Le retour de la pyrale et Sibelle qui accorde l’exil aux bouquinistes des quais de Seine
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Vous connaissez la « cydalima perspectalis » ? Non ? Mais si on la nomme par son appellation courante, cette fois, vous comprendrez mieux : il s’agit tout simplement (hélas) de la pyrale du buis. Après Toulouse, le Lot est de nouveau touché. Medialot évoquait ce retour pour le moins intempestif dès le 1er avril dernier, et il ne s’agissait pas d’un poisson. Dans l’article, des conseils préventifs étaient même prodigués. Ils sont toujours valables. Je raconte à Sibelle comment, dans notre humble jardinet, sur les hauteurs du vieux village, nous avions constaté il y a quelques années les effets de ce fléau impressionnant. Ma protégée féline était encore une enfant… J’avais d’abord pensé que les deux pieds de buis de l’enclos, l’un près de l’abri à outils, l’autre en haut de l’escalier en pierre, avaient été enveloppés par d’immenses toiles d’araignées. Et moins de deux jours plus tard, j’observais médusé qu’ils étaient comme cramés, passés au lance-flamme de la « cydalima perspectalis ». La stupeur passée, j’avais remisé au vestiaire des illusions perdues toutes velléités de m’illustrer un jour ou l’autre dans l’art topiaire. Ma protégée sursaute. « Non Sibelle, il ne s’agit pas de sculpter des taupes… » Sur ce, une consolation. Le buis avait fini par repousser. On croise les doigts…
Mardi._ En déplacement dans notre cher département, le ministre délégué au commerce extérieur, Olivier Becht, visite la coopérative laitière de Bagnac-sur- Célé. Elle regroupe 30 producteurs du Cantal, de l’Aveyron et du Lot. D’où son nom devenu une marque synonyme de circuit court (pour nous) : « Cant’Avey’Lot ». Avec Sibelle, nous constatons sur le site Internet de la coopérative que les produits « Cant’Avey’Lot » (lait, yaourts…) sont disponibles dans nombre de points de vente du quart sud-ouest de la France, mais aussi sur le littoral méditerranéen, en région lyonnaise et enfin dans pas mal de supérettes de Paris et sa (grande) couronne. « Il n’y a donc pas que nos vins, nos foies gras, nos truffes, nos confitures, nos cabécous ou encore nos gigots des causses qui se révèlent de formidables ambassadeurs du savoir-faire et du terroir d’ici » se félicite ma tigresse domestique. Qui poursuit : « Nous sommes aussi des spécialistes des produits laitiers de qualité ! ». Sur ce, elle veut avoir comme toujours le dernier mot. « Il manque encore un secteur dans lequel le Lot doit s’investir : les croquettes ! » Cela étant, à sa façon, ma protégée n’a pas attendu pour décliner à sa façon son recours aux circuits courts. Je le constate certains matins quand, sur le paillasson, gisent quelques offrandes que la chasseresse a déposées dans la nuit…
Mercredi._ Jour J pour le Tour de France Femmes (ne dites plus « féminin » au risque de passer au mieux pour un ringard, au pire pour un misogyne décomplexé) avec l’étape Cahors-Rodez. Je me dépêche à l’heure H : vite, il faut allumer la télé pour ne pas manquer le départ, les images du peloton longeant le Lot, les villages viticoles puis ceux, en amont, qui jalonnèrent en son temps la route Sans Frontières. Mais que se passe-t-il ? Rien sur la 2, rien sur la 3 et rien sur Eurosport. Sibelle est dégoûtée. Le direct est réservé à la seconde partie de l’étape… C’est donc en vain que ma perfide mais obstinée protégée aura déployé sa petite banderole pourtant préparée avec soin en espérant qu’elle soit repérée par un hélicoptère de France Télé, avec cette citation devenue notre devise : « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux… » Sibelle enrage : « Du temps de Maurice Faure, ça ne se serait pas passé comme ça… » Je n’ose pas lui répondre qu’en ce temps-là, pourtant encore pas si lointain, l’audimat n’était pas l’alpha et l’oméga des responsables des chaînes de télé…
Jeudi._ Pas question de vacances (pour l’instant) pour le député Pradié. Ni dans les médias nationaux, ni sur Twitter (devenu X). Cette semaine, il relaie une tribune du Monde signée d’experts du marché immobilier avec ce commentaire : « Parmi les défis immenses que notre pays doit relever, il y a le logement. Avoir un salaire stable ne permet plus d’accéder à la propriété. Le sujet n’est pas technique. Il est politique. Il dit beaucoup d’une société en panne. Et d’une promesse à rebâtir. » De fait, crise sanitaire, guerre en Ukraine, inflation et taux de crédit à la hausse ont ralenti les mises en chantier et freiné les banques au moment d’accorder les crédits. Reste que la problématique n’est pas foncièrement nouvelle. Avant la crise déjà, dans un pays où les prix (de l’immobilier) variaient (et varient toujours) de 1 à 15, acheter un logement n’était plus depuis belle lurette une équation simple dans nombre de métropoles et régions même quand on a un salaire stable. D’où la nécessite de s’éloigner des centres, d’avoir une voiture pour les trajets, etc. Ma tigresse domestique suggère que l’État fasse pression sur les banques, ou qu’il s’y substitue. Vaste programme. Et quid de la loi du marché, cette pierre angulaire de l’économie libérale ?
Vendredi._ On apprend que des centaines de bouquinistes parisiens vont devoir plier boutique pendant les Jeux Olympiques, l’été prochain, en raison notamment du périmètre de sécurité lié à la cérémonie d’ouverture. Or, il faut admettre que les quais de la Seine sans les bouquinistes, c’est un peu comme un sandwich américain sans de bonnes frites, un panaché sans bière, un apéro d’été sans rosé, une plage sans parasol, un tweet sans faute d’orthographe, un film sans générique. Ou une chronique du samedi sans une idée saugrenue de Sibelle : « Je propose qu’on les transfère momentanément sur les Allées Fénelon ou sur les quais près du pont Valentré. Cahors deviendrait pendant quelque temps la capitale du livre d’occasion, l’Eldorado des bibliophiles ». On a vu projet plus loufoque, non ?