Viols incestueux et coups de martinet : Aux assises, cinq enfants accusent leur père
Les faits se sont déroulés dans le Lot-et-Garonne et en Gironde entre 2007 et 2018. Reconnu coupable en première instance, l’accusé a décidé de faire appel. Il est à nouveau jugé devant la cour d’assises de Cahors.
À aucun moment durant cette première journée d’audience, l’accusé n’a eu un regard pour ses trois filles assises au premier rang de la salle. David B. est pourtant jugé pour viols, agressions sexuelles et violences sur cinq de ses enfants alors que ces derniers étaient âgés de 6 à 12 ans. Il a même déjà été condamné en première instance à 16 ans de détention par la cour d’assises d’Agen en février 2023. Son procès en appel a débuté ce lundi 5 février à Cahors. Depuis le début, l’homme de 50 ans nie tous les faits. Il encourt jusqu’à 20 ans d’emprisonnement.
Le portrait de famille dépeint lors de cette première journée d’audience est des plus sinistres. Issue de la communauté des gens du voyage, elle compte les deux parents séparés depuis 2015 et huit enfants. Le 29 avril 2019, l’une des filles, alors âgée de 13 ans, se présente à la gendarmerie de Marmande en Gironde. Devant les militaires, elle accuse son père de l’avoir violée à plusieurs reprises quand elle avait entre 6 et 11 ans. Outre les nombreux abus sexuels, elle raconte aussi des violences quotidiennes. Ses deux sœurs ainées, qui auraient subi les mêmes actes, confirment avoir été victimes de sodomie, de masturbation, de pénétration vaginale et d’attouchements en tous genres. Deux de leurs frères assurent avoir été témoins des scènes d’agressions sexuelles sur leurs sœurs et dénoncent également des faits de violence à leur encontre. Leur père aurait ainsi battu ses enfants chaque jour à coup de martinet, de branches d’acacia ou encore de ceinture, le tout sur fond d’alcoolisation massive. Pour la plupart des enfants, la possibilité d’affabulation a été écartée par les experts.
« J’ai vu des matelas posés sur le sol et des enfants entassés dans une pièce ». A la barre, l’ancienne maire d’Astaffort, où a résidé le père avec sept de ses enfants, se remémore la fois où elle a découvert le logement de la famille. L’accusé avait été emmené à l’hôpital après avoir consommé trop d’alcool et l’élue avait été appelée pour s’occuper des enfants. « Ils étaient laissés à l’abandon. En arrivant sur place, je me suis rendue compte que l’habitation était insalubre. Les enfants étaient connus pour vagabonder dans le village pieds nus, en tenue légère, sans surveillance. Ils quémandaient de la nourriture aux voisins et n’étaient pas scolarisés ». Pourquoi l’accusé n’a-t-il pas demandé l’aide de sa famille, dont il se dit pourtant très proche, pour nourrir ses enfants ? « Par fierté », rétorque-t-il. « Vous préférez donc les laisser crever de faim ? », résume Me de Behr, une des avocates des parties civiles. « Vous avez raison. On vivait dans la précarité, ce n’était pas une situation adaptée pour les enfants. Je voulais être un père modèle mais je ne l’étais pas », lui répond l’homme.
Lui-même est le dernier d’une fratrie de neuf enfants. A l’enquêtrice de personnalité, il raconte avoir été « le chouchou de son père ». Selon l’accusé et son entourage, il n’y a jamais eu de conflits entre eux. « Mes proches me tiennent en vie, ils sont très importants pour moi », dit-il. Enfant malade et rapidement déscolarisé, il ne sait écrire que son nom. Lorsqu’il a 21 ans, il rencontre celle qui deviendra la mère de leurs enfants. Elle est alors âgée de 14 ans et donne naissance trois ans plus tard à leur première fille. La famille a vécu entre le Lot-et-Garonne et la Gironde, parfois en appartement, parfois en roulotte. David B. se définit comme un père « protecteur et sévère » qui a éduqué ses enfants selon les valeurs gitanes : le travail pour les garçons, les tâches ménagères pour les filles. Et surtout, surtout, pas de relation avec des garçons. « Pour nous, gens du voyage, quand on couche avec une fille, on est marié avec elle », explique-t-il. Quand on lui demande à quel âge on peut marier une fille, il répond : « à partir de 16 ans ». A l’entendre, il serait victime d’un complot entre ses enfants qui voudraient se débarrasser de lui et de son autorité trop envahissante.
Le témoignage de son ex-compagne, qui se constitue partie civile aux côtés de ses cinq enfants, ajoute une nouvelle couche morbide au tableau. « La vie que j’ai eu depuis mes 14 ans n’a pas été facile. Après dix, quinze jours de relation, il a commencé à me frapper. Je n’avais pas le droit de sortir de la caravane, je ne pouvais appeler personne. Ses sœurs me frappaient aussi, ses beaux-frères m’insultaient. Je ne comprends toujours pas pourquoi je suis restée toutes ces années », raconte-t-elle. Et puis les enfants sont arrivés : huit en treize ans. Mais les violences auraient continué : « Si on disait non, on prenait des coups et on allait au lit sans manger. S’il était de mauvaise humeur, c’était pareil ». Concernant les accusations de viols et d’attouchements sexuels, elle assure n’avoir rien vu. Mais, « je crois ce que disent mes filles, j’ai vécu à peu près les mêmes choses. Moi aussi il m’a forcé à faire des choses … », confie-t-elle.
Corps maigre, chemise à carreaux et moustache mal entretenue, dans le box des accusés David B.ne laisse transparaître aucune émotion. Ses seize mentions à son casier judiciaire en disent un peu plus long : la plupart ont été commises en état d’ivresse. Or s’il réfute tous sévices infligés aux enfants, il nie aussi avoir un problème avec l’alcool, alors même qu’il a passé un an en cure de désintoxication. « Les enfants n’avaient pas l’habitude de me voir boire. Les pompiers ne sont venus qu’une fois », assure-t-il. Sur le banc, ses trois filles affichent un air sarcastique. Mardi, ce sera à leur tour de prendre la parole.