Sibelle, l’été très studieux de Rémi Branco, les hirondelles de Montcuq et la rentrée des profs
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Décidément très actif au cœur de l’été, le vice-président du conseil départemental Rémi Branco s’était déjà illustré début août en accordant un entretien à Libération : il y déplorait que la gauche soit désormais perçue comme « une donneuse de leçons » dans les territoires ruraux. Cette fois, il développe le constat et avance quelques pistes dans une tribune publiée par la très respectée Fondation Jean-Jaurès : « Passons au plat de résistance : la viande et à travers elle le modèle agricole, le monde agricole et rural en général. Par conviction ou par manque de pouvoir d’achat, chacun a bien conscience que notre consommation de viande va diminuer. De la même façon que chacun voit bien, y compris et surtout les agriculteurs eux-mêmes, que le modèle agricole productiviste issu du lendemain de la Seconde Guerre mondiale n’est plus viable, qu’une révolution agroécologique est indispensable pour la santé de nos sols, des humains et de la biodiversité. Au lieu de se placer en soutien, en accompagnement du monde agricole dans cette transition si complexe et coûteuse, elle (la gauche, NDLR) le met en permanence sur le banc des accusés ! Elle donne ce sentiment ô combien désagréable, pour ne pas dire insultant, de lui faire la leçon, de lui expliquer en quoi il a tout faux sur tout : l’élevage, la façon de produire en général, à coups d’interdits divers et variés, au mépris le plus souvent d’alternatives possibles pour les agriculteurs. Ce discours est d’une violence sans nom pour des millions de personnes : pour les agriculteurs eux-mêmes mais aussi leurs familles, leurs amis, leurs voisins. Il faut imaginer la violence qui peut être ressentie lorsque certains affirment que les incendies gigantesques du début de l’été sont dus à l’élevage. On les traite de criminels, ni plus ni moins. Qu’ils soient salariés d’un abattoir, éleveurs d’agneaux sur les Causses du Lot ou de vaches laitières en alpages… » Un long plaidoyer conclu ainsi : « Soit elle (la gauche, toujours… NDLR) considère que son rôle est d’être un lanceur d’alerte, une sorte d’avant-garde éclairée, élitiste, et elle est vouée à un rôle minoritaire (…). Soit elle se donne l’ambition de changer la vie des gens et de préserver la planète. Pour y parvenir, elle devra à un moment convaincre plus d’un électeur sur deux. Et donc accepter de se remettre en question, de se cogner au réel, d’aller écouter et comprendre toutes ces femmes et ces hommes qui ne nous supportent plus, d’être à leurs côtés, de trouver des réponses à leurs problèmes, d’en être les porte-parole. Le chemin sera long, mais la politique n’est jamais affaire de court terme. » Ma protégée féline est pensive. Elle semble toutefois donner raison à l’ancien chef de cabinet du ministre Stéphane Le Foll, l’un des tenants des anti-Nupes au sein du PS. Et elle finit par lâcher : « La dernière phrase, tu crois qu’on peut l’appliquer aussi aux ambitions personnelles de Monsieur Branco ? Et que ce dernier pense qu’un jour, il finira par être député sur les terres bien gardées de Monsieur Pradié ? »
Mardi._ On apprend qu’à Montcuq, la mairie va installer des dispositifs (en l’espèce des petites planches sous leurs nids) pour favoriser le retour des hirondelles tout en évitant d’éventuelles nuisances. Comme quoi, dans le Lot comme ailleurs, on peut avoir un peu d’imagination et de volonté pour contribuer à la préservation des équilibres écologiques dans ce monde qui semble partir en vrille. Sibelle se tait. Je sais qu’il lui arrive de chasser les petits oiseaux. J’ai beau la sermonner, rien n’y fait. C’est l’un des paradoxes du temps. Il faut aussi parfois protéger la nature contre elle-même.
Mercredi._ C’est la galère pour les étudiants qui veulent trouver un logement à Cahors. Ce constat est en soi une bonne nouvelle : il confirme que les formations post-bac proposées dans notre ville chef-lieu attirent des jeunes qui seraient sinon tentés d’aller se former à Toulouse… Mais il faut trouver des remèdes. A défaut de construire en quelques semaines ou quelques mois une véritable résidence universitaire comme il en existe dans les métropoles, Sibelle suggère une piste : proposer aux étudiants de septembre à juin des studios ou logements dédiés en été aux locations saisonnières. Les communes de la périphérie reliées par des cars à Cahors pourraient également être concernées, via des colocations. Reste à convaincre les propriétaires comme les étudiants. La loi et la fiscalité ne sont guère favorables à ce genre de solution pour le moment. « On entend parfois qu’il faut expérimenter des dispositifs dans les territoires (c’est-à-dire « en province », comme on disait avant que ce mot ne soit devenu tabou). Cahors et le Lot pourraient candidater, non ? » propose encore ma tigresse domestique. Je l’imagine bien, certains soir, faire sa ronde dans le vieux village pour surveiller que nulle nouba ne soit organisée par des étudiants logés dans quelque gîte réservé jusqu’alors aux vacanciers de l’été…
Jeudi._ Dernier jour de vacances pour la plupart des enseignants. J’ai une pensée pour mon père, professeur de lettres classiques qui devint par la suite conseiller principal d’éducation dans un lycée. Il rentrait plus tôt, et c’était peut-être pour lui la période la plus éprouvante. Il s’arrachait les cheveux avec ses collègues pour élaborer les emplois du temps. Des élèves, des profs et des… salles. Il fallait essayer de tenir compte des souhaits de chacun, des équilibres pédagogiques, et des murs qui n’étaient pas extensibles. Une étude l’avait stupéfié : des chercheurs avaient conclu il y a déjà quelques décennies que la période de la semaine la plus pédagogiquement efficiente était (et serait toujours) le mardi de 10 à 12 heures. Sibelle rigole : « Je pense aux élèves qui ont piscine le mardi matin… » Je la sermonne : « C’est très important, l’EPS ! » Certes. Mais notre pays semble avoir bien du retard pour en prendre conscience. On l’a encore vu cette semaine quand les athlètes français sont rentrés avec une seule médaille des mondiaux. Le ministère des Sports a sermonné la fédération. A un an des JO de Paris, ce résultat est jugé préoccupant. Des ex-champions ont réagi. A raison. Comme Stéphane Diagana : « Des choses sont faites au niveau de l’Agence nationale du sport, au niveau de la Fédération, mais c’est la place du sport à l’école qui conditionne tout ». Et pas seulement le mardi de 10 à 12 heures…
Vendredi._ J’ai été réveillé dans la nuit par un tohu-bohu. Cela venait du bolet. Un chat du voisinage est venu fouiller la poubelle de tri. Il s’est enfui quand j’ai ouvert la lampe. Je demande à Sibelle où elle était partie traîner au lieu de surveiller nos extérieurs. « Je ne suis pas vigile » me répond l’insolente. Elle me promet néanmoins d’enquêter. Plus tard, elle m’explique ne pas en savoir plus. Puis elle marmonne. « Je ne suis pas une balance… » J’en conclus : un, que ma protégée regarde trop de polars à la télé jusqu’à adopter le vocabulaire des voyous ; deux, qu’elle connaît vraisemblablement l’auteur de ce forfait mais qu’elle ne veut pas risquer de représailles. Je n’ose enfin imaginer le pire : qu’elle-même eût renseigné un matou des environs. On ne peut plus faire confiance à qui que ce soit. La France rurale, ce n’est pas simple. Et je dis ça sans vouloir donner de leçons, comme le conseille Monsieur Branco.
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