Sibelle et son village préféré, les larmes du Panthéon et des usagers de la ligne POLT 

Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Lundi._ Nous avons la chance de vivre en démocratie, et il n’est donc pas illogique qu’une campagne électorale chasse l’autre. Nous ne parlons pas des Européennes mais d’un scrutin qui s’annonce bien plus ouvert (semble-t-il) pour ne pas dire plus populaire : à compter de ce lundi, et jusqu’au 8 mars à 23 h 59 (précision notée sur le site officiel), vous et moi pouvons voter pour désigner le Village Préféré des Français 2024. Pour l’Occitanie, c’est Collioure qui est en lice. Pas de village lotois à attendre donc au palmarès. C’est, on s’en souvient, Saint-Cirq-Lapopie qui avait en quelque sorte ouvert le bal en 2012, décrochant la timbale pour la première édition de ce concours devenu un classique de la télévision publique, orchestré par le sémillant Stéphane Bern. Puis, en 2016, Rocamadour s’était classé 3ème. Mais depuis, aucune commune du Lot n’a plus été admise à concourir. Paradoxe des découpages territoriaux, cette année, le village le moins éloigné (et on ne parle pas seulement de distance orthodromique _ c’est-à-dire « à vol d’oiseau » _) de chez nous, en termes d’architecture, de patrimoine, d’atmosphère, d’apparence globale, se situe en région Nouvelle Aquitaine : la bastide de Villeréal dans le Lot-et-Garonne. Mais pas question cependant de vous influencer. D’ailleurs, avec ma protégée, nous devons encore réfléchir avant de finaliser notre choix. Tout en regrettant évidemment que notre village, à l’orée de la vallée du Lot, ne soit pas en lice. Evidemment que nous aurions gagné. D’abord parce que le nom même du village est à la fois singulier et plus que symbolique, et ensuite parce que les ruelles du vieux bourg sont pittoresques avec leur senclos étagés à flanc de colline, comme les maisons aux pierres nobles du Quercy, plus ou moins orangées, réemployées après que fut ruiné un château féodal, et puis bien sûr parce que j’en connais une qui aurait su guider Monsieur Bern. Lui dire la poésie des murets en pierre sèche, du maigre ruisselet qui s’en va rejoindre le Lot, des dernières noyeraies, des quelques demeures nobles comme des dernières gariottes que le maquis mange peu à peu, des soleils couchants dont je devine qu’ils rassurent les vignes avant la nuit. Mais tant pis. On va garder toutes ces cartes postales pour nous. Allez, votez comme vous voulez. Nous, on a déjà gagné. 

Mardi._ Lecture (sans surprise) du compte rendu de la réunion du comité de suivi trimestriel de la ligne POLT qui s’est tenue en préfecture. « Plus ça va, moins ça va ! Les travaux ont eu lieu mais cela n’a pas amélioré la desserte » s’est plaint Serge Rigal. « La situation dans laquelle nous sommes, c’est du jamais vu. Nous demandons un plan d’action à très court terme » a ajouté Jean-Claude Sandrier (Urgence Ligne POLT et Destination train de nuit). « Nous demandons un terminus à Toulouse et pas à Brive » a plaidé Georgette Laporte (Tous ensemble pour les gares). « C’est catastrophique. La SNCF n’est pas un tiers de confiance. Elle va pousser des défenseurs du service public comme nous à demander l’ouverture à la concurrence » a conclu Pascal Coste, président du Conseil départemental de la Corrèze. Ma protégée ne peut rester muette et dresse donc ce tableau : « Au fond, il y a donc différentes catégories d’usagers. Ceux qui ne se plaignent pas (après tout, il doit bien y en avoir quelques-uns), ceux qui râlent quand une grève les empêche d’aller skier à Megève ou Courchevel, ceux qui aimeraient bien râler mais qui attendent désespérément qu’il y ait des trains sur leur ligne pour que de temps à autre, un mouvement de grève affecte le service. » 

Mercredi._ Nous avons les larmes aux yeux, avec Sibelle, en regardant à la télévision la cérémonie d’entrée au Panthéon de Manouchian, de son aimée, et de ses camarades. Au-delà de toute considération politique, nous sommes touchés par le geste du président Macron d’inviter les deux « anciens » Robert Birenbaum et Léon Landini à rejoindre avec lui, sous la pluie, à petit pas, à rejoindre le temple laïc où nos grands hommes reposent… Ce n’était pas prévu. Sur France 2, personne en plateau ne reconnaît les deux héros bientôt centenaires. Plus tard, encore une vive émotion. Quand on entend les paroles d’Aragon chantées par Arthur Teboul, le leader de Feu ! Chartteton. « Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes / Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants / L’affiche qui semblait une tache de sang / Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles / Y cherchait un effet de peur sur les passants / Nul ne semblait vous voir Français de préférence / Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant / Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants / Avaient écrit sous vos photos « morts pour la France » / Et les mornes matins en étaient différents. » Tout le reste n’a aucune importance nous semble-t-il, à cet instant. Ceux qui souhaitent faire de la petite politique, dans ce genre de circonstances, se trompent lourdement. Tant pis pour eux. 

Jeudi._ Nouvelle polémique à propos d’un projet de parc photovoltaïque, encore à Tour-de-Faure, d’ailleurs. C’est à n’y rien comprendre. Qui peut croire qu’il n’y a pas, dans le Lot ou ailleurs, des dizaines ou centaines d’hectares en déshérence, impropres à la culture, qui pourraient accueillir des panneaux sans que cela ne gêne ni les humains, ni la faune, ni la flore, ni le paysage ? « Du moment que c’est pas chez nous, et que depuis le bolet, ma vue sur les vignes et les collines n’est pas affectée, c’est vrai, c’est incompréhensible » glisse ma tigresse. 

Vendredi._ Des tracteurs bloquent de nouveau les ronds points de Cahors alors que s’ouvre ce samedi l’édition 2024 du salon de l’agriculture. On y attend la parole du président qui a étrangement choisi d’organiser un débat. Cela étant, nos pensées vont aux humbles paysans et bergers des causses qui soignent et préparent leurs brebis et agneaux, aux éleveurs, aux producteurs, aux ambassadeurs de notre terroir qui vont fièrement présenter ce qui se fait de mieux, ici, dans ce cher Quercy. Tous ne seront pas médaillés. Mais que tous soient récompensés par le sourire d’un enfant de Paris heureux de caresser une agnelle à lunettes, par les mots chaleureux d’un visiteur breton soudain converti aux vertus du foie gras, par le regard pétillant d’un viticulteur champenois qui constate que les rouges de Cahors ont aussi leur mot à dire sur la carte des vins du monde. Sibelle, philosophe, en appelle à la citation définitive de l’humoriste Vincent Roca pour conclure : « Tout ce qui a trait à la vache m’émeut… »