Pascal Bardet : « Au rugby, on garde les pieds sur terre »
Spécial coupe du monde de rugby. Le chef étoilé du Gindreau, à Saint- Médard, suit les matches en cuisine. Ancien footballeur, il partage le sens des valeurs des champions de l’ovalie.
« Les matchs ? Bien sûr que j’arrive à les suivre ! Je ne travaille pas 24 heures sur 24 ni 7 jours sur 7 et puis surtout, vous savez, un petit écran peut parfaitement trouver sa place en cuisine pour que ceux et celles qui sont intéressés, parmi la brigade, ne ratent pas cet événement majeur… » Le chef Pascal Bardet devine aussi que certains soirs, des clients du Gindreau sont susceptibles d’être amateurs de rugby. « Je pense que nous allons installer un téléviseur en salle. Mais sans le son. Evidemment, nous avons aussi des convives qui souhaitent profiter de leur venue pour échapper à l’actualité, même sportive ! »
L’ancien élève de Ducasse revenu dans son Lot natal explorer toutes les facettes et tous les arômes d’un terroir si riche et en élaborer d’incroyables chefs- d’œuvre gastronomiques ne veut pas, cependant, mentir sur son parcours… sportif. « Enfant, je jouais au foot. Mais je n’aimais rien tant que passer de bons moments avec mes copains qui faisaient du rugby. Inconsciemment peut- être, j’appréciais leur sens de l’échange, de la convivialité. L’ambiance était saine, directe, franche. Tout en ayant le sens du respect. Et j’ai compris ensuite qu’effectivement, en rugby, cette notion de respect était essentielle. Envers l’adversaire comme le partenaire ou l’arbitre. Envers le sport lui-même… Hier soir, je regardais un match de foot à la télé : les gars, aussi brillants soient-ils, n’arrêtent pas de râler. D’en rajouter. C’est une différence majeure… »
Et comme d’autres, Pascal Bardet suggère volontiers que ces valeurs inhérentes à l’ovalie ont résisté au professionnalisme et à l’argent. « J’ai eu la chance de croiser des joueurs du Top 14 ou même le sélectionneur Fabien Galthié : ils évoluent au plus haut niveau mais leur sens des valeurs et du respect est resté intact. » Du coup, le cuisinier en viendrait à souhaiter que dans la vie de tous les jours, pour tout un chacun, il en aille de même : « Gagner, réussir, avoir du succès, dans quelque domaine que ce soit, cela n’empêche pas loin s’en faut de garder les pieds sur terre, de perdre le sens des priorités… » On lui oppose que certains de ses collègues ont pu parfois être grisés. A fortiori quand les médias leur ont tendu les bras. Il l’admet… Les valeurs du rugby sont donc universelles, ses leçons aussi.
Le sens de l’humilité dans le travail
Reste à évoquer le rapport entre grande cuisine et grands sportifs. Lui qui a officié au Louis XV, à Monaco, confie avoir servi des célèbres champions, souvent encore en activité. « Je n’ai jamais eu à leur préparer une version spéciale d’un plat. Ils venaient se faire plaisir, s’offrir une parenthèse. Tout est question d’équilibre. Et évidemment, dans certaines disciplines, a fortiori en pleine compétition, c’est différent. » L’équilibre, une autre valeur cardinale pour le chef. S’il ne pratique plus de sport de compétition – « encore que cuisiner, vous savez, c’est physique ! » rigole-t-il -, Pascal Bardet aime toujours se balader, à pied ou à vélo. Et ses enfants, eux, sont inscrits au club de foot du village. Et plus tard, ils connaîtront les joies des troisièmes mi-temps. Comme leur père en son temps. « Ah ! Dans le Ségala, l’hiver est frisquet. Il faut savoir se réchauffer. Sans abuser, sans reprendre le volant… »
Sur ce, ne lui dîtes surtout pas que le Lot est un peu à l’écart des festivités du mondial. « Si la France est sacrée, ce sera aussi grâce à son sélectionneur lotois… Je crois qu’il est important pour lui de conserver un lien avec sa terre d’origine. J’ai pu le rencontrer, quasiment en voisin, avec son staff. C’est un homme ouvert et réfléchi. Il sait où il va. Et malgré les contraintes de son poste, il a cultivé l’art de la simplicité ? Une forme d’humilité dans le travail comme dans le succès. » On comprend que les deux hommes s’apprécient. On a envie d’employer les mêmes adjectifs pour les qualifier…
Ph.M.
Photo : Maki Manoukian.