pas aidé ces jeunes femmes. C’était un couple de dominants qui se tiraient vers le bas », estime Me Céline Pascale.
Sa plaidoirie vise surtout la sexualité et le mode de vie qui régnait dans cette maison de Trentels. « Tout le monde ne met pas les pieds dans un sauna libertin. La perception de la sexualité que ces jeunes femmes pouvaient avoir dépasse un cadre classique. Les quatre faisaient ce qu’on appelle du SM soft, c’est devenu leur fonctionnement, sûrement une addiction », assure l’avocate. Contestant l’emprise que son client pouvait avoir sur ses victimes, elle se garde bien de parler de consentement. « Certes, il était content d’avoir deux filles à la maison pour assouvir ses forts besoins sexuels et ses pulsions, mais personne ne lui a dit stop, personne ne lui a dit qu’il avait un problème avec sa sexualité », affirme-t-elle.
En dernier recours, l’avocate s’attarde sur la question de la peine. « Vous ne devez pas laisser place à la haine et remplacer la justice par une forme de vengeance », déclare-t-elle aux jurés. « La peine a une fonction punitive mais elle doit aussi avoir un sens. Le temps n’est pas le même quand vous êtes enfermés entre quatre murs. Ce sont les soins qui vont permettre de le réhabiliter, de le sociabiliser. C’est cela la justice : punir mais aussi aider ».
L’argument ne convainc pas. Outre les trois ans supplémentaires ajoutés à sa peine originelle, Evariste Galvez est condamné à un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans, comprenant l’interdiction d’entrer en contact avec les victimes et une injonction de soins. Il encourrait 3 ans de prison s’il ne respectait pas ces obligations. Evariste Galvez reçoit la peine comme il a vécu le procès : les yeux vides, le visage sans expression et les épaules voûtées. De l’autre côté de la vitre, Camille et Marina osent un timide sourire.