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Sibelle, la mort de Delon, les 80 ans de la Libération, et la rentrée remarquée de Rémi Branco


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.

Lundi._ A l’orée de cette semaine qui marque l’avant-dernière ligne droite de l’été, en tout cas des vacances, alors qu’on ressent déjà une sorte de nostalgie ambiante, dans l’atmosphère comme dans nos faits et gestes du quotidien, la mort d’Alain Delon nous inflige une double peine. Une star est partie, une icône, un pan de notre propre culture, que l’on soit ou non cinéphile. Pourtant diminué physiquement, Jean-Paul Belmondo avait été un sourire jusqu’au bout. Alain Delon, lui, ne se départait plus depuis une vingtaine d’années déjà d’une forme de tristesse. Il avouait vivre avec des fantômes. Ceux de sa vie de cinéma, ceux de sa vie privée, et certains visages étaient de ces deux mêmes cercles noirs. On voulait encore voir le sourire ravageur du Delon de Visconti, il nous montrait le masque hanté d’un homme qui avait perdu la plupart de ses illusions et de ses bonheurs. Le monde de 2024 n’était plus le sien, disait-il. Reste qu’une statue a été déboulonnée. A 88 ans. Hors quelques pisse-froid qui n’ont retenu que ses opinions politiques, Delon aura été un monstre de beauté au talent inné puis une sorte de vigie d’un monde qui disparaissait, et s’en irait avec lui. Et puis, c’est aussi une élégance française, une forme de classe qui s’en est allée dimanche. Comme le prouve cette anecdote. Mardi 18 septembre 2018. L’acteur a pris rendez-vous au service « petites annonces » du Figaro. Il vient en personne déposer un petit texte qu’il souhaite publier dans le carnet du journal quelques jours plus tard. « Rosemarie Albach- Retty dite Romy Schneider aurait 80 ans aujourd’hui, ce dimanche 23 septembre. Que ceux et celles qui l’ont aimée et l’aiment encore aient une pensée pour elle. Merci. Alain Delon. »

Mardi._ Si elle a abdiqué au début de l’année en faveur de son fils aîné, qui règne désormais sous le nom de Frederik X, la reine Margrethe II du Danemark n’a pas renoncé en revanche à son traditionnel séjour aoûtien sur les terres lotoises de feu son époux, le Prince Henrik. Et donc au château de Cayx et à ses sorties au marché de Cahors, où elle se faufile élégamment dans la foule, dans un anonymat que même ses gardes rapprochés semblent respecter à la lettre. Ma protégée féline les remarque, sur les photos que Paris Match a mis en ligne cette semaine. Les deux hommes restent à distance raisonnable, en arrière-plan. Peu de souverains ou chefs d’État pourraient s’offrir un tel privilège : faire la queue devant l’étal d’un boucher, n’est-ce pas le comble du luxe pour une reine ? « Moi, mon luxe ultime, c’est d’avoir encore un ou deux billets de 10 dans mon porte-monnaie » me répond sèchement Sibelle, tigresse républicaine dans l’âme.

Mercredi._ Depuis le 15 août (anniversaire du Débarquement en Provence), les commémorations du 80ème anniversaire de la Libération se succèdent. A Cahors et dans le Lot, les célébrations et festivités ont eu lieu dimanche. L’occasion de rappeler que notre département fait partie des rares territoires à avoir chassé l’occupant sans le concours de soldats d’une armée régulière. Mais dès le 17 au soir, finalement, tous les FFI du Quercy en étaient. Une nouvelle page se tournait. Mais certaines plaies allaient demeurer vives. Certains drames, certains deuils ne s’effacent pas même au bout de huit décennies. Je relis avec Sibelle le discours d’André Malraux (qui combattit dans le Lot) lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon : « La Résistance grandit, les réfractaires du travail obligatoire vont bientôt emplir nos maquis ; la Gestapo grandit aussi, la Milice est partout. C’est le temps où, dans la campagne, nous interrogeons les aboiements des chiens au fond de la nuit ; le temps où les parachutes multicolores, chargés d’armes et de cigarettes, tombent du ciel dans la lueur des feux des clairières ou des causses ; le temps des caves, et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d’enfants… La grande lutte des ténèbres a commencé. (…) Mais voici la victoire de ce silence atrocement payé : le destin bascule. Chef de la Résistance martyrisé dans des caves hideuses, regarde de tes yeux disparus toutes ces femmes noires qui veillent nos compagnons : elles portent le deuil de la France, et le tien. Regarde glisser sous les chênes nains du Quercy, avec un drapeau fait de mousselines nouées, les maquis que la Gestapo ne trouvera jamais parce qu’elle ne croit qu’aux grands arbres. »

Jeudi._ « Un fossé dangereux se creuse entre une gauche des métropoles et celle qui, dans nos campagnes, doit rattraper une colère populaire qui lui échappe » : c’est le titre de la tribune publiée dans Le Monde à l’initiative du vice-président PS du Conseil départemental, Rémi Branco. Lequel est donc le premier politique lotois à effectuer sa rentrée. Et avec quel écho ! Aussitôt, de nombreux élus saluent l’initiative et co-signent l’appel. Rémi Branco ne fait toutefois qu’enfoncer un clou, tracer encore et toujours un sillon qu’il a commencer à « travailler » depuis plus d’un an déjà, avec une interview accordée à Libé puis un livre au sous-titre explicite : « La gauche veut-elle regagner les campagnes ? » Sibelle râle dans son coin. Elle n’est pas abonnée au Monde et n’a pu lire toute la tribune. Ce qui paraît un peu gênant, certes. Alors je lui en livre un extrait : « Notre initiative est d’abord un appel à une prise de conscience : à qui parle la gauche ? A des diplômés, cadres ou professions intellectuelles qui plébiscitent notre lutte pour le climat, la justice fiscale, l’égalité femmes-hommes. Aux habitants des quartiers populaires des métropoles qui connaissent notre lutte implacable contre les discriminations. Et après ? Dès que l’on quitte le monde des barres d’immeubles, des grands centres-villes et des transports en commun, nous n’incarnons plus l’alternative, mais l’élite. Une élite qui imagine un droit à la paresse quand on veut juste vivre de son travail, qui semble plus à l’aise pour manifester contre les mégabassines qu’aux côtés des agriculteurs en transition, qui parle de désarmer la police quand les violences liées au narcotrafic explosent aussi en zones rurales. » Sur ce, l’ancien bras droit du ministre hollandien Stéphane Le Foll, ainsi que les premiers signataires, qui se disent ravis et convaincus de la nécessité de s’intéresser aux « territoires » (un mot à la mode qui désigne toute entité hors Paris et les cinq ou six villes métropoles de province – ce dernier mot étant désormais tabou, en revanche, parce qu’il ne rime pas avec terroir sans doute -), doivent accepter cette double réalité : primo, il n’y a pas une mais des ruralités ; secundo, la plupart des problématiques qu’ils pointent sont également valables en milieu urbain. A savoir la démographie médicale, l’accès aux services publics, les transports (en commun ou pas), la sécurité, le logement, le pouvoir d’achat, évidemment… « Ce qui importe, c’est d’inventer et d’apporter des réponses adaptées à chaque bassin de vie » note ainsi ma protégée féline. Vaste programme !

Vendredi._ La IVème République n’est pas morte. Le Président de la République consulte les différents leaders politiques et devrait nommer (enfin) un Premier ministre la semaine prochaine. Sibelle (somme toute très chafouine aujourd’hui) ronchonne dans son coin. « Pas un coup de fil pas un texto, nada. Monsieur Macron m’a superbement snobé depuis début juillet. J’en avais, pourtant, moi, des idées pour former un nouveau gouvernement… » Je lui demande qui elle aurait choisi pour la Culture. Elle me répond sans sourciller : « Daniel Auteuil ! Quand on a commencé par la saga des Sous-Doués avant de collectionner une quinzaine de nominations aux César (et d’en obtenir deux), on maîtrise parfaitement l’art de la composition ». Rideau !

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