Sibelle, la mort de Jane, la nouvelle vie de l’abbaye de Souillac et le Tour féminin qui s’annonce
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Les lundis matins ne sont jamais enthousiasmants. Certains sont pourtant plus sombres que d’autres : la mort de Jane Birkin nous colle des semelles de plomb et notre tristesse est aussi lourde que cette femme nous semblait légère. Eternellement légère. Même si l’on savait qu’elle n’avait pas traversé que des périodes « rigolotes », même si son accent peinait parfois à cacher des mots synonymes de blessures intimes, de nuits d’angoisses. Je regarde avec Sibelle des images tirées du film que Charlotte Gainsbourg avait consacré tout récemment à sa chère maman. Jane déambule dans sa grande maison bretonne puis elle marche sur la plage. Elle semble zigzaguer. On remarque qu’elle plaque sa main droite sur une de ses oreilles. On pense d’abord que c’est à cause du vent. On comprend finalement qu’elle écoutait via une oreillette les magnifiques mots d’amour de sa fille, suggérant ne pas imaginer pouvoir survivre sans elle. Au fond, on est toujours surpris par la fragilité des célébrités, ou plus exactement par le fait qu’elles puissent être confrontées aux mêmes tracasseries anodines du quotidien et aux mêmes drames que nous réserve la vie. A tous. Je lis ici ou là que des pères ou mères-la-morale fustigent les journalistes qui associent systématiquement Serge Gainsbourg à Jane Birkin. Cette société est décidément épuisante. Bien sûr il y eut une Jane avant, puis une Jane après. Mais comment nier que nous puissions garder une forme de tendresse indélébile pour ce couple littéralement iconique dont les images défilent sur les écrans et dans nos mémoires. Ils étaient terriblement beaux, Serge et Jane. « Et ils nous manquent terriblement » conclut Sibelle, la larme à l’oeil.
Mardi._ Sans transition, pardon d’évoquer les soucis du maire de Colombier-Saugnieu, une commune du Rhône de quelque 2700 habitants. Mais avec ma protégée, nous sommes tombés sur un reportage de BFM qui nous a évidemment interpellés. Le premier magistrat de cette localité située grosso modo entre Lyon et Bourgoin-Jallieu doit en effet inscrire chaque année dans son budget, au niveau de la ligne dédiée à la signalétique, une somme bien supérieure à ce qu’elle devrait être. La raison de cette anomalie ? Deux à trois fois par an, le panneau qui indique l’entrée dans un des hameaux de la commune est volé. Et pour cause : ce hameau porte un nom qui résonne tout particulièrement à nos oreilles lotoises. Il s’appelle « Montcul ». Je lis sur Internet que pour les spécialistes de toponymie, le nom désignerait « une hauteur arrondie ». Bref, notre Montcuq à nous n’est donc pas seul. Sauf qu’il a bénéficié en son temps des honneurs du Petit Rapporteur. Ma chère tigresse domestique a le dernier mot. « Est-ce que tu crois que les chenapans qui volent le panneau de Montcul, une fois rentrés chez eux, le posent fièrement sur la commode ? ».
Mercredi._ 10 %. Les tarifs de l’électricité augmenteront de 10 % au 1er août. N’entrons pas dans les débats qui accueillent la nouvelle qui tombe, évidemment, au cœur de l’été. Certains fustigent le ministre de l’Economie qui avait promis qu’il n’y aurait pas de rattrapage, d’autres (souvent les mêmes cependant) pointent les sociétés de distribution qui engrangent des bénéfices au détriment des consommateurs. Reste que le calendrier faisant somme toute bien les choses, on apprend pendant ce temps que le président du Conseil départemental, Serge Rigal, a remis cette semaine un chèque de 2000 euros à l’un des premiers bénéficiaires du dispositif « Lot solaire ». La cérémonie a eu lieu à Planioles, près de Figeac. Il s’agissait de mettre… en lumière la politique du Département, qui soutient les foyers voulant poser des panneaux photovoltaïques. A ce jour, 200 dossiers de demandes d’aides ont déjà été déposés. Le coup de pouce de la collectivité vient en supplément de celui de l’État. Sibelle me sermonne : « Au lieu de traînasser, tu devrais déjà avoir sollicité un devis et monté un dossier… » Elle a évidemment raison. D’autant qu’à l’évidence le toit de notre maison, sur les hauteurs du village, est bien orienté. « Ne me dis pas que c’est une question esthétique qui te fait hésiter ? » maugrée Sibelle. La réponse est non. Je vais appeler pour un devis. Cela étant, les progrès technologiques sont si rapides que le seul risque que l’on prend, c’est d’être dépassé. Tenez. Voilà que sont mises sur le marché des « tuiles de type canal d’aspect traditionnel qui intègrent des cellules solaires photovoltaïques pour produire de l’électricité », lis-je sur un site spécialisé. « Cette tuile solaire conserve l’aspect de la terre cuite et est présentée comme une solution d’intégration solaire aux bâtis dans des quartiers historiques et autour des monuments classés ». Bon, seul le prix est encore très élevé. Va donc pour les panneaux photovoltaïques. Je préviens néanmoins Sibelle : « Les panneaux et leurs abords seront évidemment interdits à la chasse ». Comme par hasard, elle semble surprise !
Jeudi._ Une petite révolution à Souillac. Le conseil municipal a acté la vente des bâtiments conventuels de l’abbaye à un groupe immobilier spécialisé qui va y aménager des logements. Le prix de la cession semble presque anecdotique (100 000 euros) mais il est vrai que l’acquéreur devra aussitôt investir des millions d’euros, les travaux devant respecter les rigoureuses prescriptions des architectes des Bâtiments de France. Cela m’évoque les débats qui avaient accompagné à Sedan, ma ville d’origine, la création d’un hôtel au sein du château fort réputé le plus étendu d’Europe. Cela fait une vingtaine d’années désormais. Et il faut le reconnaître, parfaitement fondu dans le site classé, l’établissement hôtelier a participé au renouveau de l’ancien château des seigneurs et princes de la cité… Avec Sibelle, on souhaite même sort à l’abbaye de Souillac. Au fond, depuis Mérimée, on devrait savoir en France que le patrimoine doit être considéré aussi comme quelque chose de vivant. Classer un château, une église ou un bâtiment quelconque n’est pas le plonger dans une sorte de formol. « C’est protéger ses richesses tout en accompagnant, le cas échant, ses mutations. Rares sont les sites classés qui n’ont pas été déjà moult fois incendiés, pillés, remaniés, reconstruits avant un jour d’être reconnus comme tels » insiste Sibelle.
Vendredi._ Ne cherchez pas à nous joindre mercredi prochain, Sibelle ou moi. C’est jour de fête au village. Sonnez hautbois, résonnez musettes ! Le tour féminin passe en bas de chez nous ! Car avant de filer sur Rodez depuis Cahors, à l’est, les grandes princesses de la petite reine devront se coltiner une boucle (au demeurant assez agréable pour se mettre en jambe) de part d’autre du cours du Lot : via Pradines et Luzech en rive gauche puis, au retour, via Crayssac, Espère et Mercuès en rive droite. Je préviens à l’avance ma protégée : elle aura le droit de m’accompagner, mais je lui interdis d’imiter les fondus qui courent quelques mètres aux côtés des échappés lors des étapes de montagne, hurlant leurs encouragements avant de s’arrêter, essoufflés, au risque que leur enthousiasme ne provoque un accident. « T’inquiète. Je serai sage. Je n’aurai qu’un humble panneau dont je rêve qu’il soit filmé par une des nombreuses caméras de télé… » répond Sibelle. Je suis certain qu’y sera gravée notre devise héritée du grand Maurice Faure : « Nous sommes pauvres, mais nous sommes beaux. »